La matière pénale-fiscale est actuellement en pleine mutation. Le pouvoir donné au juge pénal dans ce type de dossier est désormais appréhendé par les avocats sensibilisés au sujet. Les autorités fiscales et répressives communiquant entre elles, le contribuable fraudeur se trouve confronté à la dualité des procédures et à ses conséquences manifestement excessives.

Effet Covid-19, les opérations de contrôle et les procédures en cours après contrôle ont été suspendues du moins de mars 2020 au 30 juin 2020.

L’augmentation accrue des échanges entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire pour pénaliser l’infraction fiscale

En application des dispositions de l’article 101 du LPF, l’autorité judiciaire est contrainte de communiquer spontanément à l’administration fiscale toutes les informations qui pourraient avoir une incidence fiscale.

La Cour de cassation a rappelé que l’autorité judiciaire doit communiquer à l’administration fiscale toutes les pièces de nature à faire présumer une fraude fiscale ou une manoeuvre ayant eu pour objet ou pour finalité d’éluder l’impôt, et ce, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle, même terminée par un non-lieu.

Conformément aux travaux parlementaires de la loi du 4 avril 1926 portant création de nouvelles ressources fiscales, dont les dispositions de l’article L.101 du LPF sont issues, la Cour de cassation a jugé qu’est parfaitement régulière la transmission par le procureur de la République à l’administration fiscale :

  • - des éléments recueillis dans le cadre d’une enquête préliminaire (Cass.com, 14 avril 2021, n°19-23.230),
  • - des pièces obtenues régulièrement à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire internationale (Cass.com, 14 avril 2021, n°19-18.616).


La planification du contrôle fiscal par la communication automatique des informations entre l’Urssaf et l’administration fiscale

Codifiés à l’article L99 du LPF, les organismes de protection sociale communiquent à l’administration des impôts les faits susceptibles de constituer des infractions qu’ils relèvent en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs, d’une part, aux impôts et taxes en vigueur et, d’autre part, aux cotisations et contributions sociales.

La loi de finances pour 2021 est venue apporter deux extensions à ladite procédure de communication entre l’Urssaf et l’administration fiscale.

D’une part, l’article 185 de la loi de finances pour 2021, codifié à l’article L98 C du LPF, permet la mise en oeuvre de la communication annuelle automatique par l’Urssaf, avant le 30 juin de chaque année, à l’administration fiscale des éléments nécessaires à l’établissement et au contrôle des impositions dues par les travailleurs indépendants, et ce, quel que soit leur régime fiscal et social.

L’autorité judiciaire est contrainte de communiquer spontanément à l’administration fiscale toutes les informations qui pourraient avoir une incidence fiscale

D’autre part, l’article 186 de la loi de finances pour 2021, codifié à l’article L98 D du LPF, étend cette procédure de communication annuelle automatique aux éléments nécessaires à l’établissement et au contrôle de l’impôt sur le revenu des particuliers qui ont recours à l’emploi d’un employé à domicile et qui utilisent le chèque emploi service universel (Cesu) ou le dispositif Pajemploi, font appel à un organisme mandataire ou recourent à un organisme prestataire.

Les échanges entre les administrations peuvent être réalisés par voie électronique. Ces communications peuvent comporter le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques aux seules fins de la vérification par l’administration fiscale de la fiabilité des éléments d’identification des personnes physiques figurant dans les traitements de données relatives à l’assiette, au contrôle et au recouvrement de l’impôt sur le revenu.

L’obligation de déclarer ses coffres-forts à l’administration fiscale afin de lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment

En application de l’ordonnance du 12 février 2020 visant à renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Ord. n°2020-115, 12 février 2020), les articles 164 FB et suivants de l’annexe IV du Code général des impôts se sont vus modifiés par l’arrêté du 24 avril 2020 (A. n°ECOT2010494A, 24 avril 2020 : JO 6 mai 2020) en ce qui concerne les déclarations des comptes financiers des contribuables :

"Les déclarations d’ouverture, de modification et de clôture de comptes et de location des coffres-forts visées à l’article 164 FB sont souscrites dans le mois suivant les ouvertures, modifications, clôtures et locations de coffres-forts de comptes auprès du centre de services informatiques compétent.
Ces déclarations font l’objet d’un traitement informatisé dénommé Gestion du fichier des comptes bancaires et assimilés qui recense, sur support magnétique, l’existence des comptes et coffres-forts et porte à la connaissance des services autorisés à consulter ce fichier 1 la liste de ceux qui sont détenus par une ou plusieurs personnes physiques ou morales."

Ces dispositions sont modifiées afin d’insérer les coffres-forts dans les différentes déclarations. Hier, seules les banques partageaient ce secret avec leurs clients, dont 750 000 de particuliers.

Il y a fort à parier que l’aide financière perçue par l’intermédiaire du Fonds de solidarité va se transformer en un véritable cauchemar pour certains chefs d’entreprise

Dès septembre 2020, toute personne détenant un coffre-fort dans une banque sera donc inscrite dans le fichier des comptes bancaires (Ficoba). Ainsi, cette donnée sera communiquée et utilisée par l’administration fiscale et les autorités judiciaires qui n’auront plus aucun doute lors d’une perquisition pénale.

Pour les comptes déjà immatriculés au fichier des comptes bancaires (Ficoba), les établissements procèdent à l’ajout des données prévues au présent arrêté au plus tard en décembre 2024.

Quand les données du Fonds de solidarité sont communiquées à des fins de lutte contre le travail illégal

L’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 a créé le Fonds de solidarité à destination des entreprises touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. 

Dans la lutte contre le travail illégal, l’article 57 de la 3e Loi de finances rectificatives pour 2020 prévoit l’accès aux données relatives aux bénéficiaires et au règlement des aides versées par le Fonds de solidarité.

Conformément aux dispositions de l’article L113 du LPF, par dérogation au secret professionnel des agents de l’administration fiscale, des informations ou des données peuvent ainsi être transmises par ces derniers à d’autres organismes.

Il en va de même qu’en application de l’article L134 du LPF, les agents de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et ceux de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) peuvent communiquer et obtenir communication de tous documents ou renseignements utiles afin de lutter contre le travail illégal.

Il y a fort à parier que l’aide financière perçue par l’intermédiaire du Fonds de solidarité va se transformer en un véritable cauchemar pour certains chefs d’entreprise.

1Arrêté du 14 juin 1982, art. 4, (J. O. des 21 et 22).

 

LES POINTS CLÉS

  • • Près de 365 000 contrôles ont été menés (-17 % par rapport à 2019)
  • • Près de 7,79 Md€ encaissés en 2020. 
  • • 1 484 dossiers transmis à l'autorité judiciaire pour des faits d'escroquerie ou de fraude fiscale.
  • • 43 500 contrôles a posteriori concernant le versement du fonds de solidarité ayant entraîné le versement de 64 M€ d'indus entre avril 2020 et avril 2021.

 

SUR L'AUTEUR

Maître Mehdi-Emmanuel Jouini est avocat au barreau de Paris et Docteur en droit fiscal. Enseignant-chercheur en droit fiscal, maître Jouini a développé une activité et une expérience de haut niveau en matière de droit pénal fiscal concernant des dossiers complexes nécessitant une parfaite connaissance et maîtrise des procédures fiscales et pénales. C’est à ce titre qu’il collabore fréquemment avec de nombreux cabinets d’avocats en France et à l’étranger pour apporter son expertise en la matière.

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