Alors que les marchés des fusions-acquisitions font la part belle aux corporates disposant de liquidités, en face, les conditions de financement rendent plus timides les fonds d’investissement. Dans ce contexte, l’équipe de Cleach Avocats, qui conseille entreprises et dirigeants, revient sur la façon dont évolue la relation entre d’un côté, les sociétés d’investissement et, de l’autre, les entrepreneurs.

Décideurs. Au regard de l’évolution du marché cette année, comment voyez vous évoluer la relation entre fonds et corporates ?

Jean-Christophe Cleach. Le marché est cyclique. Actuellement, il est davantage du côté des acheteurs que des vendeurs. En parallèle, il est plus compliqué pour les fonds d’investissement de se positionner sur des opérations. L’endettement étant coûteux, ils sont obligés de mettre plus d’equity, le marché est déséquilibré au profit des acheteurs corporates qui ont aujourd’hui la place pour négocier les prix, mais cette situation va-t-elle durer ? Cela dépendra de l’évolution des taux bancaires et de l’envergure que prendront les fonds de dette, notamment s’ils commencent à regarder les grosses PME. À date, ils sont peu présents sur ce segment, chasse gardée des investisseurs industriels. Les fonds doivent trouver des relais de croissance mais les acquisitions étant plus complexes, ils essayeront d’investir dans des corporates, qui pourront, eux, mieux poser leurs conditions.

Dans ce contexte, le marché pourra-t-il compter sur les fonds de dette ?

Cyrille Decavele. Les fonds de dette sont séduisants, malgré la hausse des taux, mais avec un côté "baiser mortel". J’ai en tête des exemples d’entreprises qui avaient sollicité un financement uniquement auprès de fonds de dettes. Le closing s’est fait mais le partage de valeur a été assez violent.

Qu’en est-il des fonds de continuation ?

C. D. C’est une bonne idée. Comme les dossiers sont de plus en plus longs à sortir, il est de plus en plus difficile d’anticiper les mouvements du marché. La pression exercée par le fonds, parce que sa période de liquidité approche, n’est pas facile, car quand ce n’est pas le bon moment pour mettre une société sur le marché il vaut mieux attendre. Tout ce qui peut favoriser une flexibilité est bon à prendre. Évidemment, cela oblige à afficher une valorisation au terme de la création du nouveau fonds et de gérer la continuation d’un fonds à l’autre, mais cela reste une opportunité.

"Longtemps, nous avons vu les fonds inscrire des clauses ESG dans les pactes surtout pour des questions d’affichage" C. Decavele 

L’extra-financier peut-il servir d’accroche pour renforcer les relations entre fonds et entrepreneurs ?

C. D. Nous assistons à une évolution rapide sur ces sujets. Longtemps, nous avons vu les fonds inscrire des clauses ESG dans les pactes surtout pour des questions d’affichage. Aujourd’hui, la prise de conscience dépasse la communication, c’est désormais un élément admis de valorisation des entreprises. Côté entreprises, tout dépend des parties prenantes du dossier, nous assistons à des logiques culturelles variées de leur part. Les start-up ne réagissent pas comme un chef d’entreprise à quelques années de transmettre sa PME.

Tanguy Nicolet. Beaucoup d’entrepreneurs sont démunis sur ces sujets car ce n’est pas leur coeur d’activité. Souvent, solliciter une société de conseil est coûteux en temps et en argent. Tout ce qui peut contribuer à renforcer des relations entre les investisseurs et les entreprises est bénéfique à tous, y compris au-delà de l’aspect financier. Il y a une confrontation de cultures entre les deux parties, l’entreprise sur le core business et le fonds sur les aspects financiers, mais dès que le fonds d’investissement peut accompagner sa cible sur l’ingénierie fi nancière, l’aider sur sa rentabilité mais aussi améliorer les performances ESG, c’est un progrès. Il est souhaitable de faire vivre cette relation de manière approfondie, notamment à travers l’extra-financier. Les fonds ont une hauteur de vue qui permet un recul nécessaire sur ces sujets. La collaboration entre fonds et entreprises est un levier pour tous.

 

Photo (de gauche à droite) : Jean-Christophe Cleach, Cyrille Decavele. Tanguy Nicolet, associés

 

Propos recueillis par Céline Toni

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