Réussir la transmission de son entreprise nécessite une préparation minutieuse. Plus tôt le dirigeant s’y impliquera, plus ses chances de succès seront importantes.

Lorsqu’un chef d’entreprise souhaite passer la main à l’un de ses enfants, les schémas de transmission dont il dispose sont multiples : pactes Dutreil, démembrement, donation- partage, constitution de SCI et holding familiale. En présence de plusieurs enfants, il reste difficile de préserver l’équilibre familial lorsqu’un seul d’entre eux se déclare repreneur. Pourtant, des solutions existent. L’une d’entre elles, le Family Buy Out (FBO) a comme atout de combiner plusieurs de ces mécanismes et permet en cela d’organiser la reprise de l’entreprise familiale par un seul des enfants, tout en préservant l’équité familiale et en limitant le coût de la transmission.

Donation-partage des titres 

Concernant la règle de donation-partage des titres de la société à l’un de ses enfants, celui-ci sera alors chargé, toujours dans le cadre d’une donation-partage, de verser une soulte à ses frères et soeurs de manière à respecter l’équité familiale. Pour que cette règle s’applique, il est nécessaire que tous les enfants acceptent leur lot.

La donation-partage va permettre de figer la valeur des titres donnés. Ainsi, au décès du donateur, le jour du partage, aucun rapport à la succession ne pourra être exigé. Cette donation-partage sera assortie du pacte Dutreil, pacte fiscal très avantageux, permettant de réduire la valeur économique de la société opérationnelle et de calculer ainsi les droits de mutation sur seulement 25 % de la valeur des titres transmis.

Tout avantage a ses contreparties et demande au donataire de respecter les conditions relatives à la continuité d’exploitation à travers :
− un engagement collectif de conservation des parts ou des actions de la société exploitante pendant au moins deux ans ;
− un engagement individuel de conservation des parts ou des actions pendant au moins quatre ans, à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;
− le donataire devra exercer une fonction de direction dans la société transmise pendant au moins les trois années qui suivent la transmission.

Dans le cas où le donateur effectuerait une donation de titre en pleine propriété avant l’âge de 70 ans, l’exonération au titre du pacte Dutreil de 75 % de la valeur des parts transmises sera cumulable avec la réduction de 50 % sur les droits à payer. De plus, la valeur taxable restante pourra être réduite par l’abattement de droit commun de 100 000 euros par parent et par enfant.

"Il est fortement recommandé que la holding adopte le régime fiscal plus avantageux de l’impôt sur les sociétés"

Création d'une Holding par l'enfant repreneur et remboursement de la soulte 

Les parts reçues suite à la donation seront apportées à la société holding qui, en contrepartie, devra s’endetter auprès d’un établissement de crédit, afin de financer le paiement de la soulte due aux frères et soeurs pour les désintéressés. Cette soulte sera ainsi financée par les remontées des bénéfices de la société d’exploitation.

Il est ainsi impératif de s’assurer que la société transmise ne soit pas en fin de vie et qu’elle détient au contraire de bonnes perspectives d’évolution permettant d’assurer des remontées de dividendes suffisantes. Il est fortement recommandé que la holding adopte le régime fiscal plus avantageux de l’impôt sur les sociétés. Dans le cas contraire, l’enfant repreneur serait, à titre personnel, débiteur de la soulte et ainsi, son taux marginal d’imposition s’abattrait sur les bénéfices. Dans les tranches les plus élevées, ceci pourrait devenir très handicapant concernant le remboursement de l’emprunt.

Par ailleurs, la constitution de la holding va permettre au repreneur de bénéficier du régime fiscal des sociétés mère -fille : en effet, lorsque les dividendes sont versés à la holding (par la société d’exploitation), seule une quote-part, au titre de frais et charges de 5 %, est intégrée au résultat imposé à l’impôt sur les sociétés. Soulignons que si le délai prévu pour le règlement de la soulte est trop important, une revalorisation automatique de la soulte sera effectuée en cas d’augmentation ou de diminution de plus de 25 % des biens figurant dans le lot de l’héritier repreneur.

Possibilité de paiements différés et fractionnés des droits de mutation

Dans le cas d’une transmission à titre gratuit, l’enfant repreneur pourra obtenir un paiement différé des droits de mutation à titre gratuit dus pendant cinq ans ; au-delà de ce délai, il sera fractionné sur une période de dix ans, soit 1/20e du montant des droits majorés d’intérêts à régler tous les six mois. Dans le cas d’un apport mixte, si la cession à titre onéreux concerne plus d’un tiers de la valeur des biens reçus à titre gratuit, les droits sont exigibles sous six mois. Le paiement différé et fractionné ne s’applique pas aux soultes dues aux autres héritiers légataires.

"La modification de son régime matrimonial avant la transmission deviendrait nécessaire afin de protéger des futurs créanciers, son patrimoine personnel et le patrimoine de son conjoint"

L’interet d'une modification du régime matrimonial

Il peut en effet avoir un réel intérêt pour le chef d’entreprise cédant sa société, de modifier son régime matrimonial avant la transmission de son entreprise. Pour exemple, prenons le cas du régime de la séparation de biens où Monsieur et Madame détiennent respectivement 99 % et 1 % des parts de la société. Il serait préférable, avant d’effectuer l’opération de transmission, d’adopter le régime de la communauté afin d’apporter les titres cédés à la communauté. De plus, rééquilibrer les parts permettrait de multiplier l’efficacité de l’abattement disponible de 100 000 euros par enfant et par parent.

