Guillaume Pépy succède à Louis Schweitzer à la tête d’Initiative France. Ce réseau associatif de financement et d’accompagnement des créateurs et repreneurs d’entreprise créé en 1985 a soutenu la création ou la sauvegarde de 50 000 emplois l’année dernière. Très conscient du rôle que doit jouer Initiative France en pleine période de crise économique, Guillaume Pépy dévoile ses objectifs et sa vision de l’entrepreneuriat français.

Décideurs. Pourquoi vous être lancé dans ce nouveau projet professionnel ?

Guillaume Pépy. Après douze ans passés à la présidence de la SNCF, je voulais vivre une nouvelle aventure professionnelle dédiée au monde de l’entreprise et de l’entreprenariat. Mes missions actuelles d’administrateur et de conseil auprès d’entreprises pour les aider à se développer y répondaient déjà en partie. Lorsque Louis Schweitzer m’a proposé de prendre le relai à la tête d’Initiative France, je n’ai pas hésité. L’entrepreneuriat m’a toujours passionné. À la SNCF, nous avons d’ailleurs eu l’occasion de créer, ces dernières années, énormément d’entreprises dans le domaine du covoiturage et de l’autopartage et nous avons également lancé voyagesncf.com ou les bus Macron. Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est plus nécessaire que jamais compte tenu de la crise.

"Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est plus nécessaire que jamais compte tenu de la crise"

Effectivement, vous commencez votre mandat dans une période agitée où les annonces de faillites ou de plans sociaux risquent de se multiplier. Quel sera l’impact de la crise économique sur votre mission ?

Le contexte est dramatique. L’action d’Initiative France n’en est que plus indispensable. Sa raison d’être est de faire en sorte que chacun ou chacune qui a un projet ou une idée puisse créer facilement, solidement et dans la durée sa propre entreprise. Voilà l’action et l’ambition de l’association. Au moment où les plans de départs volontaires vont se multiplier, que toute une génération sort du système universitaire et que la crise s’installe, notre action est absolument vitale car, après tout, on peut avoir envie de créer son propre emploi en France. C’est probablement la plus belle des aventures professionnelles et c’est une façon de vivre dignement dans un moment où la crise est dure. Attention, il faut être honnête : tout le monde ne va pas créer son propre emploi mais nous serons aux côtés de celles et ceux qui ont un projet et qui doivent surmonter leurs inhibitions et l’autocensure.

"Ce n'est pas le système juridique ou fiscal qui dissuade les entrepreneurs de se lancer. Les vraies inquiétudes concernent plutôt la trésorerie et l’accompagnement"

L’une des mesures clés proposées par Initiative France est le prêt d’honneur. En quoi consiste-t-il et quelles sont les autres aides proposées ?

Le secret de la réussite, c’est de combiner financement et accompagnement ultra personnalisé. L’un ne va pas sans l’autre. Initiative France propose ces deux volets d’aides. Pour ce qui est du financement, le vrai déclic est le prêt d’honneur. Il est accordé au porteur de projet par l’une des 215 associations locales qui constituent Initiative France et représente en moyenne un montant de 10 000 euros. Grâce à ce prêt d’honneur, l’entrepreneur peut ensuite obtenir de la part des banques un crédit classique qui est en général de l’ordre de 80 000 à 100 000 euros. L’immense avantage de ce système est que les prêts d’honneur et bancaire sont couplés : il n’y a pas besoin de présenter deux fois son dossier et l’expérience montre qu’il n’y a aucune frilosité des établissements bancaires une fois le prêt d’honneur accordé. Chaque porteur de projet bénéficiant d’un prêt d’honneur – 21 000 personnes en 2019 – est également conseillé dans la durée. Cet accompagnement résulte de l’engagement de nos 20 000 bénévoles qui sont des chefs d’entreprise ou d’anciens chefs d’entreprise, qui aident le nouvel entrepreneur à définir son plan d’affaires, à construire sa trésorerie, à établir son plan d’action commerciale, à régler les sujets fiscaux et sociaux, à commencer à exporter, etc. Ce sont donc énormément d’expertises de tous domaines qui sont mobilisées dans la durée – trois à cinq ans. Nous avons d’ailleurs l’ambition de prolonger cette durée pour accompagner l’entrepreneur tout au long de la vie de l’entreprise.  

"Au moment où les plans de départs volontaires vont se multiplier, que toute une génération sort du système universitaire et que la crise s’installe, notre action est absolument vitale"

En partant, Louis Schweitzer déplorait le fait que « la notoriété de l’association n’était pas à la hauteur de son activité ». Partagez-vous ce constat ? Que faire pour remédier à cette situation ?

Je partage le constat selon lequel, en France, chacun et chacune rêve de créer sa propre entreprise mais qu’un réflexe quasi général interdit de le faire. Ceux qui ont un projet s’empêchent de sauter le pas en disant qu’ils ne disposent ni de l’argent nécessaire ni des compétences requises. Or, le financement et l’accompagnement sont précisément les points forts et la raison d’être d’Initiative France. Il faut donc que nous arrivions, avec nos 215 associations locales, à les encourager, à leur dire : « Allez-y, lancez-vous, nous sommes à vos côtés ! ». La seule chose qu’on ne peut pas faire à leur place, c’est trouver une idée, pour le reste, nous savons faire. L’extrême diversité des projets – qui vont de la salle d’escalade à la réouverture d’un bar restaurant, en passant par un service d’ambulancier, des fournitures pour les collectivités, la vente de fleurs ou des services pour les personnes handicapées – montre à quel point toute l’économie peut être irriguée par ces nouveaux entrepreneurs. D’ailleurs, beaucoup d’idées sont nées pendant la crise du Covid-19, comme le circuit court, le service à domicile ou le service digital. Ces idées doivent maintenant se transformer en entreprises.

"Être aux côtés de celles et ceux qui ont un projet et qui doivent surmonter leurs inhibitions et l’autocensure"

L’ouverture à de nouvelles associations est-elle envisagée pour les prochains mois ?

Oui, pourquoi pas ! Nous pourrions nous ouvrir à de nouvelles associations situées par exemple dans des territoires ruraux. Il nous faudrait également plus de bénévoles, surtout dans les domaines de la tech et du digital. Tous les renseignements pour devenir bénévole sont indiqués sur notre site internet.

D’après vous, quelle(s) mesure(s) serai(en)t susceptible(s) d’encourager l’entreprenariat en France ?

On peut toujours mieux faire même si de nombreuses initiatives en faveur de l’entreprenariat ont été lancées notamment au niveau des régions avec les fonds d’urgence ou même au niveau national avec la création du fonds de solidarité. Nous allons dans la bonne direction. Finalement, la vraie difficulté réside dans l’articulation et l’addition des différentes aides existantes. Il est assez compliqué, pour les porteurs de projet, de s’y retrouver parmi tous ces dispositifs d’autant plus qu’ils n’ont pas beaucoup de temps à consacrer à ces problématiques. C’est la raison pour laquelle ils doivent faire appel à nos associations pour y voir plus clair et ne pas manquer le bénéfice d’une aide. Une chose est sûre : ces entrepreneurs ne nous disent pas être dissuadés de se lancer par le système juridique ou fiscal en vigueur dans le pays. Le régime de société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) fonctionne bien et la fiscalité des très petites entreprises ne pose pas de problème particulier. Les vraies inquiétudes concernent plutôt la trésorerie et l’accompagnement lors du lancement d’une entreprise. Deux craintes auxquelles Initiative France répond parfaitement. 

Propos recueillis par Sybille Vié

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