Le cabinet Betto Perben Pradel Filhol se consacre à la résolution de litiges internationaux majeurs, que ce soit en matière d’arbitrage, de contentieux commercial, de droit pénal des affaires ou d’affaires publiques. Particulièrement actifs sur le secteur de l’aéronautique, les associés du cabinet nous éclairent sur l’état du marché.

Décideurs. Quel est l’état actuel du marché de l’aéronautique ? Quels types de litiges sont nés avec la crise du ­Covid-19 ?

Gaëlle Filhol. L’aéronautique représente, et continuera de représenter sur le long terme, une part importante de l’économie mondiale et de l’économie française.

La crise sanitaire a évidemment affecté les ­acteurs de l’aéronautique, tout particulièrement ceux de l’aéronautique civile, tandis que les secteurs militaire et spatial ont été largement préservés. Le spatial connaît même une forte croissance et la concurrence privée qui s’y joue renforce sa résilience. 

En matière d’aéronautique civile, la crise a fait naître des problématiques évidentes de force majeure, dans des contrats, de fourniture notamment, qui ont cessé d’être exécutés du fait de la pandémie. Autre difficulté, avec la multiplication des procédures collectives, en particulier pour les PME bien plus lourdement touchées par la crise que les grands groupes, il a fallu gérer les suites de ces procédures collectives. D’ici quelques années, nous pourrons mesurer l’impact de la disparition de ces nombreux fournisseurs, notamment d’un point de vue concurrentiel.

À plus long terme, si l’on quitte le prisme Covid, le secteur s’ouvre à de nouveaux ­marchés, tout particulièrement celui des technologies propres qui occupent une place significative dans le dernier rapport du GIEC sur le réchauffement climatique.

Alexandre Reynaud. Les acteurs de l’aéronautique vont se concentrer sur le développement de ces nouveaux produits – l’avion zéro carburant, à hydrogène, électrique – et accorder une part importante à la recherche et au développement. Assez naturellement, des litiges devraient émerger de ces innovations. Ce secteur qui implique tant les avionneurs, les motoristes et une quantité de sous-traitants va être l’un des sujets phares des années à venir. Les États voulant diminuer leurs émissions de carbone vont encourager leurs industries nationales à être les pionniers de ces nouvelles technologies moins émettrices. Mais les financements publics vont faire apparaître d’autres difficultés. De nombreux litiges naissent régulièrement à l’issue d’un changement de cap d’une politique publique.

Dominique Perben, en ces temps difficiles, vous avez accepté d’être l’un des administrateurs de la nouvelle équipe dirigeante de Corsair, pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?

Dominique Perben. Je suis très attentif à ce que les destinations d’outre-mer puissent bénéficier d’une situation de concurrence suffisante. J’ai estimé que la disparition de Corsair serait assez négative pour ces territoires avec la mise en place d’un duopole voire d’un monopole dans certains cas. J’ai donc œuvré à la mise en place d’un plan de redressement de l’entreprise ce qui m’a amené à en devenir administrateur indépendant. La question aujourd’hui est de savoir si Corsair et les autres compagnies spécialisées dans l’outre-mer vont pouvoir supporter la deuxième crise sanitaire qui concerne les Antilles et la Guyane.

Vous accompagnez un État africain dans sa réflexion sur la création d’une compagnie aérienne nationale. Quels sont les enjeux pour votre client ?

Dominique Perben. La création d’une compagnie aérienne est d’une grande complexité compte tenu du caractère excessivement concurrentiel de ce domaine, des contraintes juridiques et réglementaires que cela implique, y compris sur le plan international et de la nécessité de mettre en place des systèmes de régulation sur le plan national.

Mon rôle est de cartographier le plus justement possible ces risques afin de permettre au client de bien les évaluer et de prendre une décision éclairée.

"En matière d’aéronautique civile, la crise a fait naître des problématiques évidentes de force majeure"

Le cabinet gère des crises internationales majeures pour des entreprises et des États. Comment traitez-vous les différents enjeux, notamment économiques et politiques, se greffant aux problématiques juridiques des dossiers ?

