Da un environnement hautement concurrentiel, les grands acteurs de l’informatique sont contraints de jouer en permanence la carte de l’innovation pour se démarquer. Une tendance qui a conduit à une accélération continue du cycle de production. Pour trouver les technologies de demain, les maîtres mots sont mobilité, alliance, services et design.

Dans un environnement hautement concurrentiel, les grands acteurs de l’informatique sont contraints de jouer en permanence la carte de l’innovation pour se démarquer. Une tendance qui a conduit à une accélération continue du cycle de production. Pour trouver les technologies de demain, les maîtres mots sont mobilité, alliance, services et design. Pour le plus grand bonheur des consommateurs.

Qui se souvient aujourd’hui qu’il y a moins de quinze ans, on utilisait encore des cassettes VHS et des magnétoscopes pour enregistrer et visionner ses films préférés  ? Il faut dire qu’en une décennie nous avons assisté à un défilement continu de nouvelles technologies, du laser au Blu-Ray en passant par le DVD. Aujourd’hui, la nouvelle tendance est à la vidéo à la demande en haute définition. Mais pour combien de temps  ?

Toujours plus haut, toujours plus vite

Cet exemple traduit une tendance de fond. Le cycle de vie d’un produit ne cesse de diminuer. La faute à une innovation de plus en plus rapide et à des consommateurs de plus en plus exigeants et demandeurs de nouveautés. En l’espace de deux décennies, le cycle de vie d’un produit est ainsi passé d’une dizaine d’années à moins de deux ans aujourd’hui. Par exemple, les consommateurs changent, en moyenne, leur téléphone portable tous les seize mois.

Ce phénomène aboutit à des chiffres vertigineux. Dans le secteur de l’électronique, le temps écoulé pour atteindre les dix millions d’exemplaires vendus ne cesse de se réduire. En 2007, Apple avait mis un peu moins de dix mois avec son iPhone. 

En 2010, la firme à la pomme améliore cette performance avec le lancement de l’iPad. Il ne lui aura fallu que six mois pour atteindre le même volume de vente. Mais en 2011, Microsoft vient d’exploser ce record avec son Kinect, le capteur de mou-vement de la Xbox 360, puisqu’il ne lui aura fallu que deux mois seulement. Un nouveau record qui a fait entrer le géant américain dans le Guiness World Records. Et face à un marché si porteur  (cf. graph. 1), la concurrence est plus forte que jamais.

marche mondiale des depenses informatiques

Cette course effrénée engendre des mouvements forts et rapides qui ne sont pas bénéfiques à tout le monde. Car si les succès sont de plus en plus rapides, les échecs le sont tout autant. Dans un tel contexte, difficile de faire un pari sur qui seront les géants informatiques de demain.

 

Dernière victime en date : les PC

Les dernières victimes en date ne sont autres que les fabricants de PC. Car si le marché reste en hausse, les prévisions de vente ne cessent de chuter. Le cabinet d’études Gartner a ainsi revu à la baisse ses prévisions de ventes de PC pour 2011 et 2012  : + 10,5 % contre + 15,9 % anticipés précédemment. La faute à un repli de la demande des consommateurs qui privilégient désormais les tablettes et les smartphones.

Toujours d’après Gartner, les dépenses mondiales en tablettes représentaient 9,6 milliards de dollars en 2010. Et selon les chiffres officiels d’Apple, les ventes de l’iPad ont représenté un chiffre d’affaires de 9,56 milliards de dollars la même année. Des chiffres qui montrent bien qu’innover permet de se mettre à l’abri de la concurrence. En 2011, le secteur des tablettes atteindra les 29,4 milliards de dollars et Apple représentera encore 70 % du marché. Jusqu’en 2015, le marché devrait croître, en moyenne, de 50 % par an. Les premiers à souffrir de ce nouveau marché sont bien entendus les PC portables. « Nous nous attendons à un enthousiasme croissant des consommateurs pour des solutions alternatives aux PC mobiles, tels que les tablettes tactiles, iPad et autres, ce qui devrait ralentir considérablement les ventes de PC mobiles, en particulier dans les marchés matures », explique George Shiffler, directeur de recherche chez Gartner. 

