En fort développement, la banque privée du groupe Rothschild & Co consolide sa position de leader sur le marché français, avec sérénité et ambition. Le point avec Alain Massiera, associé-gérant, directeur général de Rothschild Martin Maurel.

Décideurs. Quels sont les points clés de votre business model ?

Alain Massiera. Notre modèle est basé sur le service à valeur ajoutée et tourné vers les entrepreneurs et leur famille : nous les accompagnons dans la structuration de leur patrimoine et dans la gestion de leurs actifs liquides financiers. Notre expertise en ingénierie patrimoniale combinée à une offre de gestion financière sur mesure et coordonnée par un banquier privé constitue le point fort de notre offre. Cela permet à nos clients d’adopter en amont une stratégie adaptée à leur situation et d’entamer ainsi sereinement les différentes étapes clés de leur vie, d’un point de vue professionnel et familial. Enfin, notre force repose sur les synergies entre les trois métiers du Groupe Rothschild & Co : le conseil financier, le merchant banking et la banque privée et gestion d’actifs

Le fort développement de votre activité a été au rendez-vous ces derniers mois…

Notre stratégie n’a pas changé. Le plus important est de grandir, nos revenus étant basés sur les stocks. Il est toujours intéressant de regarder la répartition du produit net bancaire des banques privées, souvent ventilé en trois composantes : la marge d’intérêt provenant des crédits ou des dépôts, les commissions sur stocks (commissions de gestion, de performance et frais de transaction) et enfin la typologie de l’offre, à savoir la gestion discrétionnaire, l’execution-only et les mandats conseils.

"Le plus important est de grandir, nos revenus étant basés sur les stocks"

Nous avons beaucoup investi afin de maintenir notre bon momentum et de favoriser la collecte, avec le renforcement des équipes d’ingénierie patrimoniale, de family office, de gestion financière et de banquiers ainsi qu’une équipe corporate présente à Marseille, Lyon et Paris spécialisée dans les sociétés familiales. Nous venons par ailleurs d’ouvrir un bureau à Toulouse, après celui de Bordeaux il y a deux ans. Nous continuons aussi d’intégrer régulièrement des banquiers privés afin de nous renforcer sur des expertises nouvelles.

Comment décidez-vous de l’ouverture d’un bureau en région ?

Nous examinons le poids économique de la région, les entreprises familiales d’une certaine taille ainsi que les secteurs d’activité concernés. Le tissu économique familial local nous guide dans cette décision. L’ouverture d’un bureau implique a minima la présence de banquiers et d’un ingénieur patrimonial permettant à nos clients de bénéficier de nos expertises localement. Seule la gestion financière discrétionnaire reste domiciliée à Paris. En revanche, à Marseille et à Lyon, le montant des actifs sous gestion est suffisamment conséquent pour réaliser cette gestion en local. Le processus est donc le suivant : planification, ouverture et démonstration de notre capacité à réussir, avant d’éventuellement projeter une autre ouverture.

Quelles ont été vos innovations récentes ?

Nous travaillons essentiellement, comme nos confrères, sur les sujets ESG et le développement numérique au sein de l’entreprise. Les mandats de gestion discrétionnaires intègrent désormais les critères ESG, et nos reportings incluent maintenant les données et notations extra-financières. Des mandats dédiés, nommés "4Change", ont été mis en place, avec un accent fort mis sur les critères extra-financiers. Ces évolutions, en plus de diversifier notre offre, nous permettent d’être alignés avec la direction stratégique du Groupe qui souhaite contribuer, par son influence et son expertise, à la transition écologique et durable de l’économie mondiale.

L’autre investissement majeur concerne la dématérialisation des actes, tels que l’onboarding client et les process réglementaires. C’est un gain de temps pour les clients et les banquiers et cela bénéficie à la qualité de service, que ce soit en interne - entre le support et le front - ou en externe vis-à-vis des clients. Toujours sur le volet numérique, le développement de notre application suit son cours, avec l’ajout de l’identification biométrique et des améliorations à venir comme la messagerie, l’optimisation du parcours client et l’évolution du contenu et du design. Nous travaillons également sur l’onboarding des contrats d’assurance, afin de disposer d’un process uniforme pour l’ensemble de nos assureurs.

Le private equity est-il le nec plus ultra de la gestion de fortune ?

Le private equity, que nous développons depuis 2004, a toujours constitué une classe d’actifs capitale pour nos clients. Plus ils sont "high net worth", plus ils vont pouvoir allouer une partie de leurs actifs liquides sur le long terme sans besoin de liquidité à court terme. Notre offre interne est assez puissante et unique. Le "Merchant Banking", la branche du groupe Rothschild & Co consacrée aux actifs privés, propose une gamme de fonds spécialisés sur les marchés primaire et secondaire du capital investissement, ainsi que sur les marchés de la dette senior et de la dette junior. Les partners ainsi qu’une partie des fonds propres de Rothschild & Co sont investis dans les fonds maison : par exemple, sur le private equity, au total cela représente plus de 15 % de seed money et illustre un alignement d’intérêt fort du Groupe. Mais cela ne nous empêche pas d’avoir recours également à une douzaine de partenaires extérieurs. Grâce à la directive MiFID 2, nous offrons depuis 2018 des mandats de conseil en private equity et venons de lancer des mandats de gestion d’actifs non cotés dédiés.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Dans mon métier, en tant que manager, ce qui me passionne avant tout, c’est de développer le capital humain au sein de l’entreprise et d’accompagner la progression et la montée en compétence. Nous avons beaucoup grandi, avec un socle de management et une bonne stabilité des équipes, tout en recrutant de nouveaux collaborateurs pour continuer de diversifier notre culture. Ce métier allie trois composantes essentielles à mes yeux. Tout d’abord, il tourne principalement autour de l’entrepreneur qui est à la base du tissu économique. Nous avons affaire à des personnes physiques, aux cultures et expériences originales, sur leurs propres avoirs familiaux. C’est donc un métier très humain, dans lequel vous êtes challengé en permanence.

"Nous cultivons la sérénité"

Ensuite, l’expertise financière et macroéconomique se place au cœur de notre métier en ce qui concerne l’accompagnement de nos clients, car c’est la gestion financière qui demeure notre principale source de revenus. Enfin, le métier de banquier privé demande des compétences relationnelles, une grande empathie et une bienveillance certaine, afin de pouvoir être à l’écoute en interne et en externe. C’est pour cela que nous cultivons la sérénité. Lorsque les clients privés ont en face d’eux des personnes qui ne sont pas sereines, pour des raisons de gouvernance, de pression, de stress personnel, ils le ressentent. Et ça ne les rassure nullement. L’aspect humain est donc notable. Toutes nos valeurs tournent autour de la bienveillance, de l’empathie, du travail en équipe et de la force collective.

Enfin, j’ajouterai une quatrième composante : notre métier, telle une horloge, nécessite une organisation minutieuse et des process rigoureux. C’est une mécanique huilée qui doit allier au mieux, pour la qualité des services, les fonctions support, front et contrôle. Une banque privée agile doit pouvoir mettre en œuvre une transversalité entre ces trois fonctions.

Propos recueillis par Marc Munier

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