« Les États membres doivent rendre leur marché du travail plus dynamique et plus flexible »
Décideurs. L’emploi est au cœur des préoccupations. Comment réactiver une véritable politique en la matière ?
László Andor. La situation de l'emploi dans les États membres est de plus en plus préoccupante. Le chômage atteint 26 millions de personnes, c’est-à-dire 10,7 % de la population active. Le chômage des jeunes en particulier a augmenté de façon dramatique : 22,7 % des jeunes sont sans emploi. Sept millions et demi de jeunes entre 15 et 24 ans ne sont ni aux études, ni en formation, ni au travail. Dans la situation économique très difficile que nous connaissons, il est impératif de relancer la croissance en créant des emplois. Ce sont aussi les emplois qui créent la croissance, en générant des revenus qui relancent la consommation. C'est pourquoi les mesures d'austérité seules, sans mesures d'accompagnement pour maintenir ou créer des emplois, peuvent entraîner un cercle vicieux qui pèsera sur la demande interne et mènera à de nouveaux licenciements. Concernant les jeunes plus particulièrement, je souhaite mettre en œuvre la « Garantie pour la jeunesse », la mesure phare proposée dans le «Paquet emploi jeunes» de décembre 2012 et sur laquelle les États membres ont donné leur accord le 28 février dernier. La « Garantie pour la jeunesse » vise à ce que tout jeune de moins de 25 ans se voit proposer une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la fin de ses études ou suivant la perte de son emploi.
Plus généralement, nos politiques économiques et sociales doivent construire les conditions favorables à la création d'emplois. Le « Paquet emploi » proposé par la Commission en avril 2012 offre un ensemble d'outils qui permettent de stimuler l'emploi. Il s'agit par exemple de réduire la pression fiscale sur le travail au profit de taxes environnementales, de promouvoir l'entreprenariat, ou de développer des subsides à l'embauche.
Il faut également souligner le potentiel de croissance de l'économie verte, du secteur de la santé et de celui des technologies de l'information. D'après les estimations, 20 millions d'emplois pourraient être créés en Europe d'ici à 2020 dans l'économie verte et 8 millions dans le secteur des soins de santé. Le secteur des technologies de l'information et de la communication quant à lui pourrait même connaître une pénurie de personnel qualifié, avec 900.000 emplois à pourvoir d'ici à 2015. Il appartient aux décideurs politiques de soutenir l'embauche dans ces secteurs, mais aussi d'améliorer la formation des jeunes pour les préparer à ces secteurs d'avenir.
Un autre volet d'une politique de l'emploi moderne et efficace est de veiller à réduire la segmentation du marché du travail, en mettant fin notamment au recours abusif aux contrats précaires. Tous les contrats de travail devraient offrir aux travailleurs un ensemble de droits fondamentaux, y compris le droit à la retraite et le droit à une formation continue. Nous devons aussi faciliter l'accès au marché du travail pour tous, en proposant par exemple des services de garde de qualité pour les enfants en bas âge.
Enfin, nous devons assurer un niveau décent des salaires minimaux afin d'enrayer l'émergence d'une classe de travailleurs pauvres. Il y va non seulement de la dignité des personnes concernées mais aussi de la croissance puisque, je le rappelle une fois encore, ce sont les revenus qui entraînent la consommation et la consommation qui soutient l'économie.

Décideurs. Que proposez-vous pour assurer une certaine flexibilité aux employeurs tout en maintenant la sécurité nécessaire aux employés ?
L. A.
Les États membres doivent rendre leur marché du travail plus dynamique et plus flexible, mais cela doit se faire sans augmenter la précarité du travail.
La Commission souhaite mettre en avant des mesures que peuvent prendre les entreprises afin de favoriser la mobilité interne, notamment par la formation continue. Dans un certain nombre de cas cela permet de déplacer les travailleurs vers les activités les plus rentables au sein de l'entreprise en évitant de devoir les licencier. Une autre stratégie qui peut être adoptée en cas de crise est de négocier avec les travailleurs afin, éventuellement, de trouver un arrangement sur les salaires qui permette d'éviter des licenciements.


