Alors que le porte-parole du ministère de l’Intérieur a prévu d’interdire dans la loi l’usage de l’application Uberpop à compter du 1er janvier 2015, Thibaud Simphal, directeur général d’Uber France, ne compte pas abandonner la partie. Entretien.
Décideurs. Après l’Inde, l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne, Uberpop risque d’être interdit en France. Est-ce le début d’une longue bataille ?
Thibaud Simphal.
Uberpop existera tant que ce service ne sera pas officiellement interdit par un juge. Vendredi 12 décembre, le tribunal de commerce de Paris a simplement annoncé que les décrets d’application de la loi Thévenoud n’avaient pas été publiés. Donc nous ne sommes pas dans l’illégalité. L'interdiction de notre service par certains pays est violente et disproportionnée. C'est pourquoi nous avons fait appel de la décision rendue en octobre dernier et visant à interdire Uberpop. Pour faire avancer cette situation, mieux faudrait organiser un débat de société pour encadrer les pratiques des VTC.

Décideurs. Vous êtes tout de même accusé de mauvaise foi pour avoir défini Uberpop comme un service de covoiturage...
T. S.
Nous n’avons jamais présenté ce service de transport occasionnel entre particuliers comme du covoiturage. Uberpop est le cousin urbain de Blablacar, un nouvel animal dans l’écosystème de transport pour lequel il n’existe pas de réglementation précise. Certains juges se sont donc rattachés à une loi existante pour légiférer. Mais leur jugement est restrictif. Tout ce que nous demandons est un nouveau cadre réglementaire.

Décideurs. Uber a récemment annoncé une levée de fonds qui la valorise à quarante milliards d’euros. Est-ce que les récentes interdictions pourraient compromettre les conditions de développement de l'entreprise dans le monde et plus particulièrement en Europe ?
T. S.
Uber perd parfois des batailles juridiques, mais nous sommes convaincus que notre vision des transports prévaudra à long terme. Les utilisateurs de notre application sont des centaines de milliers à nous dire tous les jours « votre service est excellent ». Aucune entreprise de taxi ne peut se targuer de présenter une moyenne de satisfaction des clients de 4,7/5. Nous allons donc continuer à dialoguer avec les parlements et les gouvernements pour faire valoir ce que veulent nos clients. Certains États, les plus malins comme à Washington, ont déjà fixé un cadre législatif satisfaisant à la fois pour les utilisateurs et les sociétés de transport.

Décideurs. Que pensez-vous du maillage des transports urbains dans l'Hexagone ? Pourrait-on dire qu'Uber est un service indispensable ?
T. S.
L'inefficacité de l'écosystème des transports est criante. Aucun taxi n'accepte de vous conduire dans une zone urbaine sensible après 21h un vendredi ; en Île-de-France, les stations de RER se raréfient à mesure qu’on s’éloigne de Paris ; les zones quatre et cinq sont un véritable désert de transports ; les places de parking occupent 15 % de la superficie de la capitale... Un développement fulgurant des VTC est nécessaire pour faciliter la mobilité mais il faut aller encore plus loin. Uberpop est l’une des réponses, qui a l’avantage d’apporter aux chauffeurs un complément de revenu.

Décideurs. Justement, le statut des chauffeurs d’Uberpop pose problème, notamment dès que des particuliers exercent cette activité à temps plein. Prévoyez-vous de modifier leur statut ?
T. S.
Nous sommes prêts à fixer un nombre d’heures maximum pour ces chauffeurs. Par ailleurs, un régime fiscal adapté à leur situation pourrait être créé afin qu’ils déclarent leurs revenus supplémentaires. Tout chauffeur et passager utilisant l’application Uberpop est assuré à hauteur de 3,5 millions d’euros, en plus des assurances individuelles. Sur tous ces sujets Uber souhaite ouvrir un débat. Il ne faut pas se mentir, la législation évoluera tôt ou tard.


Juliette Boulay

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