Dans un environnement marqué par les taux bas, La Mutuelle Générale revoit son allocation globale en privilégiant notamment les investissements alternatifs. Matthieu Esposito, directeur des investissements et de la trésorerie, Jérôme André et Aurore Le Barbier, responsables des investissements au sein de la structure, nous font part de leurs convictions.

Décideurs. Quelle est votre allocation globale ?

Jérôme André. Une des particularités de La Mutuelle Générale est son exposition significative à l’obligataire d’entreprise qui représente environ 50 % de l’allocation globale, tandis que l’obligataire souverain représente environ 10 % de notre allocation. Notre niveau de fonds propre nous a permis de prendre une exposition assez large sur le crédit et les actifs non cotés. Notre allocation est ainsi composée de produits de taux qui regroupent 9 % de dette privée et 3 % d’obligataire dynamique, auxquels s’ajoutent des actions pour 8 %, réparties entre 5 % de coté et 3 % de non coté (private equity), mais également des actifs réels pour 12 %, constitués d’immobilier et d’infrastructures. Le solde est constitué d’actifs stratégiques et de la trésorerie financière.

Matthieu Esposito. Nous faisons en sorte d’avoir peu de liquidités et nous couvrons nos engagements avec une bonne gestion actif-passif. L’allocation stratégique est en effet construite en tenant compte des problématiques ALM et l’intégration des critères de solvabilité constitue notre budget de risque. En fonction de ces paramètres, nous rendons notre allocation la plus efficiente possible avec un critère de rentabilité maximisé.

"Nous avons un comité d’investissement très réactif pour prendre des décisions éclairées rapidement"

De quelle manière vous positionnez-vous sur les marchés ?

J. A. Sur la partie de gestion ALM et la définition d’allocation stratégique, nous optimisons le rendement sous un certain nombre de contraintes: réglementaires, ALM, et liquidités essentiellement. De plus, nous avons développé cette année un modèle quantitatif d’optimisation qui nous permet de rendre notre allocation plus efficiente dans le temps et d’avoir un processus itératif pour suivre les évolutions de marché. La dimension tactique dans notre travail d’allocataire nécessite une certaine agilité; le fait d’être un institutionnel à taille humaine nous permet d’avoir cette vivacité afin de bénéficier au maximum des opportunités de marché qui se présentent.

M. E. Les mouvements de marché ont une amplitude de plus en plus importante. Pour se positionner correctement sur celui-ci, il est essentiel d’être réactif sur le court terme malgré une gestion sur le long terme. Dans notre gouvernance construite, nous avons un comité d’investissement très réactif pour prendre des décisions éclairées rapidement.

Quels sont vos engagements ISR ?

M. E. Nous avons des listes d’exclusion – tabac, charbon, jeux - et adoptons une approche best in class. En effet, La Mutuelle Générale suit les benchmarks en vue d’obtenir une note supérieure aux indices de référence. Un engagement maintenu au fil des années que nous améliorons autant que possible. De plus, nous suivons le périmètre de la notation extra-financière pour analyser au maximum notre portefeuille. Notre allocation stratégique est déterminée dans l’optique d’appliquer ces engagements.

"Nous restons attentifs aux éventuelles innovations qui peuvent apporter une efficience"

Quelle est votre politique en matière d’investissements alternatifs  ?

J. A. Les fonds propres étaient historiquement investis sur des obligations long terme mais l’environnement de taux bas actuel nous pousse à chercher des primes de liquidité. Pour ce faire, nous avons décidé de nous diriger vers la dette privée ou le capital-investissement et l’infrastructure qui nous offrent une prime de liquidité et de complexité. Contrairement à l’immobilier qui est ancré en France depuis longtemps, l’infrastructure est plus récente. Elle présente des rendements élevés pour des cash flows relativement stables. Cette classe d’actifs a de l’avenir.

Aurore Le Barbier. Les investissements alternatifs représentent une part grandissante d’année en année. En outre, dans une perspective de recherche de rendement, ils seront amenés à croître étant donné les faibles rendements sur l’obligataire. Nous avons commencé à investir dans l’infrastructure en 2019 sur des fonds "core" et cherchons également à augmenter cette classe d’actifs.

M. E. L’immobilier est un placement classique de l’alternatif, il s’apparentait auparavant à l’immobilier d’exploitation mais il tend aujourd’hui vers celui de placement. Nous avons alors choisi d’investir dans des fonds pour diversifier le risque et l’exposition géographique. Concernant les actifs réels, l’infrastructure bénéficie fortement des mégatendances en matière de digitalisation, transition énergétique ou vieillissement de la population, sur lesquelles nous nous positionnons.

"Il faut trouver un moyen de rentabiliser nos placements et de couvrir nos engagements"

Quelle est votre stratégie s’agissant de private equity et de private debt ?

J. A. Nous sommes arrivés sur le marché de la dette privée au milieu des années 2010. Après une phase d’apprentissage où nous avons commencé par des stratégies défensives dont la dette d’infrastructure senior. Plus récemment, nous avons investi sur des produits de niche comme le financement d’actifs ou de dettes subordonnées d’assurance. Nous restons prudents sur la dette d’acquisition bien qu’elle constitue la majorité du marché.

A. LB. Concernant le private equity, La Mutuelle Générale a démarré sur le marché français en 2004 par du capital-risque avant de se développer de manière géographique et stratégique. Nous avons augmenté notre exposition et privilégié les investissements secondaires qui permettent d’accroître les allocations d’actifs rapidement. De plus, nous avons cherché à nous diversifier à l’international en investissant dans des fonds globaux et en adoptant des stratégies distinctives pour réduire les frais de gestion.

M. E. Finalement, toutes les primes se compressent : la prime de liquidité se transforme en prime de complexité. Nous essayons de créer les outils pour comprendre cette complexité et nous positionner sur des actifs qui permettent notre diversification tout en recherchant un rendement attractif. Nous restons ainsi attentifs aux éventuelles innovations qui peuvent apporter une efficience. Force est de constater que, globalement, notre métier se complexifie d’année en année. L’environnement de taux tel qu’il est aujourd’hui complique le travail d’investissement et de placement pour les compagnies d’assurance. Il nous faut trouver un moyen de rentabiliser nos placements et couvrir nos engagements.

"Notre métier se complexifie d’année en année"

Comment voyez-vous la montée en puissance des crypto-monnaies et de la blockchain ?

M. E. De notre point de vue, les cryptomonnaies ne constituent pas une classe d’actifs à proprement parler mais nous avons mis en place des formations au sein de l’entreprise pour comprendre leurs enjeux. En l’état actuel des choses, nous considérons avant tout que la blockchain est une infrastructure avec de multiples applications dont les cryptomonnaies peuvent être une porte d’entrée.

A. LB. La blockchain, quant à elle, est une technologie qui a un avenir favorable dans de nombreux domaines. Elle apporte de nouvelles façons d’échanger entre les individus et les entreprises. Concernant les cryptomonnaies, il est difficile d’y investir dans notre métier car la volatilité est importante et elles relèvent encore de l’inconnu. En tant que mutuelle, nous avons un devoir élevé d’explication et d’information.

J. A. La difficulté de cette monnaie tient à deux aspects. D’abord purement technique, puisqu’il y a peu de fonds de cryptomonnaies diversifiés et surtout parce qu’elle n’a pas de valeur intrinsèque en soi, ne versant pas de dividendes ou d’intérêts qui permettent de l’évaluer comme un actif financier. C’est la demande des utilisateurs qui crée la valeur.

Propos recueillis par Juliette Woods

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