Sebastian Paris-HorvitzDirecteur de la stratégie chez Axa Investment Manage

Sebastian Paris-Horvitz
Directeur de la stratégie chez Axa Investment Managers

Décideurs. Depuis fin 2008, des politiques de relance sans précédent ont été mises en place par les États pour soutenir l’activité. Comment appréhender le risque inhérent de cette montée de l’endettement public ?

Sebastian Paris-Horvitz. La crise a créé un choc qui risque de réduire notre potentiel de croissance pour au moins deux raisons. Premièrement, l’endettement privé va diminuer, freinant la progression de la consommation. Ensuite, les États, devront dans un avenir proche, stopper leur recours à l’endettement et équilibrer leur budget s’ils ne veulent pas subir la pression des marchés. Deux experts reconnus de l’analyse historique des crises, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, font ressortir de leurs études un seuil critique au-delà duquel le niveau de dette publique à un impact négatif sur la croissance économique.

Au-delà de 90% de dette publique, les pays perdent 1% de croissance du PIB par an. Or, d’ici à deux ans, le niveau d’endettement moyen des pays de l’OCDE devrait atteindre 100%. Trois risques majeurs peuvent en découler.
Primo, un besoin de financement trop important du secteur public risque d’évincer le privé. Il y a donc un problème de dépendance au soutien public de l’économie qui se crée, ce qui a des impacts négatifs sur l’allocation du capital et la compétitivité du pays.
Secundo, avec un endettement trop élevé, le risque de hausse des taux devient mécaniquement plus important, ce qui augmente le coût de financement de l’ensemble de l’économie.
Tertio, si cet endettement devenait insoutenable, le risque de défaillance du pays apparaîtra. Dans ce cas, non seulement le coût du financement peut exploser, mais l’ensemble des actifs du pays peuvent être pris dans une spirale baissière et, au total, conduire à l’effondrement de l’activité.


Décideurs. Comment appréciez-vous les différentes politiques de relance mises en place ?

S. P.-H
. À court terme, je ne suis pas complaisant, mais je reste optimiste. D’une part, les politiques de relance de l’activité ont permis de former un bon socle. D’autre part, j’ai le sentiment que les États cherchent à accompagner ce mouvement et seront très prudents dans le cycle de resserrement qui nous attend dans les trimestres à venir.
Toute la difficulté pour les décideurs aujourd’hui est de savoir quand on pourra dire que la croissance est devenue autonome et soutenable !


Décideurs.
Le sentiment général est que les pays émergents sortent globalement renforcés de cette crise. Quel est votre analyse sur ce point ?

S. P.-H.
Aujourd’hui, il y a une vraie dichotomie avec les pays émergents. En général, ils retrouvent la croissance plus rapidement et de manière plus robuste. En outre, leur situation budgétaire est globalement saine, et leur endettement public soutenable. Néanmoins, des problèmes subsistent localement, notamment dans les pays d’Europe de l’Est. À plus long terme, on voudrait croire à un modèle de développement différent dans certains pays, notamment en Chine, qui chercherait davantage à stimuler la demande intérieure plutôt que les exportations.


Décideurs. Compte tenu de l’avalanche de bons d’États écoulé sur les marchés, distinguez-vous à moyen terme un éventuel risque d’éviction des corporate des marchés obligataires ?

S. P.-H.
Pour moi, les marchés ne se résument pas à des problèmes de flux. Le point central est plutôt la confiance dans la valeur de l’actif. S’il n’y a pas de confiance, même une offre très faible de dette ne trouvera pas preneur, ou bien avec des taux élevés.
Alors que le crédit bancaire est en panne, depuis l’an dernier, les entreprises ont massivement fait appel aux marchés obligataires pour sécuriser leur besoins de financement ou renforcer leurs bilans, dans un contexte de taux faibles. Des records d’émission ont été battus. Le risque d’éviction n’est pas très visible aujourd’hui.


Décideurs.
De nombreuses voix s’élèvent contre les nouvelles règles prudentielles qui doivent s’appliquer aux banques et assurances. Ces craintes sont-elles justifiées ?

S. P.-H.
Une meilleure régulation est nécessaire. Concernant les banques, les changements risquent d’être néanmoins longs à venir. En effet, l’objectif est d’obtenir une régulation globale. Malheureusement, la protection d’intérêts nationaux empêchent d’y parvenir. Ce qui est sûr, c’est qu’on demandera plus de capital et plus de contraintes seront imposées sur  les opérations hors bilan, ce qui aboutira à une réduction de leur profitabilité. Côté assurances, la mise en place de Solvency II [ndlr : loi de réglementation] a déjà eu pour conséquence de voir ces investisseurs, jadis de long terme, réduire à la portion congrue leur détention d’actions. Ceci fragilise la base de capital des entreprises européennes. La raison devrait faire que ces règles seront revues. La question est quand ?

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