Bilan des créations de cabinets d’avocats : le retour à la normale
L’an dernier fut une période exceptionnellement riche en nombre de créations de cabinets d’avocats en France : le marché de la prestation juridique avait en effet accueilli 65 nouvelles structures. Cette année, soit entre le mois de juillet 2021 et le mois de juin 2022, seules 41 boutiques, tous modèles et toutes spécialités confondus, ont ouvert leurs portes. Éléments d’explication.
Baisse du nombre de créations de cabinets
Certes, cette diminution est importante, mais en réalité, on assiste à un retour à la normale : 16 créations de cabinets ont eu lieu en 2018, 30 en 2019 et 24 en 2020. L’élan impulsé par les confinements de la population à partir de mars 2020 est retombé. La crise sanitaire avait révélé des tensions entre associés, notamment dans les cabinets à la santé financière fragile. Les départs s’étaient enchaînés, parfois motivés par un objectif entrepreneurial. Depuis, le rythme des créations de cabinets a ralenti et il y a fort à parier que leur nombre sera encore légèrement en baisse lors du prochain bilan.
Variété des spécialités
Beaucoup de boutiques en contentieux, très peu en corporate/M&A. La tendance est à l’hyperspécialisation : secteur des transports, droit de la santé, des produits, contentieux des assurances et de la protection sociale. Quelques enseignes proposent un service plus global de contentieux des affaires ou de droit des sociétés, mais elles ne sont plus majoritaires comme par le passé. Dorénavant, les avocats exercent dans un premier temps au sein de maisons bien établies, se constituent une clientèle dans un secteur de niche, laquelle leur servira de socle pour créer par la suite leur propre structure. Les projets menés en groupe sont moins nombreux, ne rassemblant jamais plus d’une dizaine de personnes, de collaborateurs, d’assistants et de stagiaires. Cela est à mettre en lien avec une année blanche pour ce qui est de l’ouverture de bureaux de cabinets étrangers, le dernier datant de janvier 2021. Il s’agissait d’Addleshaw Goddard.
L'exception reste tout de même le lancement de Mermoz Avocats, qui réunit aujourd'hui 15 associés, 4 counsels et 22 collaborateurs. L'enseigne s'est d'abord lancée au fin d'année 2021 avant de fusionner avec HPML et ses 22 ans d'existence sur le marché. Une opération hors norme cette année.
Le corporate delaissé par les nouvelles boutiques
Le corporate/M&A a subi un important retour de bâton lors de la crise du Covid-19. Deux mois sans opérations de fusion ou de cession – à l’exception de celles menées grâce à des outils numériques, encore peu développés à l’époque au sein des cabinets – et de nombreux projets repoussés, décalés ou avortés. Il était alors plus prudent d’exercer dans un cabinet multiservice aux côtés d’associés en droit social par exemple.
Deux ans après, les conséquences sont directes sur les démarches entrepreneuriales des avocats : aucun cabinet créé n’affiche une spécialité en fusions-acquisitions. Ce phénomène devrait se poursuivre dans les prochaines années.
L’attrait des noms de marque
Les nouvelles boutiques ont rivalisé d’imagination dans la recherche de leur nom. Dix seulement portent le patronyme de leur(s) fondateur(s) ou utilisent un sigle (comme MG Avocats pour Martin Guérin ou CC&C pour Karim Chahine, Noémie Coutrot-Cieslinski et Maxime Cléry-Melin). Les noms de fantaisie sont en revanche plébiscités. Ils sont souvent issus d’un vocable anglo-saxon : Faith Avocats, Life Avocats, The Line Avocats, Talma Dispute Resolution. Les prénoms sont en vogue (Bianca Société d’Avocats, Claire & Dauphine) ainsi que les néologismes (Yooner Avocats, Voxius Avocats, Kellison, Valians Avocats…). Se référer à l’adresse du cabinet séduit encore et toujours quelques entrepreneurs (Le 12 et Michel-Ange cette année). La prochaine saison promet d’être créative !