Par Jean-Benoît Cottin, avocat, Capstan Avocats


« Le désir d'égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l'égalité est plus grande »

(A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1840)


Depuis les années 2000, la Cour de cassation a affirmé un principe d'égalité de traitement entre salariés, conduisant selon elle le chef d'entreprise à devoir, en matière d'octroi d'un avantage particulier, traiter tous les salariés de la même façon, s'ils sont dans une situation identique au regard de l'avantage considéré. Une différence de traitement était néanmoins admise si elle reposait sur des « raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». La différence de catégories professionnelles n'était donc pas en soi une justification suffisante, y compris lorsque la différence de traitement contestée trouvait son fondement dans un accord collectif, c'est-à-dire avait fait l'objet d'une négociation entre partenaires sociaux. C'est ainsi, selon la jurisprudence, que cadres et non-cadres devaient avoir le même nombre de jours de repos, ou qu'un avocat salarié pouvait prétendre au bénéfice de tickets restaurant si sa secrétaire y avait droit.

Répondant à de vives critiques, la Cour de cassation avait un peu fait évoluer sa jurisprudence en 2011 et avait admis que les conditions d’exercice des fonctions, l’évolution de carrière ou les modalités de rémunération pouvaient justifier des différences. Les juges étaient alors invités à rechercher quels motifs pouvaient avoir conduit les partenaires sociaux à avantager telle ou telle catégorie professionnelle, pour ensuite, selon le cas, valider, ou invalider les stipulations en cause.

Plusieurs arrêts en date du 27 janvier 2015 (voir notamment Cass. soc., 27 janvier 2015, n°13-22179) mettent un terme à ces contorsions en considérant que, par principe, les différences de traitement négociées sont licites (un écho à la formule du philosophe Alfred Fouillée : « qui dit contractuel, dit juste » ?) : la charge de la preuve est inversée et c'est à celui qui conteste le bien-fondé des différences de traitement de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La Cour de cassation souligne dans son communiqué de presse qu'elle a été sensible à ce que l'employeur pouvait parfois être amené à justifier des différences de traitement organisées à un niveau le dépassant (accord de branche par exemple), ce qui était difficilement compréhensible et admissible. De manière notable, la Haute Juridiction souligne la légitimité des organisations syndicales à défendre les droits et intérêts des salariés, de sorte que le contrôle judiciaire sur le contenu des accords doit être restreint.

Les arrêts du 27 janvier posent néanmoins deux difficultés :

- le communiqué de presse précise que les différences de traitement entre catégories professionnelles présumées justifiées sont celles « qui ont un support légal et entre lesquelles le législateur lui-même opère des différences ». Cette précision ne figure pas dans l’arrêt et présente un caractère plutôt flou : qu'est-ce qu'une catégorie professionnelle ? En quoi diffère-t-elle d’une différence de statut juridique, pour laquelle une différence de traitement n’est pas admise (voir le même jour : Cass. soc., 27 janvier 2015, n°13-17.622)?

- à suivre la solution énoncée, les différences de traitement organisées unilatéralement par l’employeur ne semblent pas bénéficier de la présomption de justification désormais applicable aux accords collectifs.

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