Le géant BNY Mellon IM s’appuie sur l’expertise de ses huit sociétés de gestion pour proposer de solides stratégies d’investissement. Sa directrice générale, Anne-Laure Frischlander, nous en parle.

Décideurs. Quelles sont vos perspectives pour les mois à venir ?

Anne-Laure Frischlander. La réouverture de l’économie, accélérée par l’annonce du vaccin, en octobre dernier a provoqué une rotation sectorielle. Si l’on excepte les incertitudes liées aux élections américaines et aux négociations du Brexit – deux sujets désormais derrière nous –, il y a peut-etre un excès d'optimisme. Pour autant, le scénario de sortie de crise que nous avions dessiné n’est pas remis en cause. Nous restons prudemment positifs. Un état d’esprit qui repose notamment sur les injections massives de liquidité réalisées par les banques centrales et les états, ainsi que sur l’épargne excédentaire accumulée par les investisseurs. Gardons également en tête le caractère très particulier de cette crise provoquée par la fermeture de l’économie sur décisions gouvernementales. Une crise qui n’est donc pas systémique comme en 2007. Aujourd’hui, les économistes soulignent le rebond de l’économie américaine et une reprise très nette en Chine et plus globalement en Asie. Des incertitudes, liées au retard de la vaccination, aux différents variants du virus ou encore aux nouveaux confinements en Europe pourront cependant décaler et atténuer la reprise du cycle économique. Mais ces difficultés ne seraient, à notre sens, que temporaire.

Compte tenu des anticipations des résultats qui repartent à la hausse, excepté dans certains secteurs survalorisés, les niveaux de valorisation ne sont pas forcément les plus hauts. De belles thématiques émergent, notamment celles des énergies renouvelables. Le programme « vert », tourné vers les investissements en infrastructures du nouveau Président américain et le retour aux accords de Paris auront un impact sur ces thématiques

Le sentiment de l’investissement responsable est-il ancré chez les investisseurs américains ?

Un intérêt grandissant s’observe pour l’investissement responsable même si cela ne se traduit pas encore sur le plan réglementaire au même niveau qu’en Europe Les critères ESG* représentent tout de même un tiers des 51 trillions de dollars investis par l’industrie de l’asset management aux États-Unis. Selon une étude Morningstar, plus de 70 % de la population américaine a exprimé un intérêt au minimum modéré pour un investissement sustainable.

"Nous apprécions notamment les valeurs qui bénéficieront de l’intégration de la blockchain dans leur business model" 

La demande sur ces thématiques s’est-elle accrue avec la crise de la même manière qu’en Europe ?

Nous avons noté une très forte demande en Europe avec des flux importants sur les fonds ESG. La mise en place de réglementations spécifiques (loi sur la transition énergétique, taxonomie européenne) y a grandement participé. Il y a clairement une incitation à la décarbonation des portefeuilles des investisseurs, ce qui n’est pas forcément encore le cas aux États-Unis, pays qui ne fait à ce jour pas partie des accords de Paris. De plus, la loi portant sur les fonds de pension votée sous la présidence de Donald Trump n’autorisait pas l’intégration de critères extra-financiers dans les choix d’investissement. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden pourrait cependant changer la donne. Celui-ci avait notamment déclaré lors de son discours d’investiture que le changement climatique constituait l’une de ses priorités. Un changement de réglementation incitera à faire de tels investissements. Un mouvement d’uniformisation de l’expertise ESG de l’Europe vers les États-Unis pourrait s’enclencher dans les prochains mois. Il permettrait alors au pays de l’Oncle Sam de rattraper son retard.

Vous avez lancé en 2020 le fonds BNY Mellon Sustainable Global Real Return Fund. Quels sont ses points de différenciation ?

Nous souhaitions répondre à une forte demande de la part des investisseurs pour les fonds d’investissements responsables. À l’origine, les investisseurs bénéficiaient de la stratégie Real Return – dont le succès est important - gérée par la société de gestion spécialisée Newton qui intègre nativement les critères ESG dans ses choix d’investissement. Nous sommes allés plus loin, tout d’abord en excluant les sociétés et secteurs pas compatibles avec les exigences environnementales, comme le tabac, les armes à munitions et nous sélectionnons les titres avec une meilleure notation en matière ESG. Nous intégrons par ailleurs des thématiques fortes comme le traitement de l’eau, la longévité, l’énergie verte ou encore la mobilité (électrification).

Comment la stratégie d’investissement « efficient beta » se traduit-elle dans la gestion de vos fonds obligataires ? Quelle est sa valeur ajoutée ?

Sur certaines classes d’actifs fixed income, battre l’indice s’avérait compliqué en raison des coûts de transaction élevés. Cette stratégie, sur une innovation quantitative où les équipes est l’une des pionniers, cherche donc à construire un panier de titres qui répliquera le comportement de l’indice en évitant les coûts de transaction élevés. Le beta sera plus efficient et moins coûteux, et permet de s’exposer à l’indice tout en offrant de bonnes conditions financières. Il s’agit d’une offre qui fonctionne bien sur le high yield, la dette émergente et l’investment grade. Nous avons crée plus récemment des stratégies sur les fallen angels, c’est-à-dire les titres venant de passer de l'investment grade au high yield qui sont souvent sous-valorisés dans les douze à vingt-quatre mois, la raison étant que de nombreux gérants ou d’ETF sont forcés à vendre ces titres venant d’être décotés. Or, forces sales font souvent baisser artificiellement le prix de ces fallen angels alors que ces valeurs offrent souvent un momentum de reprise assez bon.

"Il y a, en Europe, une incitation à la décarbonation des portefeuilles" 

Les investisseurs ont dû composer avec une forte dispersion sectorielle en 2020, certains secteurs se sont effondrés quand d’autres ont su tirer profit de cette crise, comme ceux des nouvelles technologies, du digital, du e-commerce notamment. BNY Mellon montre à cet égard un grand intérêt pour les investissements autour de la blockchain. Pour quelles raisons ?

C’est l’une des révolutions technologiques actuelles. La blockchain améliore la production dans un grand nombre de secteurs d’activité. L’idée est d’investir sur des valeurs qui bénéficieront de l’intégration de la blockchain dans leur business model. Cette thématique peut créer de la disruption.

La technologie blockchain est déjà utilisée dans de nombreux domaines, notamment les services financiers, la santé, la gestion des chaînes d’approvisionnement et la sécurité alimentaire, et d’autres usages sont actuellement à l’essai dans des secteurs très variés comme les beaux-arts avec le stockage de certificats d’authenticité sur des systèmes blockchain permet de réduire très considérablement les contrefaçons d’œuvres d’art. D’autres thèmes d’investissement nous intéressent et nous avons récemment lancé plusieurs fonds thématiques dont le BNY Mellon Smart Cures Innovation Fund, qui porte sur la thérapie génique (en utilisant par exemple l’acide ribonucléique ou ARN) et son impact sur l’environnement de la santé.

Quelles sont les principales nouveautés attendues en 2021 pour BNY Mellon ?

Nous mettons l’accent sur les fonds thématiques et voulons accélérer notre stratégie ESG avec Insight sur l’impact crédit. Sur la partie institutionnelle, nous sommes en levée de fonds sur la dette privée. Les taux bas renforcent l’attrait pour cette classe d’actifs.

*Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance

Propos recueillis par Émilie Zana et Aurélien Florin      

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