En seulement six ans, Sébastien Veil a réussi à se forger une réputation flatteuse en participant notamment à de grandes opérations. Son expérience en politique n’est pas étrangère à cette réussite.
Dans le milieu très formaté du capital-investissement, son profil ne passe pas inaperçu. Rien ne le prédisposait à s’imposer dans ce secteur. Après avoir enchaîné Normale sup, Sciences-Po et l’ENA, Sébastien Veil s’engage tout naturellement dans la sphère publique. Avec deux grands-pères énarques et une grand-mère ministre à plusieurs reprises, son destin semblait tout tracé. Mais à 31 ans, il décide de se lancer dans le capital-investissement. Un choix que beaucoup de ses proches remettent alors en cause. Pourtant, six ans plus tard, il a déjà réussi à s’imposer parmi les cadres influents de PAI Partners, l’un des fonds d’investissement français les plus importants. Comment en est-il arrivé là ? Retour sur un parcours hors des sentiers battus.

« Un étudiant complet »

Au cours de ses études, Sébastien Veil est déjà décrit comme quelqu’un qui « sort du lot ». Un compliment d’autant plus flatteur qu’il fait partie de la brillante promotion Senghor de l’ENA, parmi laquelle on retrouve Emmanuel Macron, récemment nommé ministre de l’Économie, Gaspard Gantzer, actuel conseiller communication à l’Élysée, ou encore Frédéric Mauget, responsable du budget de la mairie de Paris auprès d’Anne Hidalgo. Pierre-Alain De Malleray, son ancien colocataire à Strasbourg lorsqu’ils étudiaient à la prestigieuse école, estime qu’ « il était un étudiant complet dans le sens où il était à la fois brillant et très sociable. Il est entré à l’ENA avec la meilleure note en culture générale mais cela ne l’empêchait pas de savoir faire la fête. » Les deux compères marquent ainsi les mémoires de cette promotion dorée en organisant de nombreuses soirées costumées dans leur appartement. « Il avait du succès avec les filles » glisse l’actuel directeur général de la PME Santiane. À l’ENA, Sébastien Veil rencontre sa femme, Sibyle, avec laquelle il a déjà trois enfants.

« Il sait être disponible au bon moment et donner le conseil pertinent », Raymond Soubie

Ses anciens camarades se souviennent aussi de sa curiosité intellectuelle. Pierre-Alain le décrit même comme un « érudit absolu. (…) Je sais que cela le fera sourire mais je trouve qu’il ressemble à l’archétype de l’honnête homme du XVIIIe siècle qui sait tout sur tout. » Cet insomniaque, qui n’a besoin de dormir que cinq heures, passe ses nuits à lire. Parmi ses sujets préférés : le cinéma et l’opéra. Entre 2005 et 2007, Sébastien Veil donne même des cours sur le film noir à Sciences-Po et en prépare actuellement un sur l’opéra.

L’homme des réformes

À sa sortie de l’ENA, il est approché par Nicolas Sarkozy qui repère très vite son potentiel. De 2004 à 2007 et durant sa campagne présidentielle, il travaille à ses côtés comme conseiller sur les questions sociales. Sébastien Veil garde de bons souvenirs de cette expérience : « J’ai beaucoup appris à ses côtés. Son énergie et sa mémoire m’ont beaucoup impressionné. » Une fois élu, Nicolas Sarkozy lui propose un poste de conseiller en lui laissant le choix entre les ministères du Travail ou de la Culture. Sébastien Veil opte sans trop d’hésitation pour le Travail. « J’ai toujours eu un grand intérêt pour le monde de l’entreprise et je savais que je pouvais y être plus utile », explique-t-il.

De 2007 à 2010, il va travailler avec Raymond Soubie sur toutes les thématiques du droit du travail. L’ancien conseiller aux Affaires sociales ne tarit pas d’éloge à son sujet : « Sébastien a réussi à s’imposer par lui-même. Je ne l’ai jamais vu se servir de son lien de parenté. Il a réussi par son intelligence, son charme et sa vivacité d'esprit. Il sait être disponible au bon moment et donner le conseil pertinent. » En seulement trois ans, il abat un travail conséquent : rupture conventionnelle, représentativité syndicale ou service minimum... il est présent sur toutes les grandes réformes du début du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Désillusion


Mais pour ce grand libéral, les réformes ne vont pas assez vites, pas assez loin. L’échec de la réforme sur les licenciements collectifs le déçoit particulièrement. C’est là que les premiers doutes commencent à émerger. Et la dure réalité de la vie politique n’arrange rien : trop de mensonges, trop d’arrangements. « Je n’avais pas envie de faire de compromis. Or, pour moi, le vrai problème économique en France n’est pas la fiscalité mais la rigidité du marché du travail », confesse-t-il. « Il a perdu une part de la confiance qu’il entretenait à l’égard des gouvernants », complète son ami Pierre-Alain De Malleray.