Décideurs. Dans quelle mesure l’Europe peut-elle faire face aux pays émergents en matière d’emploi ?
L. A.
C'est un sujet difficile car l'Europe ne peut malheureusement pas influencer directement les salaires en dehors de son territoire. Nous devons nous adapter à la réalité d'une concurrence qui offre aux consommateurs des produits moins chers car les salaires des personnes qui ont contribué à leur fabrication sont sensiblement moins élevés qu'en Europe. Les stratégies de réponses sont les suivantes: il appartient tant aux entreprises qu'aux décideurs politiques de favoriser la formation continue. Un travailleur qui continue à se former est un travailleur qui pourra s'adapter à l'évolution de son secteur, et contribuer à maintenir la compétitivité et donc l'emploi dans son entreprise.
Nous devons également identifier et développer les domaines dans lesquels l'Europe peut se démarquer des pays émergents. Il s'agit par exemple du secteur des nouvelles technologies, qui bénéficie d'une longue expertise de notre industrie, ou des services de soin de santé, qui ne peuvent qu'être prestés sur place.
Enfin, lorsque l'évolution des marchés est telle qu'il n'est pas possible d'éviter des pertes d'emploi, il appartient à l'Europe de faire jouer la solidarité européenne en offrant une aide qui permette aux travailleurs licenciés de se reconvertir, de déménager afin de trouver un autre emploi ou encore de démarrer leur propre activité. C'est la vocation du Fond européen d'ajustement à la mondialisation.


Décideurs. Des replis nationalistes apparaissent entre États européens, dans l’industrie automobile par exemple. Peut-on imaginer à terme une politique de l’emploi commune ?
L. A.
Comme l'a indiqué le président de la Commission, José Manuel Barroso, ainsi que les ministres de l'Union européenne, il apparaît fondamental que l'UE soit renforcée et que l'on mette en place une véritable Union économique et monétaire (UEM) avec des politiques communes en la matière. Pour la politique économique et la politique de l'emploi, l'UE a un rôle de coordination. Celui -ci a été considérablement renforcé depuis quelques années, mais la crise de la zone euro montre chaque jour à quel point notre cadre de gouvernance est encore déficient. Certains déséquilibres sociaux majeurs affectent dramatiquement les États membres concernés, mais aussi le bon fonctionnement de la zone euro dans son ensemble. Nous devons mieux coordonner et surveiller nos politiques d'emploi dans l'UEM, et leur accorder la même importance qu'aux politiques budgétaires et économiques, et ce afin de rééquilibrer l'ensemble.


Décideurs. Quelles sont les prochains rendez-vous importants dans votre agenda ?
L. A.
Cette année connaitra des développements importants en matière d'approfondissement de l'Union Économique et Monétaire. Je souhaite que la Commission contribue au développement de la dimension sociale de l'UEM, et j'y travaille chaque jour.
Le 20 février dernier, mes services ont présenté au conseil des ministres un « paquet pour l'investissement social ». Il contient les recommandations de la Commission aux États membres quant à la manière dont ils devraient adapter leur modèle social afin de faire face aux conséquences de la crise, ainsi qu'aux défis démographiques et à l'évolution des modes de travail, des développements de carrière et des structures familiales. C'est un dossier très important que je suivrai avec attention durant le reste de mon mandat. La crise a exacerbé le problème de la pauvreté en Europe et nous avons aujourd'hui pas moins de 120 millions de personnes en situation -ou menacées- de pauvreté ou d'exclusion sociale. En parallèle, le vieillissement de la population et les faibles taux de natalité mettent en danger la pérennité des systèmes de protection sociale et des pensions.
Des réformes importantes sont nécessaires pour faire face à ces défis. Le « paquet pour l'investissement social » demande aux États membres de prendre des mesures dans trois grands axes. Tout d'abord, il les invite à améliorer l'efficacité-coût de leurs politiques sociales. On remarque que des pays avec des niveaux de dépenses sociales similaires ont des situations sociales très différentes. Il existe donc une réelle marge d'amélioration dans certains pays. Simplifier l'administration est un bon moyen d'économiser du temps et de l'argent, et diminuer le nombre d'intervenants fait partie des mesures à envisager.
Deuxièmement, le paquet encourage les États membres à augmenter les possibilités réelles des citoyens de s'intégrer dans la société et sur le marché du travail. Cela peut se faire par exemple en investissant dans leur formation et en leur fournissant un certain nombre de services : de bonnes structures d'accueil pour les enfants en bas âge, un enseignement de qualité, des mesures de prévention de l'abandon scolaire, de formation, d'accompagnement à la recherche d'emploi, des aides au logement, des soins de santé abordables.
Enfin, le paquet met l'accent sur le bénéfice indéniable qu'il y a à investir dans la prévention aujourd'hui, plutôt que de devoir remédier à des situations difficiles plus tard. C'est ainsi que le paquet comprend une recommandation qui appelle les États membre à investir dans l'enfance pour briser le cercle vicieux de l'inégalité. Le paquet propose également une stratégie pour lutter contre le phénomène des sans-abris, ainsi que des recommandations en matière de politique de santé.

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