Même si la vague de défaillances attendue en 2020 n’a pas eu lieu, les conséquences de la pandémie sur l’économie française ne sont pas négligeables. Clément Bertholet, chef de la mission restructuration au sein de la DGE et délégué interministériel adjoint aux restructurations d’entreprises, revient sur les défis de l’année.

Décideurs. Quelle est la nature des dossiers traités en 2020 ?

Clément Bertholet. Des pans entiers de l’économie arrivent sur notre bureau alors qu’ils étaient peu représentés auparavant, à l’instar de l’aéronautique et son écosystème de sous-traitants, de la restauration et de tout ce qui touche à l’événementiel. Les dirigeants n’ont pas les réflexes de gestion d’une entreprise en difficulté, à savoir piloter le cash, utiliser les bons outils et s’entourer. Quant aux secteurs en difficulté à l’entrée de la crise, comme le retail, l’automobile ou la papeterie, la situation s’avère encore plus délicate.

Nous faisons face à un réel afflux de dossiers et notre activité a augmenté de 30 à 50 % par rapport à 2019. Même si les mesures de liquidité ont permis de maintenir à flot beaucoup d’entreprises, celles qui n’ont pas obtenu de PGE ou eu accès aux outils communs viennent nous voir, souvent juste avant d’entrer en procédure collective.

De quels outils disposez-vous pour aider les entreprises en difficulté ?

Avec la crise, nous disposons de ressources et d’outils supplémentaires et devenons un guichet de recours. Des dispositifs d’accompagnement pour les PME et les ETI ont été créés en parallèle des mesures de soutien d’urgence que sont les PGE, l’activité partielle et les reports de charges. En matière de restructuring, le fonds de développement économique et social a été porté de 75 millions à 1 milliard d’euros et nous avons créé un nouvel outil d’avances remboursables et de prêts à taux bonifiés, doté de 500 millions d’euros. Du point de vue sectoriel, le PGE Saison ou le prêt tourisme apportent un soutien supplémentaire.

"Le fonds de développement économique et social a été porté de 75 millions à 1 milliard d’euros"

Quel rôle jouez-vous dans l’aide aux entreprises en difficulté ?

Nous mesurons la sensibilité et l’intérêt de soutenir un dossier au regard des critères de valeur ajoutée en France, de maillon stratégique dans une chaîne de valeur industrielle, et d’emplois délocalisables. Selon les situations, nous aidons dans la recherche d’un repreneur, que nous pouvons accompagner dans son projet de reprise, ou, en amont d’une ouverture de procédure, nous sommes aux côtés des entreprises dans leurs négociations avec les créanciers, et parfois même accordons un financement qui devra faire effet de levier sur les actionnaires et les financeurs.

Notre travail repose sur la négociation et l’alignement au maximum des intérêts de toutes les parties prenantes sur un projet. Un deal réussi, c’est quand nous obtenons un effort de l’actionnaire, des créanciers et, dans une certaine limite, de la puissance publique, qui est un créancier fiscal et social. Dans ce cas, nous avons convaincu les uns et les autres, aux côtés de l’entreprise et de l’administrateur judiciaire le cas échéant, de l’intérêt et de la rationalité d’aboutir au scénario défendu.

Pouvez-vous nous présenter des succès en 2020 ?

La papeterie de Condat, qui emploie plus de 400 salariés, représente une belle réussite. Les créanciers obligataires ont pris le contrôle de l’ensemble du groupe ont engagé 90 millions d’investissements nouveaux sur le site français, une diversification de la production et une décarbonation de l’outil productif. Plus récemment, Ascoval et Aries Alliance ont trouvé des repreneurs et amorcent leur retournement. Quant à Courtepaille, alors que 1 000 emplois étaient sur la sellette aux débuts des discussions, un prépack cession a pu être organisé. D'autres succès ont également eu lieu, notamment des sorties, confidentielles, de procédures amiables. Enfin, les avances remboursables ont aidé à ce jour 54 entreprises, pour un total de près de 4 000 emplois sauvés.

"Un deal réussi, c’est quand nous obtenons un effort de l’actionnaire, des créanciers et, dans une certaine limite, de la puissance publique"

Qu’en est-il de l’outil de détection d’entreprises en difficulté “Signaux Faibles”, lancé en 2019 ?

L’algorithme prend en compte de nombreux critères dont l’activité partielle ou les reports de charges, mais la crise est venue perturber tous les scores. Il a donc fallu le retravailler pour que le modèle retrouve une pertinence et ce travail est en train d’aboutir grâce à la persévérance des équipes. “Signaux Faibles” constitue un outil atypique et important dans la détection des difficultés des entreprises. L’enjeu est, une fois la détection faite, de mieux accompagner ensuite les entreprises.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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