« La motivation budgétaire des lois de finances prend le pas sur la cohérence fiscale »
Entretien avec Pierre-Charles Lannemajou, consultant Francis Lefebvre Formation, associé d'Ellis soc
Décideurs. Que vous inspirent les décisions votées dans le cadre de la loi de finances ?
Pierre-Charles Lannemajou. Avant toute chose, il est important de rappeler qu’une stratégie patrimoniale efficiente doit s’inscrire sur du long terme.
Or, aujourd’hui, notre environnement juridico-fiscal repose sur des règles de court terme ! Il en va ainsi des régimes de plus-values mobilières et immobilières qui ont connu ces dernières années d’incessants changements. Certaines réformes pourtant votées n’ont ainsi jamais été appliquées. Dans un environnement aussi instable, poser une réflexion patrimoniale est de plus en plus difficile. La motivation budgétaire des lois de finances semble désormais prioritaire et prendre le pas sur la cohérence fiscale de l’ensemble.
Décideurs. L’aménagement des modalités de calculs des plus-values immobilières assouplit-il réellement la fiscalité des vendeurs ?
P.-C. L. La durée de détention nécessaire pour avoir droit à l’exonération totale de l’impôt sur les plusvalues qui était passée, en 2011, de quinze à trente ans a finalement été ramenée à vingt-deux ans, un délai plus raisonnable au regard d’une vie économique.
Néanmoins, cette réforme reste en deçà de ce que l’on était légitimement en droit d’attendre : les prélèvements sociaux demeurent totalement exonérés après trente années de détention et le dégrèvement de ces abattements est exponentiel puisqu’ils ne commencent significativement à jouer qu’au-delà de la vingt-deuxième année. 72 % de l’abattement
se concentrent ainsi sur les huit dernières années !
Décideurs. Certains estiment que la réforme des plus-values mobilières est une révolution en matière fiscale. Est-ce également votre sentiment ?
P.-C. L. Cette réforme marque surtout la victoire du courant de pensée défendant le fait que revenus du capital et revenus du travail doivent être traités de façon identique, ce qui me paraît nier le risque en capital pris par l’entrepreneur. Pour atténuer cette imposition au barème progressif, le gouvernement a néanmoins utilement prévu un abattement pour une durée de détention dont le montant varie selon le régime applicable.
Dans le régime général, le contribuable peut ainsi bénéficier d’un abattement de 50 % entre deux et huit ans de détention et de 65 % au-delà. Dans le régime incitatif, visant les PME de moins de dix ans, l’abattement prévu est de 50 % entre un an et quatre ans de détention, 65 %, entre quatre ans et huit ans et 85 % après huit ans. Un contribuable dont le taux marginal d’imposition est de 45 % serait ainsi schématiquement (1) imposé, au bout de huit ans de détention, à hauteur de 31,25 % dans le régime général et de 22,25 % dans le régime incitatif, prélèvements sociaux inclus.
En revanche, la situation des dirigeants partant à la retraite a été aggravée par cette réforme. Alors qu’ils pouvaient, par le passé, bénéficier sous certaines conditions d’une exonération totale d’impôt sur le revenu, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Seul leur est en effet appliqué un abattement fixe de 500 000 euros préalablement à l’abattement majoré prévu par le régime incitatif.
Décideurs. Les nouveaux fonds « euro-croissance » et les nouveaux contrats « vie-génération » peuventils rendre l’assurance-vie plus attractive ?
P.-C. L. Le succès de ce genre de dispositifs, dont l’objectif louable est de réorienter l’épargne vers le financement des acteurs économiques, repose sur les avantages qu’en retire le souscripteur qu’il s’agisse d’un gain réel (garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans) ou d’une non-aggravation de leur régime fiscal (abattement spécifique de 20 % pour le calcul du prélèvement dû en cas de décès du souscripteur visant à compenser le relèvement de celui-ci de 25 % à 31,25 %). Il convient de veiller toutefois à ne pas envoyer de signal discordant aux épargnants tel que celui relatif au plafonnement de l’ISF dont l’épilogue heureux vient d’intervenir à travers la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013.
Faisons toutefois le voeu en ce début d’année que le législateur aura à coeur d’inscrire sa politique fiscale future dans un contexte de stabilité retrouvée indispensable à toute stratégie patrimoniale harmonieuse.