Concernant le repreneur de l’entreprise familiale, ce dernier prend un certain risque dans la mesure où il devient débiteur d’une dette. Ainsi, la modification de son régime matrimonial avant la transmission deviendrait nécessaire afin de protéger des futurs créanciers, son patrimoine personnel et le patrimoine de son conjoint.

Lorsque le chef d’entreprise compte sur la vente de sa société pour monétiser une partie de son patrimoine, il a la possibilité d’effectuer une transmission mixte, à savoir ne donner qu’une partie de ses parts et de céder ultérieurement l’autre partie. En effet, ne pas tout transmettre à titre gratuit, lui permettra d’assurer un train de vie confortable malgré l’arrêt de son activité.

Prenons comme exemple une société valorisée à 10 millions d’euros : nous effectuons une transmission de 80 % de la valeur économique de l’entreprise. Ainsi, il reste 2 millions d’euros qui seront cédés à la holding et qui permettront de dégager 2 millions d’euros de liquidité au profit du dirigeant sortant. La holding peut s’endetter pour une durée de quatre à sept ans, et devra rembourser à la fois l’achat des titres restants aux parents ainsi que la soulte due aux frères et soeurs.

Cet acte bénéficiera du régime de taxation avantageux des plus-values : Par défaut, la plus-value sur cession de titres de société est imposée au régime des plus-values mobilières, c’est-à-dire à un taux forfaitaire de 30 %. Cependant, pour tout titre acquis avant 1er janvier 2018, il est possible d’adopter un autre régime d’imposition : celui de l’impôt sur le revenu (correspondant à sa tranche marginale d’imposition) après un abattement proportionnel pour une durée de détention allant de 50 % à 85 %, auquel on ajoutera les prélèvements sociaux de 17,20 %.

De plus, dans le cas où le chef d’entreprise cède ses parts à l’occasion de son départ à la retraite, ce dernier pourra bénéficier, et ce quel que soit le choix de l’imposition, d’un abattement fixe de 500 000 euros s’il remplit les conditions suivantes :
− les titres ou les droits cédés doivent avoir été détenus depuis au moins un an ;
− la cession doit porter sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus, soit sur un nombre de titres conférant au cédant plus de 50 % des droits de vote dans la société ;
− il doit s’agir d’une PME de moins de 250 salariés, dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 50 milliards d’euros et fait état d’un bilan inférieur à 43 millions d’euros à la clôture du dernier exercice. La société doit être passible de l’impôt sur les sociétés et exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière dont le siège se situe dans un état de l’Union européenne ;
− le cédant doit exercer une fonction de gérant, associé, président, directeur général ou président du conseil de surveillance dont la rémunération émanant de ses fonctions représente plus de la moitié de ses revenus professionnels et ce, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession.

Dans le cas où le dirigeant cède des titres ou droit de plusieurs sociétés, l’abattement de 500 000 euros s’applique par société.

Notons que cet abattement ne sera pas accordé aux sociétés gérant le patrimoine personnel mobilier ou immobilier du cédant. Dans le cas d’une holding, celleci doit être considérée comme société opérationnelle. De plus, cet abattement fixe ne peut, dorénavant, plus se cumuler avec les abattements disponibles pour une durée de détention lors du choix d’une imposition à l’impôt sur le revenu. Il est tout à fait possible de renoncer à l’abattement fixe pour faire appliquer l’abattement de droit commun ou l’abattement renforcé.

Conserver un controle temporaire sur l'entreprise en post-succession ?

D’après une réponse ministérielle datant de mars 2017, il est possible pour le donateur de conserver certains pouvoirs au sein de la société qu’il transmet. Il devra, pour cela, être signataire de l’engagement collectif de conservation, même si de fait, son engagement est réputé acquis. Il devra, alors, durant les trois années qui suivent la transmission, être nommé conformément aux statuts de la société soit comme gérant, associé, président, directeur général, président du conseil de surveillance ou encore membre du directoire d’une société anonyme. Il est ainsi nécessaire de rappeler que la conclusion de cet engagement collectif doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de votes pour les titres de sociétés admis sur un marché réglementé, et pour les sociétés non cotées sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote.

De plus, nous pouvons dans le cadre d’une modification statutaire et/ou d’une délibération des associés en AG, prévoir d’encadrer les pouvoirs du gérant associé donateur à travers la répartition des droits de vote. Il est tout à fait possible, de doter certaines parts ou actions de société d’un droit financier ou de droit politique supérieur à d’autres. Ce qui permettra, en cas de donation ou de cession, de préserver ou de conforter le pouvoir de certains associés.

Par  Alison Nedjar

Multi-family office, Allure Finance accompagne les familles et les entrepreneurs dans la gestion de leur patrimoine. Qu’ils souhaitent développer, préserver ou transmettre leur patrimoine, le cabinet conseille ses clients dans le temps et apporte son expertise et ses solutions sur mesure.

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