Alors que Netbook et autres e-book venaient tout juste de relayer l’ordinateur fixe à la case antiquité  (cf. graph. 2), les voici eux aussi contraints d’être rangées parmi les objets has been.

comparaison des ventes de pc fixes et des pc portables

 

Sois mobile ou meurs

Le point commun entre ces deux évolutions  ? La recherche constante de plus de mobilité. Désormais, grâce à la propagation de l’Internet sans fil, plus besoin d’un ordinateur (fixe ou mobile) pour accéder à ses activités favorites en ligne. Pour le secteur de l’informatique, le nouveau mot d’ordre est donc mobilité. Pas étonnant queles recherches sefocalisent sur cette thématique. Une tendance confirmée par d’autres statistiques. Au quatrième trimestre 2010, pour la première fois, les ventes de smartphones ont dépassé celles des PC à l’échelle mondiale. Ce cap symbolique traduit le remplacement progressif du PC par d’autres terminaux.

Google avait anticipé depuis plusieurs années cette tendance. Dans cette optique, le géant américain s’est placé sur le marché des systèmes d’exploitation (OS) pour mobile avec Android. Son objectif  : devenir le Microsoft des smartphones. Pour y parvenir, la firme de Montain View a mis en place la même stratégie que celle qui avait fait le succès de Microsoft  : signer des partenariats à outrance avec les fabricants de smartphones pour qu’Android deviennela référence. Et alors que Google ne partait de rien, il lui aura fallu moinsde trois ans pour prendre la place de numéro un.

Selon une étude du cabinet Canalys Android est devenu le leader du marché OS mobile avec près de 32,5 % de parts de marché sur le segment des smartphones. En 2010, pas moins de 32,9 millions de téléphones portables fonctionnaient grâce à l’OS estampillé Google. Nokia arrive second avec 31 millions d’exemplaires. Apple arrive troisième avec 16 % de parts de marché mais avec seulement deux références l’iPhone 4 et l’iPhone 3GS.

Tout va donc plus vite. Et Nokia doit actuellement se demander à quelle sauce il va être mangé en 2011. Car si la place de numéro un en OS est désormais hors d’atteinte, il est aussi menacé en tant que fabricant. Samsung et Apple se feraient une joie de lui passer devant. Les mauvaises performances du constructeur finlandais s’expliquent par le manque d’innovation et son offre inadaptée en matière de smartphones nouvelle génération. Preuve en est, Nokia réalise de bons résultats dans les pays émergents où la demande est moins exigeante. En revanche, dans les pays développés, Nokia souffre plus lourdement face à la concurrence.

Les marchés ont d’ailleurs lourdement sanctionné le groupe finlandais. Début avril, ce dernier perdait le rang de première capitalisation boursière des fabricants de smartphones au profit du jeune taïwanais HTC. Tout un symbole. Pire encore, selon Bloomberg, sur 36 analystes boursiers, 29 recommandent l’achat d’actions HTC, et aucun ne conseille de vendre, tandis que pour Nokia, 23 estiment qu’il faut vendre et seulement 19 recommandent l’achat. Voilà qui ne présage rien de bon pour le fabricant finlandais.

 

La mode est au partenariat

Autre perdant de la bataille du mobile  : Microsoft, qui n’a pas réussi à imposer son système d’exploitation mobile Windows Phone. Mais quand deux géants de l’informatique se retrouvent au sol, les alliances ne sont jamais très loin. C’est ainsi qu’en février 2011, les deux mastodontes ont annoncé un partenariat stratégique  : Microsoft fournira l’OS de tous les téléphones estampillés Nokia. Cet accord lui permettra de rattraper son retard par rapport à Google et Apple. Pour Nokia, cela lui permettra de recentrer ses recherches d’innovation sur le hardware. Une alliance qui pourrait donc bien replacer Nokia et Microsoft dans la course au leadership. Mais pour le moment, rien n’est encore fait. D’ailleurs, Google a accueilli cette nouvelle avec beaucoup de philosophie comme en témoigne le twittde Vic Gundotra, vice-président de l’ingénierie  : « Deux dindes ne font pas un aigle. »

 

Et pour cause, cette alliance ne résout pas automatiquement leurs problèmes. Nokia devra se montrer très réactif en proposant rapidement des terminaux équipés Windows Phone afin d’occuper le terrain. En attendant, la concurrence est entrée dans une guerre du nombre avec des références toujours plus nombreuses, notamment chez HTC ou Samsung avec Android. De son côté, Microsoft devra combler son retard en matière d’applications face à Apple ou à Google.

Mais les partenariats ne sont pas uniquement défensifs. Face à des coûts de recherche de plus en plus importants (cf. graph. 3), les leaders du marché n’hésitent pas à faire des alliances. Ainsi, HP dépense une part de plus en plus importante de son budget recherche et développement dans des projets communs. Le constructeur d’ordinateurs travaille ainsi fréquemment avec Intel.

