Entreprises en difficulté : existe-t-il un effet d’aubaine ?
Les chiffres récoltés par les tribunaux de commerce ces six derniers moins sont riches d’enseignements. Sur la période allant du 1er janvier au 30 juin 2021, les radiations enregistrées sont en augmentation de plus de 27 % par rapport à la même période un an plus tôt. Ce sont les radiations volontaires, c’est-à-dire celles décidées non pas à la suite d’une procédure collective, du décès d’un dirigeant ou les radiations d’office, mais celles voulues par le chef d’entreprise lui-même, qui connaissent la plus forte hausse en volume (avec près de 17 000 fermetures supplémentaires en un an, soit + 32 %).
Selon le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, ce constat s’explique par le fait que les dirigeants d’entreprise qui faisaient face à des difficultés financières bien avant la crise ont profité de la période de respiration accordée par les mesures gouvernementales adoptées en réaction à la crise sanitaire pour prendre une décision radicale. "Les aides publiques ont été efficaces, permettant de préserver et même d’améliorer leur situation financière d’avant crise en se constituant un matelas de sécurité confortable. En ce premier semestre 2021, leurs dépôts bancaires surplombent ainsi les niveaux d’avant crise", explique le rapport du Conseil national. En d’autres termes, grâce au report des charges sociales et fiscales, à la suspension des poursuites de l’Urssaf et des paiements des loyers commerciaux, les patrons sont nombreux à choisir de mettre la clé sous la porte. Une décision volontaire qui s’explique aussi par la crainte d’une nouvelle vague de propagation du virus puisque les secteurs particulièrement concernés sont ceux de l’immobilier, du commerce et de la restauration, sensiblement exposés aux mesures restrictives de mouvements, auxquels s’ajoutent ceux des transports et du digital.
Puissante vague entrepreneuriale
Un autre effet d’aubaine a été relevé par les greffiers : les créations d’entreprise poursuivent leur très bonne dynamique constatée depuis 2020 dans les secteurs de la livraison et du e-commerce, avec un envol au cours du premier semestre 2021. Ces données doivent être couplées avec le niveau élevé du nombre des radiations dans ces secteurs, montrant que ces entreprises majoritairement individuelles (à environ 95 %) intensifient leur turnover.
C’est aussi l’occasion de confirmer le fait que la vague de défaillances d’entreprise annoncées par les économistes au début de la crise sanitaire n’est toujours pas présente. Deux chiffres sont à retenir : le nombre de créations de sociétés est en augmentation de 67,6 % entre 2020 et 2021 (et de 41 % par rapport à 2019) tandis que celui des ouvertures de procédures collectives est en chute de 16,4 % (et de 48 % sur deux ans). Le rapport du Conseil national parle de "puissante vague entrepreneuriale (…) déjouant les scénarios envisagés." Rien n’est annoncé cependant quant à la survenue de la vague de procédures collectives tant redoutée.