Les 31 mars et 13 avril derniers, la Commission européenne a décidé de passer à la vitesse supérieure en développant son système de protection de ses indications géographiques : entre dépoussiérage et nouveautés, son objectif de consolider les acquis économiques découlant de la vente de produits certifiés sur le marché unitaire de l’UE est désormais plus que palpable.

Dans le cadre de la prochaine grande réforme de son système européen des indications géographiques (IG), la Commission européenne a récemment publié deux propositions de règlements : 

-  la première, le 31 mars 2022, sur une révision de la législation déjà existante en matière d’AOP et IGP agroalimentaires et vinicoles, ainsi qu’en matière d’indications géographiques pour les spiritueux, sans oublier les spécialités traditionnelles garanties (STG) et la mention "produit de montagne", laquelle est supposée permettre "d’accroître l’adoption des IG dans toute l’Union européenne et atteindre un niveau de protection plus élevé, en particulier sur le commerce en ligne" ;

- la seconde, le 13 avril 2022, sur une nouvelle indication géographique européenne pour les produits industriels et artisanaux, visant à consacrer, à l’instar de l’instrument français instauré par une loi du 17 mars 2014, une protection des produits manufacturés à l’échelle de l’UE.

Cette réforme s’inscrit dans la continuité d’une étude réalisée en 2020 sur les IG1, au terme de laquelle il a été constaté d’une part, que la valeur de vente d’un produit portant une dénomination protégée était en moyenne deux fois supérieure à celle de produits équivalents sans certification et d’autre part, que la valeur annuelle des ventes de produits protégés par des IG dépassait les 74 milliards d’euros annuels.

"La proposition de révision de la Commission  du 31 mars a pour objectif de renforcer et d’améliorer ce cadre tout en facilitant  la protection de produits  liés à leur lieu de production  par des caractéristiques ou  une réputation"

Ainsi, la protection collective au moyen d’une IG s’avère primordiale pour l’économie européenne puisqu’elle permet :

-  aux consommateurs de choisir en toute quiétude et de distinguer des produits de qualité ;

-  aux producteurs de mieux commercialiser leurs produits en bénéficiant de l’image de qualité attachée à l’IG ;

-  de lutter efficacement au sein de l’UE mais également dans les pays non membres avec lesquels un accord de protection spécifique a été signé contre toute utilisation abusive, imitation, usurpation et évocation de la dénomination enregistrée2 ;

-  de constituer un outil important dans les négociations commerciales entre l’UE et les pays tiers. En premier lieu, la proposition de révision de la Commission du 31 mars a pour objectif de renforcer et d’améliorer ce cadre découpé en trois règlements sectoriels, tout en facilitant la protection de produits liés à leur lieu de production par des caractéristiques ou une réputation. Elle est en outre marquée par cinq mesures principales :

Procédure d’enregistrement raccourcie et simplifiée

Une procédure unique et simplifiée d’enregistrement des IG pour les demandeurs de l’UE mais également des pays tiers verra le jour, en fusionnant les différentes règles techniques et procédurales. Cette unification permettra de raccourcir les délais habituellement longs entre le dépôt de la demande d’IG et son enregistrement, rendant son régime plus attrayant.

Amélioration significative de la protection des IG sur l’Internet

Le nouveau cadre devrait permettre le renforcement de la protection en ligne des IG, notamment en ce qui concerne les ventes sur des plateformes en ligne et la protection contre l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise foi des IG dans le système de nommage des noms de domaine.

Nouvelle valorisation possible en termes de durabilité

Les producteurs auront désormais la possibilité de valoriser leurs actions en matière de durabilité sociale, environnementale ou économique au sein même de leurs cahiers des charges, en figeant les exigences correspondantes. Cette nouveauté permettra de mieux protéger les ressources naturelles et les milieux ruraux souvent défavorisés économiquement, tout en préservant les variétés végétales, les races animales ainsi que le paysage de la zone de production. Elle s’avérera sans doute attractive pour les consommateurs souhaitant réduire leur impact environnemental.

Vers une reconnaissance  des groupements d’IG

Les États membres seront invités à reconnaître les groupements de producteurs labellisés IG qui en feront la demande. Ces groupements reconnus pourront ainsi gérer, faire appliquer et développer leur IG, en ayant par exemple accès aux autorités et aux services douaniers spécialisés dans la lutte contre la contrefaçon dans tous les États membres.

Transfert de compétences au profit de l’EUIPO

À l’heure actuelle, il existe une compétence partagée : les États membres sont chargés de recevoir les demandes d’IG européenne et de les transmettre à la Commission qui instruit les demandes d’enregistrement, de modification et d’annulation éventuelles. L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) fournira bientôt un soutien technique dans le processus de contrôle dans le but d’accélérer les procédures. En second lieu, la proposition de révision de la Commission du 13 avril a pour objectif de protéger les producteurs de produits industriels et artisanaux sur l’ensemble du territoire de l’UE et à l’international, en faisant bénéficier d’une IG leurs produits manufacturés :

-  originaires d’un lieu, région ou pays spécifique ;

-  dont une qualité, réputation ou autre caractéristique peut être essentiellement attribuée à l’origine géographique ;

-  et dont au moins une des étapes de production a lieu dans la zone géographique délimitée.

La procédure d’enregistrement aura lieu en deux temps : d’abord, les producteurs devront déposer leurs demandes d’IG auprès des autorités nationales compétentes et ensuite les demandes retenues seront adressées à l’EUIPO en vue d’une évaluation plus approfondie. À noter que pour les États membres ne disposant pas d’une procédure d’évaluation nationale, les demandeurs auront la possibilité de déposer directement leur dossier auprès de l’EUIPO.

À l’instar de la précédente proposition, les produits industriels et artisanaux certifiés bénéficieront d’une protection spéciale sur l’Internet et en matière d’enregistrement de noms de domaine. En substance, ces deux propositions s’inscrivent dans un processus de consolidation du marché européen, éminemment tourné vers le développement d’économies locales, dans la stricte garantie d’une production de qualité !

SUR LES AUTEURS. Guillaume Marchais et Philippe Martini-Berthon sont avocats associés au cabinet Marchais & Associés, dédié au droit de la propriété intellectuelle, qui intervient tant au stade des dépôts de marques et modèles en France et dans le monde qu’au stade des contentieux administratifs et judiciaires (actions en contrefaçon de brevets, marques, modèles, droit d’auteur, actions en concurrence déloyale, UDRP, URS) pour de grands groupes internationaux et PME.

1 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ ip_20_683

2 au titre notamment de l’Acte de Genève de l’Arrangement  de Lisbonne, auquel l’Union européenne a adhéré en 2019.

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