 

De son côté, Apple s’est associé à Samsung pour réaliser le processeur A4 qui équipe son iPhone 4. La firme à la pomme pourrait refaire de même avec l’iPad 2  : les dernières rumeurs disent que le nouveau processeur de Samsung, intitulé Exynos («  intelligent » en grec), devrait équiper la nouvelle version de la tablette sous le nom de A5. Des perspectives néanmoins assombries par la bataille judiciaire à laquelle se livrent aujourd’hui les deux géants.

 

Le service unit hardware et software

Autre révolution incontournable dans le monde du hardware, la notion de service. Désormais, les consommateurs ne se limitent pas à l’achat d’un simple appareil. Ce qui leur importe le plus est ce qu’il peut leur apporter. Selon une étude réalisée en 2010 par la chambre de commerce et d’industrie de Paris, 84 % des consommateurs regardent les services associés au produit. Pour comparaison, seulement 74 % regardent l’innovation technologique. Pour vendre du hardware, il faut donc être capable de proposer aux clients de nouveaux usages. Et cela passe par le recours au software.

Les applications sont la cristallisation de cette tendance. Apple a été le premier à bâtir un modèle économique sur cette pratique (lire encadré ci-contre). Un positionnement qui permet à la société californienne d’affoler les compteurs. Selon le cabinet Forrester Research, la firme atteindrait les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2011. 

Et cela n’est pas fini. D’ici à deux ans, Apple pourrait dépasser en termes de ventes Samsung, HP et IBM, les trois plus grosses entreprises technologiques. Une sacrée revanche pour l’ex-outsider de l’informatique qui s’était fait évincer par Microsoft dans les années 1980.

 

Le design, la cerise sur la techno

Dans un environnement toujours plus instable, les acteurs ne savent plus quelle stratégie adopter. D’autant que le budget investi en recherche etdéveloppement n’est pas toujours synonyme de réussite  (cf. graph. 4).

L’innovation technologique ne suffit plus. Le design joue désormais un rôle de plus en plus important. Il est porteur de compétitivité car il travaille à révolutionner l’expérience de l’utilisateur. Au final, c’est l’image même de la marque qu’il impacte. Là encore, Apple a été l’un des premiers à saisir cette tendance. Depuis plusieurs années, le succès de ses produits s’appuie essentiellement sur l’ergonomie  : toujours plus fins et toujours plus design. Suite aux succès d’Apple, de nombreux grands groupes ont intégré la fonction design en interne. C’est ainsi le cas d’HP qui dispose depuis 2008 d’une équipe dédiée.

 

Une stratégie à moyen terme mais souple

Autre élément important pour réussir  : disposer d’une stratégie d’innovation à moyen terme mais qui soit assez souple pour s’adapter rapidement aux nouvelles exigences du marché. Pour les grands groupes, il n’est pas toujours évident d’allier ces deux dimensions. Intel en sait quelque chose. Dans le secteur très convoité des microprocesseurs, le poids lourd jusque-là incontesté, voit son emprise diminuer. La faute à une stratégie sur le marché mobile bancale. Grand gagnant de cette évolution  : ARM, une compagnie basée à Cambridge. Entre 2004 et 2009, son chiffre d’affaires est passé de 250 à 650 millions de dollars. ARM a pu gagner sa place de leader grâce à un positionnement original. Au lieu de vendre des microprocesseurs physiques, ARM vend le schéma des puces à des fabricants. Une véritable révolution pour le monde des microprocesseurs. Parmi ses clients, ARM compte de grands groupes tels que Qualcomm, Samsung, Freescale et Texas Instruments. Ce positionnement sur le marché lui permet de réduire ses coûts tout en s’imposant rapidement. 

La société est déjà omniprésente sur le marché des téléphones portables. Elle a conçu le plan de 90 % des smartphones vendus dans le monde. Mais aujourd’hui, ce nouveau leader est déjà contesté par Nvidia et LG qui viennent de lancer des processeurs double cœur pour appareils mobiles.

 

Ne pas confondre marathon et sprint

De son côté, Intel ne réussit pas encore à rattraper son retard. Fin 2010, aucun smartphone n’était équipé de ses puces. Une situation qui a poussé le géant américain à se séparer du dirigeant de sa division tablettes et smartphones. Intel devrait lancer des tablettes compatibles Android et Windows 7 d’ici la fin du mois de mai 2011. Paul Otellini, le p-dg d’Intel, se veut donc rassurant. « Notre entreprise est engagée dans un marathon et non un sprint. » Pour la concurrence, le message ne saurait être plus clair  : vous avez beau innover plus vite que nous, notre taille nous permet de résister à long terme. Reste que le marathon d’aujourd’hui se joue à un rythme beaucoup plus soutenu. Les vieux mastodontes auront-ils le souffle pour tenir encore longtemps  ? 

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