Après avoir perdu son triple A en 2012, la France vient de subir une nouvelle dégradation de sa note. Si cela ne constitue pas un danger immédiat, les pouvoirs publics semblent impuissants à changer la donne du fait de la structure de notre économie.

Vendredi 31 mai, Standard & Poor’s dégradait la note de la France de AA à AA-. Aussitôt, tous les partis d’opposition sortaient l’artillerie lourde, accusant le gouvernement de "cramer la caisse", de "piteuse gestion des finances publiques", de "gestion catastrophique" ou raillant le "Mozart de la finance". Même LFI et le RN, dont les programmes prévoient pourtant explicitement des dépenses publiques faramineuses, se sont mis à donner des leçons de finances publiques., Depuis l’accession d’Emmanuel Macron à la présidence, la dette publique est passée de 97 % à 111 % du PIB malgré son intention de la réduire. Un classique. Chaque gouvernement arrivant aux affaires promet monts et merveilles, le résultat est toujours le même : la dette augmente. Malgré quelques années de stabilité sous le premier mandat de Jacques Chirac, elle a explosé. De 14,5 % du PIB en 1974, la voici à 111 % en 2024. Des chocs externes tels que la crise des subprimes ou celle du Covid l’ont fait monter d’un coup. Une fois la crise résorbée, impossible de revenir en arrière… Est-ce si grave ?

Aux yeux de Standard & Poors, AA- reste une bonne note et, selon l’agence, "la capacité de la France à honorer sa dette reste très forte". Autre raison d’être positif, les deux autres agences de notation, Fitch et Moody’s, n’ont pas dégradé la note de l’Hexagone. Soulignons également que des pays à l’économie dynamique, innovante, au taux de chômage bas ne font pas mieux que nous. La dette publique américaine est à 130 % du PIB, le Canada est à 103 %, le Japon 250 %...

La France dispose de peu de marge de manoeuvre pour renverser la vapeur

Mais notre pays a un problème. Il dispose de peu de marge de manœuvre pour renverser la vapeur. Augmenter les impôts pour résorber le déficit ? Impossible, la France est le second pays de l’OCDE où la pression fiscale est la plus élevée (le tout pour des services publics qui se dégradent, la performance de notre système scolaire en est une preuve évidente). Ponctionner davantage ferait baisser la consommation. Autre solution de court terme qui tient la corde : réduire les dépenses publiques. Ici encore, c’est périlleux. Pour reprendre un terme du sondeur Jérôme Fourquet dans une récente étude, la France est une économie "stato-consumériste". Elle produit de moins en moins, maintient son activité en grande partie grâce à l’argent public (traitement des fonctionnaires, commande publique, versement des retraites…). Dernière solution, stimuler l’économie en encourageant l’innovation, réindustrialiser le pays, en occupant une place centrale sur la conception et la fabrication de biens et services à forte valeur ajoutée. C’est le pari du gouvernement qui met en avant des indicateurs positifs comme la baisse du chômage, la fin (relative) de la désindustrialisation, l’explosion du nombre de licornes, la hausse des investissements directs étrangers, la bonne santé de secteurs comme l’IA ou l’informatique quantique. Pour changer la donne, il faudra du temps mais aussi de la chance, une crise extérieure pouvant chambouler toute la stratégie. Et lorsqu’un pouvoir politique mise sur "la chance", c’est rarement rassurant…

Lucas Jakubowicz

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