Le droit est parfois là où on ne l’attend pas. Serait-il alors un chevalier servant du climat ? Certainement, lorsqu’on voit que les acteurs économiques que sont les entreprises ne peuvent plus agir en dehors des lois qui régissent désormais le sujet.

Le changement climatique. Un sujet complexe accompagné d’une multitude de particularités, dont la première et la plus importante repose sur le postulat suivant : "Le climat est un bien public." C’est du moins la vision de Béatrice Parance, professeure agrégée de droit privé à l’université Vincennes-Saint-Denis. Et, en tant que bien public, le climat doit être protégé. L’organisation de cette protection n’échappe pas à son lot de passagers clandestins, ceux qui ne font pas leur part pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais qui bénéficieront des efforts faits par les autres. En tête et souvent pointée du doigt : l’entreprise. Quelle est sa place dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Qu’est-ce qui peut être fait pour l’encadrer ? Des questions abordées lors de la conférence des Universités d’été organisée par Paris Place de Droit vendredi 8 juillet sur le climat, la finance et le droit. La table ronde réunissant l’avocate Émilie Vasseur (Mayer Brown), Thierry Philipponnat de l’AMF, Béatrice Parance, Helman le Pas de Sécheval de Veolia Environnement et Stéphanie Smatt Pinelli d’Orano fut l’occasion de passer au crible les leviers juridiques pouvant être utilisés au service de l’enjeu du siècle.

Une normativité très basse

Le droit joue un rôle essentiel en imposant un cadre normatif aux entreprises. Ces dernières devaient dans un premier temps rendre compte des impacts environnementaux et sociaux de leurs activités dans un rapport de gestion conformément à la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Il ne s’agissait pas d’une obligation de faire, mais d’une obligation de transparence. La loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance a franchi une première étape vers l’émergence de cette obligation de faire en exigeant des grandes entreprises d’anticiper tous les risques d’atteinte grave aux droits humains, à l’environnement et aux questions sociales pouvant survenir sur leur chaîne de valeur. Deux ans plus tard, c’est au tour de la loi Pacte d’imposer aux sociétés de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Si ces deux textes représentent une évolution dans la responsabilité de l’entreprise en matière de changement climatique, ils "sont d’une normativité très basse, voire symbolique, selon Béatrice Parance. Pour autant, ils peuvent devenir le terreau pour quelque chose de beaucoup plus fort." Comme la future directive européenne sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises. Le texte, qui est en cours de discussion devant le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, permettrait de poser les premières bases du devoir de vigilance en Europe et de pallier certaines imprécisions de la loi française.

Droit à la responsabilité

Si le cadre normatif est essentiel, les actions devant le juge le sont tout autant. Qu’ils soient contre les États ou dirigés à l’encontre des entreprises, les contentieux d’ordre climatique se multiplient. Ils jouent un rôle important dans les avancées juridiques. Comment ? Par le rayonnement international des affaires. Lorsqu’un État se saisit d’une question relative au climat, la solution a souvent un impact au-delà des frontières du pays. La fameuse Affaire du siècle, qui vise à reconnaître la carence fautive de l’État français en matière climatique, se fonde par exemple sur l’arrêt néerlandais Urgenda, première affaire consacrant l’obligation pour un État de se conformer aux objectifs mondiaux de réduction des gaz à effet de serre.

Mais qu’en est-il de la responsabilité des entreprises ? Comment agir, pour une ONG, en l’absence d’un intérêt à agir ? La réponse reposerait sur le droit à la responsabilité pour Béatrice Parance, qui prend l’exemple du litige opposant Shell aux Pays-Bas : "Dans cette affaire, la question était : est-ce que la maison-mère du pétrolier s’est conduite selon le standard de comportement que devrait être celui d’une entreprise responsable au regard de son poids sur le marché ? La réponse est non au regard du droit à la responsabilité." Et bien qu’il s’agisse d’une décision de première instance, plusieurs pays ont repris cette solution pour entamer des contentieux à l’encontre de leurs multinationales, à commencer par la France où une affaire est en cours contre TotalEnergies.

Anaëlle Demolin

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