(1) Car hors prélèvements sur les hauts revenus et hors impact de la fraction de CSG déductible.
Pierre-Charles Lannemajou. Avant toute chose, il est important de rappeler qu’une stratégie patrimoniale efficiente doit s’inscrire sur du long terme.
Or, aujourd’hui, notre environnement juridico-fiscal repose sur des règles de court terme ! Il en va ainsi des régimes de plus-values mobilières et immobilières qui ont connu ces dernières années d’incessants changements. Certaines réformes pourtant votées n’ont ainsi jamais été appliquées. Dans un environnement aussi instable, poser une réflexion patrimoniale est de plus en plus difficile. La motivation budgétaire des lois de finances semble désormais prioritaire et prendre le pas sur la cohérence fiscale de l’ensemble.
Décideurs. L’aménagement des modalités de calculs des plus-values immobilières assouplit-il réellement la fiscalité des vendeurs ?
P.-C. L. La durée de détention nécessaire pour avoir droit à l’exonération totale de l’impôt sur les plusvalues qui était passée, en 2011, de quinze à trente ans a finalement été ramenée à vingt-deux ans, un délai plus raisonnable au regard d’une vie économique.
Néanmoins, cette réforme reste en deçà de ce que l’on était légitimement en droit d’attendre : les prélèvements sociaux demeurent totalement exonérés après trente années de détention et le dégrèvement de ces abattements est exponentiel puisqu’ils ne commencent significativement à jouer qu’au-delà de la vingt-deuxième année. 72 % de l’abattement
se concentrent ainsi sur les huit dernières années !
Décideurs. Certains estiment que la réforme des plus-values mobilières est une révolution en matière fiscale. Est-ce également votre sentiment ?
P.-C. L. Cette réforme marque surtout la victoire du courant de pensée défendant le fait que revenus du capital et revenus du travail doivent être traités de façon identique, ce qui me paraît nier le risque en capital pris par l’entrepreneur. Pour atténuer cette imposition au barème progressif, le gouvernement a néanmoins utilement prévu un abattement pour une durée de détention dont le montant varie selon le régime applicable.
Dans le régime général, le contribuable peut ainsi bénéficier d’un abattement de 50 % entre deux et huit ans de détention et de 65 % au-delà. Dans le régime incitatif, visant les PME de moins de dix ans, l’abattement prévu est de 50 % entre un an et quatre ans de détention, 65 %, entre quatre ans et huit ans et 85 % après huit ans. Un contribuable dont le taux marginal d’imposition est de 45 % serait ainsi schématiquement (1) imposé, au bout de huit ans de détention, à hauteur de 31,25 % dans le régime général et de 22,25 % dans le régime incitatif, prélèvements sociaux inclus.
En revanche, la situation des dirigeants partant à la retraite a été aggravée par cette réforme. Alors qu’ils pouvaient, par le passé, bénéficier sous certaines conditions d’une exonération totale d’impôt sur le revenu, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Seul leur est en effet appliqué un abattement fixe de 500 000 euros préalablement à l’abattement majoré prévu par le régime incitatif.
Décideurs. Les nouveaux fonds « euro-croissance » et les nouveaux contrats « vie-génération » peuventils rendre l’assurance-vie plus attractive ?
P.-C. L. Le succès de ce genre de dispositifs, dont l’objectif louable est de réorienter l’épargne vers le financement des acteurs économiques, repose sur les avantages qu’en retire le souscripteur qu’il s’agisse d’un gain réel (garantie du capital s’il reste investi au moins huit ans) ou d’une non-aggravation de leur régime fiscal (abattement spécifique de 20 % pour le calcul du prélèvement dû en cas de décès du souscripteur visant à compenser le relèvement de celui-ci de 25 % à 31,25 %). Il convient de veiller toutefois à ne pas envoyer de signal discordant aux épargnants tel que celui relatif au plafonnement de l’ISF dont l’épilogue heureux vient d’intervenir à travers la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013.
Faisons toutefois le voeu en ce début d’année que le législateur aura à coeur d’inscrire sa politique fiscale future dans un contexte de stabilité retrouvée indispensable à toute stratégie patrimoniale harmonieuse.
(1) Car hors prélèvements sur les hauts revenus et hors impact de la fraction de CSG déductible.