Il évoque ses doutes avec François Henrot, grand nom de la banque d’affaires Rothschild, qu’il considère comme son mentor. C’est Henrot qui évoquera en premier la possibilité qu’il se lance dans le monde du capital-investissement. L’idée plaît à Sébastien Veil qui a beaucoup apprécié ses discussions stratégiques avec des dirigeants et des DRH de PME lors de ses missions gouvernementales. Mais là encore, la politique le déçoit : « Le gouvernement parle beaucoup des TPE PME mais en réalité il s’intéresse surtout aux grands groupes, plus médiatiques ». Bref, il comprend qu’il sera plus utile dans le privé s’il veut aider les PME à se développer.

Après plusieurs mois d’hésitation, Sébastien Veil finit par se lancer. C’est François Henrot qui le mettra en contact avec PAI Partners. « Comme à l’époque je n’y connaissais pas grand-chose en finance, il fallait une grande structure qui puisse prendre le temps de me former. J’ai commencé comme analyste », explique Sébastien Veil. Si Raymond Soubie n’est pas surpris par ce revirement, sa famille, oui.

Une ascension rapide

Il fait ses gammes et monte un à un, mais rapidement, les échelons. « Sébastien est un garçon qui allie intelligence, sensibilité commerciale et une grande capacité de travail, je dirai même un acharnement à faire et à réussir. Il est un atout incontestable de notre équipe », témoigne Nicolas Holzman, associé de longue date chez PAI Partners. Pour le faire progresser, Lionel Zinsou, président du fonds, lui propose des opérations qui sortent du lot. Sébastien Veil a pu ainsi travailler sur des dossiers complexes tels que Kiloutou, VPSitex ou encore Cerba European Lab.

À chaque fois, il impose son style : « Il a une vraie empathie mais en même temps il sait rester pragmatique. Cela lui permet de ne jamais imposer des décisions, il est toujours dans le dialogue », explique Catherine Courboillet, présidente du directoire de Cerba European Lab. Une approche qu’il a apprise avec Raymond Soubie, grand spécialiste du dialogue social. Son profil atypique lui sert également dans les secteurs réglementés. « En plus de sa culture financière, il apporte sa connaissance du milieu institutionnel. Sur un marché réglementaire comme celui de la santé, c’est un vrai plus », estime Catherine Courboillet.

« Le luxe du conseiller est de ne pas avoir à mentir »

Ce qui plaît aussi aux chefs d’entreprises, c’est son incroyable capacité de travail : « Il est, pour utiliser une expression anglaise, un « doer ». Il agit, s’engage et délivre vite et avec méthode », estime Jean-Christophe Chwat, président de VPSitex. Un atout dans le capital-investissement où les délais sont très serrés. Les fonds n’ont en général qu’un mois pour tout savoir sur une société, son secteur et ses concurrents et déterminer des perspectives de développement. Un travail qui n’est pas un problème pour le jeune homme selon Jean-Christophe Chwat : « Sébastien a une capacité remarquable à se plonger rapidement dans une nouvelle industrie et à en comprendre les données essentielles, les dynamiques. »

En plus de ses capacités d’analyse, Sébastien Veil n’hésite pas à s’appuyer sur ses collaborateurs. « Je délègue mais j’essaie de ne pas me décharger des tâches ingrates sur mes collègues. Pour être un bon manager, il faut mener par l’exemple, » estime-t-il. « Si je leur demande de rester jusqu’à une heure du matin, je resterai avec eux. ».

Et après ?

À 37 ans, le voilà maintenant principal. « J’ai presque rattrapé mon retard puisqu’en général, ce niveau est atteint vers 35 ans. C’est à partir de maintenant que je peux faire la différence », analyse-t-il. Et pour lui, « faire la différence » ne s’inscrit pas dans la sphère publique. « Je suis très bien chez PAI Partners. Mon futur est ici. Les Français ne sont pas encore prêts pour les réformes. Malheureusement, je pense que cela se fera de manière très brutale, un peu comme en Angleterre sous Margaret Thatcher », explique-t-il, le regard résigné. Pour autant, « il reste un passionné des affaires publiques », estime Pierre-Alain De Malleray. Quand on lui demande s’il se voit en homme politique afin de pouvoir peser et décider, il répond lucidement : « J’aimerais le contact avec les gens mais je ne saurais pas faire de concessions. (…) Le luxe du conseiller est de ne pas avoir à mentir », conclut-il en souriant.

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