Spécialiste du retournement d’entreprises, Dominique Bernard intervient à la demande des actionnaires pour conduire la restructuration de leurs entreprises. Il prend le mandat social et les risques qui vont avec. Habitué à côtoyer les cabinets ministériels, les administrateurs judiciaires, le Ciri, Dominique Bernard est reconnu comme un expert des situations complexes.

Décideurs. Quels ont été les dossiers phares de votre carrière et pour quelles raisons ?

Dominique Bernard. Je suis intervenu dans le cadre du dossier du groupe Hersant Media un groupe de presse quotidienne régionale qui a rencontré des difficultés majeures. Cette situation a entraîné la fermeture de la Comareg, une filiale du groupe qui emloyait plus de 3 000 salariés. Le plus grand plan social des années 2012-2013, qui a pu être géré avec l’aide du ministère du Travail. Ce dossier est emblématique car nous avons pu trouver une solution avec l’arrivée de Bernard Tapie. Un accord a été conclu avec lui et la famille Hersant. Chacun a mis 25 millions d’euros, ce qui nous a permis d’obtenir un abandon très important (80 %) de la dette bancaire qui s’élevait à 200 millions d’euros ! Et ce, après trois ans de discussions et plus de cinquante réunions au Ciri. Ce retournement de situation illustre le mieux l’intérêt du métier.

Quelle est votre vision du marché du restructuring pour l’année à venir ?

La sinistralité est en augmentation. De nombreuses liquidations sèches pour les TPE et PME sont à prévoir en 2023. Il faudra aussi veiller aux entreprises très dépendantes et consommatrices d’énergie et à ce titre, suivies de près par le gouvernement et les pouvoirs publics. Ces derniers interviennent en leur permettant de renégocier leurs contrats avec les fournisseurs d’énergie. Mais ces aides sont ponctuelles. Par ailleurs, le secteur du retail, en particulier dans le domaine du prêt-à-porter comme on l’a vu avec Kookai et Camaïeu, est particulièrement touché. Plus de 500 sociétés dans ce secteur présentent un risque à court terme sérieux, selon le cabinet Altares.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à exercer ce métier ?

Ce qui est intéressant dans ces missions c’est que vous traitez des sujets financiers, économiques, juridiques et humains tout en apportant un soutien psychologique à l’actionnaire quand ce dernier est un actionnaire familial. Nous avons une grande responsabilité. Nous représentons la société devant le tribunal de commerce et les pouvoirs publics. Nous sommes ainsi très exposés, il faut savoir rester modeste. Certes, nous prenons des décisions mais il s’agit avant tout d’un travail d’équipe. C’est à ce moment-là que j’ai le sentiment d’être utile. J’accorde beaucoup d’importance aux fonctions RH et finances : je sais prendre le temps qu’il faut pour les écouter. Ce qui représente un challenge aussi dans cette activité de manager de crise, c’est finalement d’être au cœur d’intérêts divergents. Lorsque l’entreprise connaît des difficultés. Vous devez trouver une solution qui puisse convenir aux actionnaires, aux salariés, aux fournisseurs et aux créanciers. L’accompagnement des mandataires judiciaires est également très important. C’est un travail d’équipe. C’est un métier d’équilibriste dans une situation d’urgence. Sans oublier la nécessité de trouver des financements car souvent ces sociétés ont des problèmes de cash. Enfin, les secteurs d’activité, les entreprises et les interlocuteurs sont différents d’un dossier à l’autre. Cet écosystème avec lequel je travaille est ce qui me passionne depuis dix ans.

"C’est un métier d’équilibriste dans une situation d’urgence."

Que pensez-vous de la pratique des procédures amiables en France ?

Elles sont très utiles, encore faut-il sensibiliser les dirigeants sur l’intérêt qu’elles présentent pour eux. La peur des tribunaux est encore forte. Malheureusement, nous voyons encore trop souvent des dirigeants qui n’osent pas demander l’aide du tribunal en recourant à une procédure amiable (mandat ad hoc ou conciliation) s’imaginant qu’ils vont être sanctionnés. Les tribunaux sont là pour les aider. Si le sujet des entreprises en diffi culté était pris plus en amont, elles auraient plus de chance de s’en sortir. Il faut faire connaître ces procédures amiables aux dirigeants.

Parcours :

  • 2015-2017 : président du comité stratégique de la Grande Récrée.
  • 2016 : directeur général de l’Olympique de Marseille.
  • 2017 : administrateur de la Chocolaterie de Bourgogne.o 2017-2018 : président de Métin SA - Distribution Automobile.
  • 2019-2020 : président de Presstalis - Distribution presse quotidienne et magazine.
  • 2020 : directeur général d’Arcadie Sud-Ouest – Production et distribution produits carnés.
  • 2021 : directeur général du CFC - Centre français d’exploitation du droit de copie.
  • 2022 : président d’Adveo, leader européen dans la fourniture et l’équipement de bureau.

Propos recueillis par Laura Guetta

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Dominique Bernard

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