Éric de la Guéronnière, directeur développement des compétences et formation chez Suez environnement, nous donne son opinion sur le serious game, nouvel outil RH en vogue.
Décideurs. Ambassador a reçu le prix du meilleur serious game 2011 et celui du meilleur « Game based learning » à Hanovre en 2012, comment est né ce projet ?

Éric de la Guéronnière. Lors de la création du groupe SUEZ ENVIRONNEMENT en 2008, Denys Neymon, notre DRH, m’a sollicité pour créer un module d’intégration efficace pour tous les nouveaux collaborateurs présents partout dans le monde, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle, ne nécessitant pas le déplacement de ces derniers. Notre maître mot était l’interactivité. Dès lors, l’idée d’un serious game est apparue, mais nous n’en connaissions pas toutes les particularités. Après une courte étude sur le sujet, nous avons réalisé qu’un grand nombre des entreprises du CAC 40 en utilisaient. Nous étions convaincus de l’apprentissage par la pratique et c’était également un excellent outil d’innovation pour les ressources humaines. Une fois la validation obtenue, l’aventure du serious game a commencé… L’enjeu était de découvrir les métiers SUEZ ENVIRONNEMENT et développer la fierté d’appartenance au groupe. Tout cela de manière ludique, simple et accessible à tous.


Décideurs. Une fois l’idée du serious game adoptée, comment s’y prendre ?

É. de la G. Il est vrai qu’une fois le projet approuvé, c’est un peu la page blanche. On étudie les possibilités et les coûts. La première réflexion concerne les contraintes techniques. La deuxième porte sur la phase de gamification, autrement dit la phase pendant laquelle on veut rendre ludique et jouable les métiers et l’organisation de l’entreprise. Sans oublier que nous voulions un serious game simple et qui représente bien SUEZ ENVIRONNEMENT. Nous souhaitions nous adresser à l’ensemble des collaborateurs du groupe, donc techniquement accessible à tous les postes informatiques. Il fallait également qu’il soit disponible dans différentes langues. Puis viennent d’autres interrogations : voulons-nous du 2D ou du 3D ? Sommes-nous dans un jeu d’aventure, de prise de décisions ? Nous avons alors décidé de nous faire aider par un cabinet spécialisé qui nous a guidés dans le monde des serious games. Finalement, ce qui nous correspondait le mieux était un jeu type Sim City en 2D. Pour des raisons de simplicité, nous avons privilégié le texte à la voix et le jeu est disponible dans cinq langues. Il se présente sous la forme d’une ville dans laquelle on évolue, dont le joueur gère les services d’eau et des déchets et qui se développe ; les missions correspondent à la feuille de route « développement durable » de la société. Au niveau des personnages, il était important de se conformer à l’éditique du groupe. Le prix : 200 000 euros. Nous avons alors réalisé un appel d’offres. Une fois le serious game élaboré avec l’aide de nombreux experts, nous l’avons testé sur un groupe pilote mixte, multiculturel et multi âge. Cela nous a confortés dans l’idée que c’était un mode d’apprentissage qui dépassait toutes les frontières.


Décideurs. Le lancement d’Ambassador au sein de SUEZ ENVIRONNEMENT a t-il rencontré le succès espéré ?

É. de la G. Le lancement s’est bien déroulé car nous avions annoncé le jeu en amont avec l’aide de la direction de la communication à travers des teasers et des campagnes d’information. Mais nous nous sommes aperçus que beaucoup de collaborateurs débutaient le jeu, mais ne le terminaient pas. Nous avons alors raccourci les missions et rajouté du scoring permettant de lancer des jeux concours pendant lesquels il était possible pour les collaborateurs de faire gagner leur business unit. Ainsi, ils ont commencé à jouer en groupe et nous nous sommes rendu compte que le serious game donne de l’autonomie, et fonctionne mieux lorsqu’il est utilisé en communauté. D’où l’importance malgré tout du présentiel. Les modes d’apprentissage ne s’opposent pas, mais notre rôle est de savoir bien utiliser tous les canaux d’apprentissage existants. Je suis persuadé que l’on n’apprend pas tout seul, mais avec les autres. Des communautés de collaborateurs se développement ainsi au sein de Suez Environnement, dont une consacrée à Ambassador.


Décideurs. Comment cela a t-il été perçu par les managers et leurs business units ?

É. de la G. Cette notion de jeu peut effectivement inquiéter au sein de l’entreprise. Mais nous avons associé les managers en leur expliquant qu’ils restent des acteurs de l’intégration. Le serious game ne se substitue pas à leur rôle qui est de suivre l’évolution des collaborateurs et de répondre à leurs questions relatives aux missions ou aux informations fournies. Le rôle du manager est prépondérant dans le développement des compétences professionnelles de leurs collaborateurs, mais ces derniers doivent aussi accéder à un éventail du savoir plus large. Un des intérêts de cet outil est qu’il permet un brassage en continu entre le temps de travail et celui de la formation.

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