Décider, c’est prendre position, faire acte de courage. Ce dont la France a besoin, c’est d’oser et non pas de s’indigner.
La fondatrice du Women’s forum, créé par dépit de n’avoir jamais pu se rendre à Davos « car à Davos on n’est jamais invité », et revendu à Publicis en 2010, récidive en lançant en 2012 le forum Osons la France. Rendez-vous avec un optimisme dynamique.

Aude de Thuin, la soixantaine passée, est une entrepreneuse. Après la vente du Women’s Forum, elle aurait pu raccrocher. Mais non : « relancer une entreprise était une évidence, une manière de rester en accord avec moi-même. À cet âge formidable, j’ai une énergie farouche à revendre. Arrêter, c’était déprimer ».

Relancer une entreprise, oui, mais quoi ? « Le Women’s forum m’a permis de voyager et de rencontrer un nombre incalculable de personnes, qui, à la question « dans quel pays aimeriez-vous vivre ? », répondaient : en France mais … ». Ce sentiment se doublait systématiquement d’une incompréhension : « vous avez tout : infrastructures, chercheurs, pinard, mode, etc. et pourtant vous êtes arrogants, vous vous plaignez, vos taxis et garçons de café sont désagréables... » 

Comment sortir de cette projection négative, de ce pessimisme ambiant ? Celle qui dit d’elle « I am a sponge, j’absorbe » se rend compte qu’un forum sur la France pourrait être une bonne idée : « s’il existe en France des gens qui se battent, qui s’impliquent dans l’économie, qui restent dans ce pays, c’est qu’il y a une raison ».

Optimisme sans naïveté

Mettre en évidence un courant optimiste, sans naïveté, porté par les acteurs de la société civile française qui osent, reflets de la réalité économique, c’est l’objectif du forum Osons la France. Pour toucher la France entière, le format de quatre forums, véritables rendez-vous annuels, a été privilégié. La première étape a lieu en mars à Paris, suivie de la seconde édition à Lille le 27 septembre prochain. Puis dès 2013, quatre éditions : mars à Paris, juin à Nantes ou une ville du bassin méditerranéen, suivi à nouveau de Lille en septembre et Lyon en fin d’année. Un site communautaire, lancé début 2013 en français et en anglais, fera le lien entre ces rendez-vous.

« Nous sommes un média », 
affirme Aude de Thuin : quatre forums, un site Internet, un livre et un baromètre pour observer les impulsions créées sous-tendent cette initiative. « Les intervenants des forums sont recrutés en raison de leur expérience ancrée dans le quotidien : des économistes, des chercheurs, des sportifs, des créateurs d’entreprise, des inventeurs, bref, des gens qui ont relevé des défis ». La force du forum est la mise en avant de talents et speakers peu ou pas connus. « Notre métier est d’être un passeur, de provoquer un déclic », résume l’entrepreneuse.

Politique interdite

« Aux dernières élections, François Lenglet a été le journaliste le plus apprécié de la télévision. Son abord simple et didactique de la politique et plus particulièrement de l’économie prouve que les Français sont prêts à entendre ce que nous vivons actuellement. Ils ont aussi besoin d’être écoutés », analyse la fondatrice. Quelle est, alors, la place du politique dans ce forum ? « Les politiques sont interdits, en tout cas en tant qu’intervenants. Et si 90 % des speakers sont inconnus, c’est parce que nous voulons donner la parole à ceux qui, partout ou ils sont en France, agissent au quotidien, à ceux qui se projettent dans un avenir différent, qui inventent les nouveaux business modèles, qui osent penser autrement. Une tribune à un discours pas ou peu entendu, pour que les gens se reconnaissent. »

Aude de Thuin fustige par ailleurs la « consanguinité du système français » qui ne laisse pas de place, dans la composition du gouvernement par exemple, à la société civile, ou aux entrepreneurs. « La France doit également s’intéresser plus à sa jeunesse, si peu optimiste sur son avenir. Si cela ne vient pas des politiques, j’espère qu’Osons la France sera un tremplin d’optimisme issu de la société civile. Dans un climat d’avenir assez bouché, il faut savoir voir et encourager les signaux positifs. »

Ouverture au monde

Osons la France ne se veut pas pour autant un salon forum du patriotisme ou d’un repli identitaire. « Plus on est mondial et plus on est villageois », aime à répéter Aude de Thuin. Osons la France invite l’Europe, et le monde, autour de la table, pour resituer le pays dans la dynamique d’une économie mondialisée : « sans internationalisation, on va dans le mur… » assène-t-elle, « les Français doivent apprendre à muter. La France a un talent incroyable, un rayonnement international impressionnant. Peu le savent ou l’ont senti. »
Pour son deuxième opus, à Lille, le 27 septembre 2012, Osons la France parlera de mutation. Lille et sa région ont beaucoup évolué durant les trente dernières années. « Bien entendu, il s’agit au départ d’une volonté politique de mutation, mais qui n’aurait rien été sans l’implication et l’accompagnement des industriels. Si le choix est d’abord politique, ensuite, c’est à la société civile de jouer », conclut Aude de Thuin.

Oser…

Les forums, au format léger d’une journée, se découpent en quatre thèmes : « ils ont osé » - témoignage des grandes entreprises qui ont anticipé, « ils osent » - les acteurs économiques d’aujourd’hui, « il faudrait oser » - par exemple « être poli », « être heureux », « ne pas considérer que toutes les banques sont des voyous », thèmes abordés sur un ton impertinent et volontiers provocateur- et « ailleurs aussi ils osent » - par exemple à Lille, le forum recevra une délégation de chefs d’entreprise britanniques, un clin d’œil inversé à l’invitation du Premier ministre britannique aux riches Français lors de la campagne présidentielle.
« Nous ne nous opposons pas aux politiques, mais cherchons les manières d’apporter la voix de la société civile qui est indispensable au monde d’aujourd’hui »
, nuance Aude de Thuin.

Speed dating

La création d’entreprise est l’un des violons d’Ingres d’Aude de Thuin. Les forums seront ainsi l’occasion d’un speed dating entre porteurs d’idées dont les business plans auront au préalable été analysés par l’organisation, le conseil stratégique et des chefs d’entreprises connus. « Nous voulons recréer le lien entre les grands patrons du Cac 40 ou du SBF 120. Nous sommes, jusqu’ici, très bien reçus », note la fondatrice.

À Lille sont attendus, comme lors de la précédente édition à Paris, les hommes et les femmes qui souhaitent inventer la France de demain, tous les acteurs des milieux économique, universitaire, scientifique, culturel, intellectuel, artistique, médiatique… entrepreneurs, investisseurs, business angels, mais aussi artistes, sportifs ou étudiants à la recherche d’inspiration et d’audace.

« Décider, c’est prendre position, faire acte de courage. Ce dont la France a besoin, c’est d’oser et non pas de s’indigner »
, clame Aude de Thuin.

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