Les arrêts du Conseil d’État du 13 juillet 2021, ont créé un véritable bouleversement de la pratique en matière de management packages en requalifiant une partie du gain en salaires dès lors que celui-ci trouve essentiellement sa source dans ses fonctions de salariés ou de dirigeant. Cette nouvelle grille de lecture implique un changement de doctrine. Notre propos ne sera ni de commenter les décisions rendues par le Conseil d’État ni de choisir l’une des options évoquées, mais plutôt d’appréhender une nouvelle conception des managements packages à partir du modèle ancien d’apporteur en industrie.

L’apport en industrie fait traditionnellement partie des trois types d’apport autorisés. Si ce mode d’acquisition de la qualité d’associé est particulièrement utilisé dans les sociétés de professions libérales et indépendantes, la nature de cet apport, ses modalités et son régime se rapprochent des mécanismes d’intéressement des salariés et managers connu sous le nom générique de management package.

Retour sur la philosophie du management package

La mise en place d’outils de management package répond aux objectifs suivants :

- Motiver les managers en récompensant leurs performances dans l’entreprise grâce à l’attribution d’un gain financier décorrélé de leur participation au capital

- Assurer leur fidélité à moyen terme

- Faire converger les intérêts des managers avec ceux des investisseurs

- Permettre éventuellement une prise de contrôle future du management

En dehors des outils encadrés par le législateur, l’émission de titres complexes au profit des managers (BSA, OC, ABSA…) ou conventionnels (promesses croisées, partage de plus-values) fait l’objet de contrôles poussés par l’administration fiscale et sociale entraînant actuellement la requalification de tout ou partie de la plus-value accordée au manager en salaires en lieu et place du régime des plus-values sur valeur mobilière fiscalement et socialement moins coûteux. Ainsi, la pratique en matière de management package consistait jusqu’à présent à réduire le lien entre l’avantage accordé par l’entreprise et la qualité de salarié ou de mandataire social du bénéficiaire afin de sécuriser le traitement fiscal/social de ces outils. Les arrêts de 2021 obligent à changer totalement cette approche et de trouver de nouvelles solutions. 

Les similitudes entre l’apporteur en industrie et les managements packages

Dans un apport en industrie, l’apporteur s’engage à consacrer tout ou partie de son activité aux affaires de la société, par la mise à disposition de son travail, de son savoir-faire, mais également de sa notoriété ou du crédit que peut représenter son image sociale.

"La prestation de l’apporteur doit être effectuée en toute indépendance et animée par l’affectio societatis"

La prestation de l’apporteur doit être effectuée en toute indépendance et animée par l’affectio societatis, c’est-à-dire la volonté de créer une entreprise commune, ce qui écarte ainsi toute requalification en contrat de travail. Toutefois, une clause de non-concurrence et d’exclusivité peut légitimement être insérée dans le traité d’apport. En raison du fort intuitu personae attaché aux parts ou actions en industrie, celles-ci sont inaliénables et intransmissibles. Les conditions et modalités de l’apport en industrie semblent très proches de la philosophie des managements packages.

Avantages et limites de l’apport en industrie

- Les avantages :

L’apporteur en industrie dispose du droit de participer aux décisions collectives et de voter les résolutions. Depuis le 21 juillet 2019, les apports en industrie consentis à la création ou en cours de vie sociale d’une SAS n’ont plus l’obligation de faire l’objet d’une évaluation par un commissaire aux apports, ce qui constitue un avantage non négligeable au regard des enjeux et des problématiques d’évaluation des outils de management packages optionnels.

"La notion d’apport en industrie exclut par définition celle de contrat de travail"

La notion d’apport en industrie exclut par définition celle de contrat de travail rendant ainsi la jurisprudence du Conseil d’Etat précité difficile d’application. L’apport en industrie implique une description précise et exhaustive de la prestation réalisée par l’apporteur, de sa plus-value et de son rôle ce qui contribue à une meilleure prise en compte de l’importance du manager dans la réussite de l’entreprise. L’apporteur en industrie a également droit aux dividendes et au boni de liquidation de la société dont le régime fiscal sera celui applicable aux revenus de valeurs mobilières et notamment au PFU à 30 %. 

- Les limites :

elles ne pourront ni être cédées, ni être apportées ou transmises ce qui empêche en pratique de réaliser une plus-value ou participer à de nouveaux LBO. Toutefois, cette contrainte pourrait être résolue par l’interposition d’une société de managers "ManCo" dans laquelle les managers apporteraient leur industrie. La ManCo détiendrait les participations dans la société cible. Elle pourrait alors distribuer aux managers les titres de la société cible dans le cadre d’une distribution de dividendes en nature ou lors de la liquidation de la ManCo en tant que boni de liquidation. Ainsi, les managers-apporteurs en industrie disposeraient directement des actions de la société cible lesquelles seraient cessibles et transmissibles. En résumé, la notion d’apport en industrie est en adéquation avec la philosophie propre des managements packages. Tout reste à créer en la matière, notre propos dans ces colonnes est une invitation à destination des acteurs pour se saisir de ce qui pourrait être une nouvelle pratique de marché. 

Laure-Lise Giner, Jullian Hoareau et Alexis Katchourine, FareWell Tax

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