Mardi 9 mai, les sénateurs se sont prononcés sur le texte de loi visant à réguler les activités des influenceurs sur les réseaux sociaux. Adoptée à l’unanimité en première lecture, la proposition de loi fixe de nouvelles interdictions pour protéger les consommateurs les plus vulnérables et renforce les pouvoirs des autorités de contrôle et les sanctions en cas de sortie du cadre légal.

Santé mentale des Français, risques sanitaires liés à la détention d’animaux sauvages… La loi sur l’influence commerciale est motivée par les enjeux de société que le phénomène suscite et des considérations d’ordre général comme la protection de la santé publique, de la jeunesse, des consommateurs et des épargnants. Après les députés, c’est au tour des sénateurs de se prononcer sur la proposition de loi déposée au parlement le 31 janvier 2023 par les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta. Le texte a été adopté à l’unanimité en première lecture.

“Selon les principaux représentants de la filière, il y aurait 150 000 influenceurs en France ; 15 % d'entre eux exerceraient cette activité à temps plein, 6 % gagneraient plus de 20 000 euros par an, 74 % seraient des femmes avec une moyenne d'âge de 30 ans.” Madame Amel Gacquerre, rapporteure du texte, insiste toutefois sur la nature estimatoire de ces chiffres. Le secteur a explosé depuis quelques années. Le volume et la diversité des contenus publiés – souvent éphémères, stories, lives, etc. – compliquent la régulation du secteur. Autre élément problématique : les plateformes en ligne afficheraient une certaine passivité dans le traitement des signalements. Le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne résume : “Une filière économique est apparue en quelques années : il convient de la réguler, compte tenu de ses effets, notamment sur les plus jeunes de nos compatriotes.”

“Business juteux”

Les jeunes Français sont au cœur des préoccupations du législateur. “Une forte régulation s'impose, notamment pour protéger les préadolescents et les préadolescentes contre les dangers de la malbouffe, de l'alcool, de la chirurgie esthétique, de la cryptomonnaie, autant d'éléments façonnant aujourd'hui l'imaginaire de nos enfants“, selon Fabien Gay. Côté sanitaire, un amendement du sénateur Arnaud Bazin veut interdire aux influenceurs d’interagir ou de se mettre en scène sur les réseaux sociaux avec des animaux non domestiques interdits en France, pour éviter l’augmentation du trafic d’espèces non domestiques, du mal-être de ces animaux, et des dangers liés à la proximité avec ces bêtes et de ces dangers sanitaires. La mise en scène avec un animal sauvage – une mode lancée par des influenceurs, souvent situés à Dubaï ou dans les émirats – est “un business juteux” qui permet de “faire le buzz”, de gagner des abonnés, des partenariats publicitaires et in fine de l’argent.

La promotion de traitements médicaux, médicamenteux ou chirurgicaux sur les réseaux sociaux est également dans le viseur de la loi. Les influenceurs proposeraient “toutes sortes de solutions miracles à des victimes fragiles et en souffrance qui espèrent ainsi résoudre leurs problèmes ou guérir de leurs maladies, sans contrôle médical”. Des solutions miracles aux conséquences préjudiciables sur la santé physique et mentale, voire irréversibles selon les discussions au Sénat.

Mention unique “publicité”

Certains autres amendements ne sont pas passés, au motif de leur redondance avec une loi déjà existante. C’était le cas notamment de celui portant l’interdiction de la promotion de produits paramédicaux amincissants. Les influenceurs doivent respecter le code de la consommation et ses injonctions sur les publicités mensongères et les pratiques commerciales trompeuses. “Si un influenceur met en avant des effets amincissants qui ne sont pas avérés, il peut déjà être sanctionné.” Inutile, selon Amel Gacquerre, d’aller jusqu’à l’interdiction. Idem pour un amendement visant à interdire la promotion, par des influenceurs, d'offres de streaming pirate. Il fait écho aux règles existantes du code de la propriété intellectuelle.

Au contraire, l'obligation d'afficher un bandeau “Interdit aux moins de 18 ans” pour la promotion de jeux d'argent et de hasard est retenue, tout comme l’interdiction faite aux influenceurs de proposer un produit ou une offre promotionnelle en échange d'une inscription à une formation professionnelle, ou l’amendement sur mention unique “Publicité” sur les contenus à caractère commercial des influenceurs.

La DGCCRF enquête sur les pratiques commerciales des influenceurs depuis 2021. Tromperies sur les propriétés des biens vendus (faux produits bio ou naturels) ou promotion de services risques, notamment en matière de paris sportifs : l’autorité de la consommation a fait le constat que sur la soixantaine d’influenceurs suivis, 6 sur 10 ne respectaient pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs.

La prochaine étape de la loi sur les influenceurs sera marquée par la tenue d’une commission mixte paritaire. Elle a été convoquée le 10 mai pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Anne-Laure Blouin

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