Jade Francine, l'impatiente

Après des études à Sciences Po Lille et un master de droit chinois à l’université de Pékin, Jade Francine intègre un cabinet d’avocats d’affaires à Shanghai. Au cours de cette expérience, elle conseille majoritairement des entrepreneurs, jusqu’à développer une fascination pour les nouvelles technologies et la remise en question constante de l’existant. Elle passe finalement de l’autre côté de la barrière. "Je voulais créer un projet qui combine technologie, international et impact, explique-t-elle, un business utile plutôt qu’une énième application pour faire ses courses en ligne et les recevoir en dix minutes." Très perplexe sur ce qu’elle qualifie d’"économie de la flemme" rendue possible grâce aux nouvelles technologie, elle cofonde WeMaintain avec Benoît Dupont, ex-Otis basé en Chine, et Tristan Foureur, développeur en start-up à San Francisco en identifiant un besoin sur le marché de la maintenance réglementée : "Nous avons créé l’entreprise il y a quatre ans en constatant que les équipements critiques des immeubles sont souvent source de frustration côté propriétaires, gestionnaires ou encore techniciens." Elle n’a alors que 28 ans et vient bousculer un marché figé, les emblématiques et dominants ayant développé une inertie qui n’accepte la nouveauté que si elle n’implique pas trop de changement.

"Apporter le meilleur de l'humain et de la technologie au coeur des immeubles"

Demande et offre

Pourquoi commencer par les ascenseurs ? Parce qu’"avant de courir, il faut apprendre à marcher", mais l’ambition originelle impliquait déjà la conception d’un écosystème de traitement de la donnée des multiples équipements de l’immeuble. Selon le voeu de nombreux clients confrontés aux manques d’alternatives, WeMaintain s’intéresse alors à d’autres secteurs : "Nous travaillons sur les systèmes de sécurité incendie, grâce à une acquisition, ou encore les portes et escalators", précise la cofondatrice. Des opérations de maintenance sur le terrain au pilotage des données en passant par ses objets connectés, WeMaintain propose une solution complète pour les acteurs de l’immobilier de toute taille. C’est bien dans cette résolution que la structure se démarque des nombreuses solutions de data science qui bourgeonnent dans l’univers de la proptech. Le pragmatisme contre le "yakafokon". Pas d’obstacle visible donc à la conquête d’autres équipements.

De start-up à scale-up

Après deux lancements réussis à Londres en 2020 puis à Singapour en 2021, We- Maintain poursuit sa stratégie de déploiement à l’international avec pour objectif d’ouvrir au moins un bureau dans une autre ville d’Europe avant de s’attaquer à l’Amérique du Nord. "Un grand nombre de nos clients sont des grands comptes internationaux et nous accompagnent dans la réalisation de notre mission inscrite dans nos statuts : apporter le meilleur de l’humain et de la technologie au coeur des immeubles", conclut l’entrepreneuse. En parallèle, la scale-up confirme l’acquisition de Shokly, une dernière levée de 30 millions d’euros, et annonce le lancement d’une grande campagne de recrutement d’une centaine de profils depuis octobre 2021 dont au moins cinq ont déjà rejoint les rangs de son comité exécutif. Un désir de croissance auquel s’ajoute une aspiration sociale avec l’intégration du statut d’entreprise à mission que Jade Francine considérait comme du "pipeau" avant d’en accepter l’aspect contraignant et le caractère plus empirique qui réside dans la question : "Que peut-on faire de mieux ?" Nul doute que Jade trouvera une réponse à cette question.

Alban Castres