Alexandre Reynaud. Lorsque nous accompagnons des entreprises ou des États dans un litige de la plus haute importance, une relation de confiance se construit avec le client. Assez naturellement, cette relation évolue et nous pouvons nous voir confier une mission élargie : d’un travail sur un contentieux ou un arbitrage déterminé, nous pouvons être amenés à conseiller nos clients non seulement sur des problématiques purement juridiques, mais aussi sur des dossiers à caractère économique et stratégique impliquant l’exécutif ou la direction générale.

Gaëlle Filhol. Initialement, notre cabinet est très porté sur l’arbitrage. Depuis quelques années, notre objectif est de répondre à toutes les crises majeures et à l’ensemble des besoins de nos clients, notamment en matière de médiation, de droit pénal des affaires et d’affaires ­publiques.

Nos clients nous confient des dossiers sensibles de premier plan qui nécessitent que nous soyons en mesure d’élargir nos champs de compétences, notre réflexion et notre stratégie pour gérer tous les aspects d’une crise. Aujourd’hui, un différend ne se joue plus simplement dans les tribunaux et l’opinion publique et la pression médiatique peuvent parfois influer sur l’évolution d’un différend.

Martin Pradel. Par exemple, cette année, à côté de notre pratique habituelle de droit pénal des affaires, notre équipe pénale a consacré une part importante de son temps sur des affaires telles qu’une allégation de complicité de crime contre l’Humanité, dirigée contre une entreprise européenne, pour des faits intervenus au Moyen-Orient dans les années 1980, ou sur l’affaire du financement allégué de la campagne de Nicolas Sarkozy par la Libye, qui est  probablement l’une des affaires les plus sensibles et des plus exposées médiatiquement du moment. Nous avons également été actifs dans des contentieux d’associés à fort enjeu économique, ayant de sérieuses ­implications pénales.

Le secteur de l’aéronautique a été fortement touché par l’affaire de corruption d’Airbus. En quoi celle-ci constitue-t-elle une étape importante dans l’utilisation de la méthode des Red Flags ?

Martin Pradel. La méthode des Red Flags – ou méthode dite du “faisceau d’indices” – concerne initialement la conformité et n’a initialement pas été conçue pour s’appliquer à la matière contentieuse. En mai 2017, les juridictions françaises ont pour la première fois appliqué nommément cette méthode au contentieux d’arbitrage occasionnant des allégations de corruption. Dans une affaire Alstom, en 2018, la cour d’appel de Paris est allée jusqu’à énumérer ces Red Flags, points d’attention susceptibles de caractériser autant d’indices de corruption, pour en tirer la conclusion que si ces indices étaient suffisamment nombreux et convaincants, même en l’absence d’une preuve formelle de corruption, le pacte de corruption pouvait néanmoins être considéré comme ayant vicié le contrat initial. En la matière, nous sommes donc passés de l’ère de la preuve à l’ère des indices. L’affaire Airbus confirme ce mouvement qui inquiète certains professionnels du droit alors que notre tradition juridique est d’autant plus articulée autour d’une attente de preuve que l’allégation est infamante. L’arrêt Airbus du 15 septembre 2020 renforce encore ce mouvement, en ne limitant pas son raisonnement à la seule typologie d’indices énumérés dans les arrêts précédents, et que l’on avait retrouvé dans l’arrêt Alstom. Il donne ainsi au tribunal une très large latitude pour déterminer sa conviction sur l’existence de ces indices.

Image

Gaëlle Filhol et Alexandre Reynaud, Associés

Image

Dominique Perben et Martin Pradel, Associés

Prochains rendez-vous

02 octobre 2024
Sommet du Droit en Entreprise
La rencontre des juristes d'entreprise
DÉJEUNER ● CONFÉRENCES ● DÎNER ● REMISE DE PRIX

Voir le site »

02 octobre 2024
Rencontres du Droit Social
Le rendez-vous des acteurs du Droit social
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER  

Voir le site »

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024