Never Eat Alone : connecting people
Si tout s’était passé comme prévu, Marie Schneegans occuperait aujourd’hui un poste prometteur au sein du groupe Rothschild. Quelque chose qui en impose sur sa carte de visite, en accord avec sa formation dans l’univers de la finance. Elle ne serait pas interviewée sur sa fibre entrepreneuriale et sa société, Never Eat Alone, ne serait pas citée parmi les trente start-up dans lesquelles Challenge conseillait d’investir en 2016. Fort heureusement, avec Marie, les choses se passent rarement comme prévu.
À commencer par ce stage que, alors étudiante à Dauphine, elle effectue chez UBS, et qui l’emmène à découvrir une organisation « verticale et hiérarchisée », où les interactions spontanées entre collaborateurs issus de services différents sont pour ainsi dire inexistantes. Pour celle qui croit au mélange des genres et à l’inspiration collective, il y a là un manque à combler.
Facilitateur
« Pour moi, explique-t-elle, comprendre la vision globale de l’entreprise implique de dépasser les logiques de service pour aller à la rencontre des autres. » Ce qu’elle décide de faire en sollicitant à déjeuner des salariés de tous services et de tous grades. Jusqu’au P-DG qui, à la surprise générale, accepte. Marie, elle, n’est pas étonnée. « Lorsqu’on ne se met pas de barrière, lorsqu’on ose, on se rend compte que personne n’est inaccessible », déclare-t-elle. Reste à en convaincre les autres. « Les 90 % de salariés français » pour qui solliciter un inconnu à déjeuner n’est pas naturel. Pour ceux-là, elle imagine une application capable de faciliter la mise en relation.
Présenté au Ackathon de Berlin qui, trois jours durant, permet à 200 participants de transformer une idée en prototype, son projet remporte le premier prix : six mois dans un incubateur, à San Francisco. L’occasion, pour Marie Shneegans, d’identifier ses priorités. « À l’époque, je venais d’être prise chez Rothschild, se souvient-elle. J’ai dû choisir ». Ce sera San Francisco.
Levée de fonds
Là-bas, elle est rejointe par Paul Dupuy, avec qui elle crée Never Eat Alone en l’espace de six mois. « Tout s’est fait de façon spontanée, se souvient-elle ; avec une part de chance et beaucoup d’intuition. Il y avait un besoin, je me suis dit que ça pouvait être un business ». Lorsque, de retour à Paris, l’entreprise commence à recruter, la question des locaux se pose. Pour Marie, pas question de passer des espaces de co-working californiens à des bureaux standards. « Je voulais une formule qui casse les lignes hiérarchiques, explique-t-elle. Un endroit qui donne aux gens envie de travailler ensemble. » Fin 2016, elle tient le lieu idéal : une maison en plein 17ᵉ arrondissement, avec jardin et vastes espaces de vie commune. L’entreprise compte alors dix salariés et une cinquantaine de clients parmi lesquels Engie, Danone, Vinci, BNP… Surtout, elle vient d’effectuer une première levée de fonds de 1,3 million d’euros auprès d’Elior.
« Travailler la vision »
Une rentrée d’argent qui permet aux deux fondateurs de rester majoritaires tout en leur donnant les moyens d’enrichir leur offre. Ce qu’ils font en créant Workwell, une plate6forme lancée il y a un an en partenariat avec American Express et visant à « faciliter la vie des collaborateurs à tous niveaux », qu’il s’agisse de services quotidiens – grâce à une fonction conciergerie –, de réservations de salles de réunion en ou de la mise en place de covoiturages. Tout ce qui peut contribuer à l’ambition de départ: « Rendre les gens plus heureux au travail », résume Marie Schneegans qui, interrogée sur l’avenir, évoque de nouveaux recrutements – l’entreprise tablant sur 25 salariés à la fin de l’année – et une prochaine levée de fondS.
De quoi lui permettre de ne rien changer à une recette du succès qu’elle résume ainsi: « M’être entourée des bonnes personnes et travailler la vision. » Autrement dit, penser au coup d’après.
Caroline Castets