Spécialiste de l’analyse et de la notation des sociétés de gestion dans le monde, Morningstar vient de supprimer 1 200 fonds de son référencement d’investissements durables en Europe.

La liste des fonds retirés n’a pas été communiquée dans son dernier rapport trimestriel publié fin janvier, mais la société a bien supprimé de sa base de données près de 1 300 milliards d’euros d’encours détenus par 1 200 fonds domiciliés en Europe.

Pour actualiser cette liste, Morningstar a revu, selon ses propres critères, les informations fournies par les investisseurs déclarant une dimension environnementale et sociale dans leur stratégie. Afin d’être inclus dans "l’univers des fonds durables" de l’agence, ces derniers doivent avoir définis des objectifs d’investissement durable et/ou utiliser des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leurs sélections d’actifs. Cette liste ne contient pas de fonds qui se limitent uniquement à l’exclusion de secteurs facilement controversés comme l’armement, le tabac, ou encore le charbon. Les fonds monétaires, les fonds de fonds et les fonds nourriciers sont également exclus du spectre de Morningstar. À ce titre, les rapports annuels, études, prospectus et autres documents d’information mis à disposition par les fonds qui se déclarent "verts" sont étudiés pour comprendre s’ils correspondent aux données prises en compte par l’agence dans son "Sustainable Investment-Overall".

Les sociétés de gestion intégrant cette nomenclature selon une méthodologie qui leur est propre, le paysage des fonds durables s’est considérablement étoffé

Une grande liberté d’interprétation

Pour comprendre pourquoi le réajustement de la société de notation est intéressant, il faut revenir à la régulation européenne entrée en vigueur le 10 mars 2021 avec la Sustainable Finance Disclosure Regulation, (SFDR). Le règlement européen sur la transparence en matière de finance durable a pour ambition de facilité la lecture et la comparaison des sociétés de gestion intégrant des éléments ESG dans leurs portefeuilles. L’objectif de la Commission européenne étant d’encourager les épargnants à se tourner plus facilement vers l'investissement socialement responsable (ISR). Le SFDR impose ainsi aux sociétés de gestion de classer leurs fonds dans trois articles : a minima la catégorie correspondant à l’article 6, car tous les fonds sont tenus de fournir des informations ESG, puis celle relevant de l’article 8 pour les fonds qui incluent des critères ESG dans leurs portefeuilles d’investissement et enfin, l’article 9, pour les fonds qui ont des objectifs d’impact ESG explicites.

Les investissements classés articles 8 et 9 représentent aujourd’hui 3 300 milliards d’euros, soit 37 % du marché en Europe, et pourraient atteindre les 50 % en 2022.

Les sociétés de gestion intégrant cette nomenclature selon une méthodologie qui leur est propre, le paysage des fonds durables s’est considérablement étoffé : + 65 % entre juin et septembre passant de 3 730 à 6 147 fonds selon un rapport Morningstar de novembre 2021. Les investissements classés articles 8 et 9 représentent aujourd’hui 3 300 milliards d’euros, soit 37 % du marché en Europe, et pourraient atteindre les 50 % en 2022.

La blacklist de Morningstar contre le greenwashing de l’UE

Après un réexamen de la société de notation, la part durable des fonds européens a été revue à la baisse : les encours ESG ont chuté de 3 milliards à 2 milliards d’euros et la plupart des fonds exclus appartiennent à la catégorie dit "article 8". Morningstar a expliqué au Financial Times qu’une nouvelle analyse serait effectuée dans les prochains mois pour permettre aux fonds déclassés de reconsolider leur stratégie ESG. Des évaluations qui attestent de la difficulté à trouver un terrain d’entente pour les gestionnaires d’actifs sur ce qui relève de l’investissement durable. De son côté, la Commission européenne consciente du boom généré dans l’univers ESG à la suite de l’entrée en vigueur du SFDR envisage aussi de clarifier sa réglementation pour la rendre plus restrictive. À date, si l'Europe représente 79 % des flux durables mondiaux au dernier trimestre de 2021, doit-on s’en réjouir ?

Céline Toni

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