Il y a seize ans, Gaëtan du Halgouët et Thibaut Robet créaient Chateaudun Crédit, le spécialiste français du conseil en affacturage et assurance-crédit. Ils partagent avec nous leur expérience des situations complexes rencontrées par leurs clients.

Décideurs. La crise sanitaire a-t-elle changé les habitudes des entreprises pour le recours à l’affacturage ? 

En décembre 2019, les entreprises françaises utilisaient 40 milliards d’euros de financement Factor (source Banque de France). Cinq mois plus tard, après un premier confinement, les entreprises n’utilisent plus que 28 milliards d’euros, soit une baisse de 30 %. En décembre 2021, le niveau d’utilisation est remonté à 38 milliards d’euros. Il reste donc toujours en-dessous du niveau de 2019. 

D’un autre côté, le volume de créances achetées par les factors a chuté de seulement 7,5 % en 2020. L’activité internationale ayant permis de compenser la plus forte baisse de chiffre d’affaires domestique. La tendance 2021 montre une reprise très forte avec une croissance de plus de 12 % sur les neuf premiers mois, avec des volumes déjà supérieurs à 2019, de +3 %. 

Les entreprises souhaitent toujours utiliser massivement l’affacturage mais elles ne tirent pas autant qu’avant sur leurs lignes de financement ! C’est une bonne nouvelle car elles disposent ainsi d’une plus grande marge de manœuvre en trésorerie, grâce au PGE notamment. 

Quels ont été les effets de cette crise sur vos activités dans des contextes de restructuration ? 

Le premier semestre 2021 était très atone avec très peu de dossiers dans ce type de contextes. À partir de septembre, nous avons de nouveau été sollicités par des PME et des ETI françaises pour les aider dans des contextes amiables ou post procédure collective. Cette tendance se confirme depuis le début de l’année 2022. Tous nos segments d’activité ont redémarré : les TPE/PME, les ETI et les groupes internationaux.  

Chateaudun Crédit a réalisé une très bonne année 2021 avec une croissance supérieure à 20 %, après +10% en 2020. Cette forte progression est le résultat du positionnement unique de Chateaudun Crédit en France et à l’international, avec une offre de services intégrée et opérationnelle autour de l’affacturage : conseil en affacturage, courtage en assurance-crédit et solutions IT pour l’affacturage et l’assurance-crédit, avec une équipe pluridisciplinaire de 35 personnes. 

Vous intervenez régulièrement aux côtés d’entreprises en restructuration. Quels sont les avantages de l’affacturage dans ces situations ? 

Un des avantages de l’affacturage est que l’entreprise peut y recourir en situation de sous-performance, et même en cas de procédure collective. Elle pourra presque toujours trouver un factor et avoir accès au financement, même si les problèmes rencontrés s’aggravent. 

Cependant, la négociation d'un contrat d'affacturage est complexe et sa mise en place est technique. À la différence des crédits bancaires classiques, l'affacturage a des impacts sur l'organisation de l'entreprise. Le financement qu'il permet de dégager dépend de multiples paramètres comme le risque clients, les délais de paiement, la facturation, les méthodes de recouvrement ou encore la nature des contrats qui lient l'entreprise à ses clients.  

C’est d’ailleurs pour aider les entreprises à faire face à ces enjeux, que nous avons décidé de créer Chateaudun Crédit en 2005. 

Pouvez-vous nous préciser les principaux enjeux de votre métier dans ces situations de restructuration ? 

Ce qui compte le plus souvent est l'urgence d'une part, la taille du financement obtenu d'autre part. S'il existe déjà un contrat d'affacturage, nous déterminons s'il est possible d'obtenir des financements plus importants auprès du partenaire en place, et, sinon, de changer rapidement de factor. Face aux situations de procédure collective, les sociétés d'affacturage ne réagissent pas toutes de la même manière : certaines accompagnent, d'autres restreignent leurs financements et quelques-unes préfèrent partir : notre rôle est d'aider nos clients à choisir le bon partenaire. Dans le cadre d'une restructuration, la direction financière subit une pression importante. Nous faisons en sorte que l'entreprise, malgré sa situation difficile, ne se voit pas imposer sa stratégie de financement par son environnement et puisse faire un choix éclairé et objectif. 

Les banques qui sont autour de la table des négociations veulent souvent imposer leurs propres filiales d'affacturage. Or, le choix d'un factor est très structurant pour la société. Faire appel à nos services permet aux entreprises de mettre en concurrence les acteurs du marché pour obtenir la meilleure offre possible, mais aussi de transférer la pression des banques vers un tiers sur lequel elles ont beaucoup moins de prise. Dans le cadre d'une procédure amiable, l'entreprise dispose ainsi d'un levier très efficace de né­gociation avec ses créanciers. 

Est-ce que la crise a fait évoluer votre approche sur les dossiers d’entreprises en restructuration ? 

Nous avons la chance d’être également courtier en assurance-crédit. Au cours de cette période, nous sommes intervenus auprès de nos entreprises clientes pour les aider à échanger avec les assureurs-crédit sur leur notation ou rating [un indice qui a une influence sur leurs crédits fournisseurs et sur les garanties que ces assureurs peuvent délivrer aux fournisseurs, Ndlr]. Les nombreuses sollicitations que nous avons reçues nous ont amenés à davantage accompagner nos entreprises clientes, en France ou à l’étranger, sur la compréhension de leur notation et les informations qui l’impactent. Nous les avons aidés à préparer leur communication avec notamment les trois principaux assureurs français. L’objectif est d’améliorer cette notation afin d’augmenter directement leurs encours avec leurs principaux fournisseurs. 

En traversant cette crise, les entreprises ont davantage pris conscience des enjeux du BFR, de la trésorerie et de l’impact des assureurs-crédit sur le crédit fournisseur.  

Pouvez-vous nous donner un exemple de solution adaptée au contexte de la restructuration ? 

Nous avons récemment mené une mission pour un groupe italien (CA : 200 millions d’euros) appartenant à un fonds d’investissement allemand. Ce groupe a rencontré des difficultés sur une de ses filiales. Celle-ci a ouvert une procédure collective (concordato) puis un repreneur a été trouvé. Bien entendu, cet évènement a eu un double impact, une baisse des notations des assureurs-crédit sur l’ensemble du groupe et une hausse des besoins de trésorerie. Ce groupe disposait de plusieurs contrats d’affacturage avec des banques italiennes, contrats ne permettant pas de financer correctement le poste clients des différentes entités. 

Nous sommes intervenus pour aider le DAF italien à renouer un dialogue avec tous les assureurs-crédit pour expliquer que la procédure sur la filiale était terminée et n’avait plus d’impact comptable et cash sur le reste du groupe. Nous avons concomitamment organisé un appel d’offres auprès des banques et sociétés d’affacturage pour élargir les lignes d’affacturage et ainsi dégager une forte marge de manœuvre. 

Par Gaëtan du Halgouët et Thibaut Robet fondateurs de Chateaudun Crédit 

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