Travail en situation de majorité relative, présence de partis populistes au Palais-Bourbon, quotidien de présidente de groupe… Aurore Bergé fait le point sur les premiers mois de la législature.
Aurore Bergé : "La majorité relative ne conduit pas à l'immobilisme"
Décideurs. Quelles sont les grandes avancées obtenues par le groupe Renaissance depuis le début de la nouvelle législature ?
Aurore Bergé. Nous avons protégé les Français notamment en votant des lois sur la protection sanitaire, soutenu le pouvoir d’achat avec le déplafonnement du contingent des heures supplémentaires ou le triplement de la prime Macron, comme promis durant la campagne présidentielle. Sur certains points, le groupe parlementaire est même allé au-delà de ce que proposait le gouvernement. C’est notamment le cas concernant le forfait de mobilité durable ou le plan vélo. Ce bilan prouve que la situation de majorité relative ne conduit pas, comme certains le craignaient ou d’autres l’espéraient, à l’immobilisme.
Cela doit tout de même changer votre façon de travailler…
Oui mais cela n’empêche pas d’avancer. Il est possible de trouver des compromis au cas par cas avec le PS ou LR par exemple. Cela ne faisait pas partie de la culture politique française mais cette configuration existe au Parlement européen ou dans certains pays occidentaux : un parti peut nouer des accords ponctuels avec l’opposition, sans pour autant passer par un accord de gouvernement. La question du pouvoir d’achat est un bel exemple. Nous souhaitions mettre en place une aide ciblée pour faire face à la hausse du prix de l’essence, LR privilégiait une aide globale afin de faire baisser les prix pour tous. Finalement, en faisant chacun des compromis, nous sommes parvenus à une solution équilibrée pour les Français.
"LFI et le RN sont très proches sur des sujets comme la guerre en Ukraine ou la politique sanitaire"
Est-il possible de travailler avec tout le monde ?
Les compromis se font avec l’arc républicain. Il y a des lignes rouges et je refuse de négocier avec le RN ou LFI.
Vous considérez donc qu’ils ne sont pas vraiment des partis républicains ?
Ils ont la même légitimité démocratique, liée aux résultats des législatives. Mais, oui, ils portent des idées populistes qui doivent être combattues pied à pied. Sur le fond, ils sont d’ailleurs très proches sur des sujets comme la politique sanitaire ou la guerre en Ukraine.
Quels sont les problèmes que pose LFI à vos yeux ?
Les Insoumis cherchent à affaiblir la vie démocratique, à dévaluer le rôle du Parlement. Leur objectif est de démontrer que le vrai pouvoir peut s’exercer dans la rue. Au quotidien, les députés LFI sont dans la théâtralisation permanente et la course à l’outrance pour tenter de faire le buzz. Ils peuvent travailler sérieusement en commission, se montrer constructifs, à l’écoute. Mais devant les caméras, dans l’hémicycle, ils reprennent leur mise en scène.
Le RN semble au contraire jouer la carte de la respectabilité…
Ne soyons pas dupes. Ce n’est pas parce qu’ils portent une cravate et surveillent leur langage que les députés RN ont des idées qui seraient devenues respectables ! Avant d’être élus au Palais-Bourbon, certains affirmaient que l’IVG était un "génocide de masse" et je ne vois pas en quoi leurs convictions auraient changé. Notre travail consiste à montrer leur vrai visage. Le vernis peut craquer à tout moment…
Comment le groupe parlementaire macroniste a-t-il évolué par rapport à la précédente législature ?
Deux tiers des députés sortants en lice pour leur réélection ont décroché un second mandat, souvent dans un contexte difficile et disputé. Le groupe est donc plus mature, plus expérimenté et a le cuir plus épais. Du côté des néodéputés, il y a une forte proportion d’élus locaux, de personnalités ancrées sur le terrain. Nous nous reposons sur une meilleure cohésion et une meilleure expérience, ce qui est essentiel dans un contexte de majorité relative. Il existe des séminaires de formation pour les nouveaux députés.
Mais comment une présidente de groupe parlementaire peut-elle réussir son onboarding?
La prise de poste s’est faite de manière très rapide. Trois jours après le second tour des législatives, j’ai été élue à la tête du groupe Renaissance et il faut être opérationnelle tout de suite. Pour cela, j’ai misé sur une logique de compagnonnage entre députés. Richard Ferrand, qui a occupé la fonction, m’a donné de précieux conseils.
"La question du travail est le fil rouge de notre mandat
Quelles sont les qualités nécessaires pour occuper ce poste ?
C’est une mission de chaque instant que je suis fière de pouvoir remplir. Nous sommes loyaux et déterminés à mettre en œuvre notre projet. Tout en tâchant de construire notre propre identité politique. Les différentes sensibilités qui existent au sein de notre groupe sont notre force et mon rôle est de les faire vivre.
Quels sont les principaux sujets que le groupe Renaissance veut faire émerger dans les mois à venir ?
La question du travail est le fil rouge de notre mandat : formation professionnelle, réforme des lycées professionnels, projet France Travail, refonte du RSA, refonte de l’assurance chômage, réforme des retraites. Tous ces sujets forment un continuum qui répond à un besoin fondamental : la nécessité de travailler plus, de se former mieux pour, à terme, mieux investir dans la protection et l’émancipation des Français.
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz