Jeudi 1er juin 2023. Le Parlement valide définitivement et à l’unanimité la proposition de loi déposée en janvier dernier qui définit et encadre l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cette première réglementation française en la matière repose sur deux piliers : l’accompagnement des influenceurs et la protection des consommateurs, en particulier les plus jeunes.

Adoptée en un temps record, la proposition de loi sur l’influence déposée en janvier 2023 a été validée définitivement par le parlement le jeudi 1er juin 2023. C’est une “quadruple unanimité” qui a accueilli le texte : à l’assemblée nationale, au Sénat, en commission mixte paritaire puis au sein de “֧la société civile” selon le député Arthur Delaporte, qui a porté la loi avec le député Renaissance Stéphane Vojetta. La France est le premier pays européen à proposer un cadre complet de régulation du secteur de l’influence commerciale. Et l’un des premiers pays au monde à légiférer dans ce domaine. Dans l’Hexagone, on recense quelque 150 000 influenceurs actifs sur YouTube, Instagram, Tiktok, Facebook...

Responsabilité solidaire

À la base des mesures adoptées ? Une consultation publique sur le métier des influenceurs ouverte du 8 au 31 janvier 2023. Plus de 400 participants issus du secteur de l’influence commerciale – représentants de marques, associations de consommateurs, influenceurs – ont participé autour de huit tables rondes à Bercy à des travaux pour définir leurs attentes et les points sur lesquels il serait nécessaire d’être vigilant. Un travail qui a permis de construire le cadre légal du secteur avec notamment la définition des influenceurs et de l’activité de l’agent d’influenceurs. Pour le député Renaissance Stéphane Vojetta, le texte a quatre "points cardinaux" : "Clarifier, encadrer, responsabiliser, éduquer." Selon Arthur Delaporte, la loi traite d’un sujet majeur, qui a des implications sociétales multiples, par exemple en matière de protection de santé publique, des consommateurs, des mineurs, de lutte contre les dériveurs sexistes. Quant aux “influvoleurs” , ils existeront toujours, mais “ils sauront que la loi est là notamment pour les punir.֨” La ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises Olivia Grégoire a salué l'établissement d'un "cadre clair", qui permet aux influenceurs "d'exercer leur travail en toute sécurité juridique" et de "protéger nos compatriotes face à des abus au sein de cette influence commerciale".

Les contrats passés avec les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs seront obligatoirement écrits, dès lors que les montants en jeu dépasseront certains seuils, indiqués dans un décret à venir. Certaines clauses devront elles aussi obligatoirement figurer au contrat, notamment pour les missions, la rémunération, ou l’application du droit français lorsque le public visé est français. Une responsabilité solidaire est introduite pour l’annonceur, l’influenceur et son agent. La loi anticipe le réglementation européenne DSA et impose aux plateformes des outils de signalement et de modérations des contenus.

Ordre public économique

Certains contenus sensibles feront l’objet d’une attention particulière : les jeux d'argent et de hasard, les produits de nicotine, les opérations de chirurgie esthétique, les actifs numériques et les cryptomonnaies seront désormais interdits de publicité. Pour d’autres, il faudra afficher un bandeau indiquant que l’image a été retouchée ou que la vidéo ou l’image est en fait une publicité. Le texte rappelle encore que l’activité d’influence est soumise à la loi Evin. Les mineurs bénéficient d’une protection particulière : le régime des enfants mannequins sera appliqué aux enfants influenceurs. Tout cela concourt à une meilleure information des consommateurs sur les contenus présents sur les réseaux sociaux. Le député Arthur Delaporte a également profité de l’occasion pour appeler à "réfléchir au droit de la consommation à l’ère de la transition climatique."

Ce texte, qui expose les contrevenants à des peines allant jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende, doit mettre fin à "la loi de la jungle", selon l’expression du député centriste Arthur Delaporte. Bruno Lemaire l’avait annoncé dans un discours en mars dernier : “Ce secteur économique dynamique, inventif, créatif” ne peut pas échapper à l’ordre public économique dont l’État est garant. Chaque année, Bercy organisera des Rencontres de l’influence pour évaluer l’efficacité de la loi et évaluer l’évolution du secteur.

Anne-Laure Blouin

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