Malgré plusieu vagues de départs d’associés, l’ititution française du droit reste sur le devant de la scène juridique, ressoudée depuis 2001 autour d’une équipe dirigeante dynamique et ambitieuse.

Malgré plusieurs vagues de départs d’associés, l’institution française du droit reste sur le devant de la scène juridique, ressoudée depuis 2001 autour d’une équipe dirigeante dynamique et ambitieuse. Les résultats de la nouvelle stratégie sont pour le moins probants : JeantetAssociés attire les talents, avec l’arrivée de onze nouveaux associés depuis 2008 et l’ouverture imminente d’un bureau à Casablanca.

Né en 1924, JeantetAssociés est un cabinet que l’on peut sans difficulté qualifier d’historique. Et comme toute histoire a ses anecdotes, la firme française n’échappe pas à la règle. Fernand-Charles Jeantet n’a pas fondé JeantetAssociés. Du moins, il ne l’a pas fondé seul.

Un cabinet historique

Le cabinet trouve ses origines auprès de Pierre Lepaulle, premier avocat français à obtenir, en 1922, le Scientiae Juridicae Doctoris à Harvard. À son retour de Boston, il crée en France une firme spécialisée en droit international, créneau qui n’en est alors qu’à ses balbutiements.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Lepaulle est rapidement rejoint par Fernand-Charles Jeantet, lui-même professeur à la prestigieuse Harvard Law School. Ce dernier avait une vocation plus générale pour le droit des affaires, et c’est dans le domaine du droit de la concurrence qu’il s’est plus particulièrement distingué. Fernand-Charles Jeantet est en effet l’un des pères de l’Ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix, texte fondateur du droit économique et du droit de la concurrence en France.
À ce titre, et dans le cadre du Plan Marshall, le cabinet devient le conseiller privilégié d’entreprises américaines souhaitant s’implanter en France et en Europe. JeantetAssociés travaille ainsi, durant plus de trente ans, pour des groupes comme Kodak et Coca-Cola. L’association de ces deux hommes de marque contribue à hisser le cabinet au rang d’incontournable sur le marché français du droit des affaires. Mais pas seulement : forts de leurs expériences respectives, les deux associés sont également très actifs dans la construction du droit communautaire, un secteur du droit dans lequel Jeantet est encore très présent aujourd’hui, avec quatre associés dédiés à cette activité.

Dès les années 1960, le savoir-faire et la marque Jeantet s’ancrent un peu plus sur le marché français, avec des associés de prestige souvent issus du monde universitaire et du milieu politique.

 

Années 1980 : l’affirmation d’un géant français

À partir des années 1980, la firme se développe très vite, notamment à l’international, autour d’associés comme Roger L’Eleu, spécialiste du corporate, Georges Terrier, ancien directeur juridique et fiscal de GoodYear, Gérard Mazet, expert en M&A, ou encore Claude Lazarus, grand nom de l’antitrust.
Comme le souligne l’associé codirigeant Philippe Portier, « Plus des deux tiers de l’activité du cabinet étaient alors constitués d’opérations internationales. Les associés de l’époque ont donc souhaité un rééquilibrage de la clientèle, et se sont tournés vers les institutions françaises grâce à la vague de privatisations que connaissait la France ».
De 1986 à 1993, le cabinet participe à la majorité des privatisations, conseillant tour à tour Renault, Thomson ou encore Rhône-Poulenc lors de sa fusion médiatique avec le groupe pharmaceutique allemand Hoechst qui a donné naissance à Aventis. Commence alors une période de croissance exponentielle pour la firme.

Yvon Dréano, co-managing partner depuis 2001, se souvient de son arrivée en 1989 : « Jeantet était un véritable cabinet full service avec des avocats multifacettes, intervenant aussi bien pour des transactions financières d’envergure internationale que pour des cessions de fonds de commerce ou des crédits-bails ». La structure avait, par ailleurs, contribué à modéliser le crédit-bail en France, sur le modèle américain du leasing, grâce au recrutement d’avocats souvent inscrits au Barreau de New York, comme Philippe Portier.

JeantetAssociés devient alors un géant français, comptant près de 130 avocats et ouvrant des bureaux à New York, Londres, Bruxelles et Varsovie.
Le cabinet intègre également l’Alliance of European Lawyers, réseau quasi intégré créé à son initiative en 1990 et exclusivement composé de cabinets d’Europe occidentale, réunis au sein d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE). Malgré cette concentration géographique, les différences culturelles, et donc les différences d’approche de dossiers, se font rapidement ressentir. Ce cercle devient pour l’essentiel un atout marketing qui permet au cabinet de bénéficier de partenariats de qualité sur tout le territoire européen.
Parallèlement, JeantetAssociés confirme en France son rang de leader dans les domaines des opérations de « haut de bilan » et de contentieux d’affaires.

 

Les années sombres : le prix de la croissance subie

Le cabinet croît rapidement mais paie douloureusement le prix de cette croissance malheureusement insuffisamment structurée. L’arrivée massive des Anglais sur la place de Paris à la fin des années 1990, puis celle des Américains, très organisés, bouleverse une nouvelle fois le marché du droit français, dans le contexte plus général de la globalisation. La firme connaît ses années les plus sombres.
Faisant le choix de l’indépendance, JeantetAssociés se retire en 1998 de l’Alliance, dont la mission originelle a été, regrette Yvon Dréano, « dénaturée par l’arrivée d’un cabinet britannique, poussant les membres du réseau à fusionner ».
Peu après, le cabinet est une nouvelle fois l’objet des convoitises d’une firme anglo-saxonne : White & Case. Les négociations relatives à une fusion avec la US law firm, qui dureront près d’un an, se solderont par le choix de l’indépendance. Non sans conséquences. Le cabinet français connaîtra une vague de départs d’associés historiques.

 

Années 2000 : renaissance et indépendance

Une nouvelle équipe dirigeante, composée de Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié, associée en charge du département droit de la concurrence et droit communautaire, de Philippe Portier et d’Yvon Dréano, membres du pôle corporate, ouvre la voie à une nouvelle période de croissance, sous le regard mobilisateur d’un vétéran du cabinet, Georges Terrier.
Les managing partners, tous cooptés associés dans le milieu des années 1990, prennent conscience de la nécessité de réorganiser le cabinet. Philippe Portier souligne : « Jeantet est né indépendant. Et l’avantage d’un cabinet indépendant n’est-il pas son adaptabilité au marché ? Nous nous sommes largement inspirés de ce constat pour développer nos axes stratégiques » et entamer une nouvelle phase de croissance, qualitative et managériale cette fois. Il ajoute : « les directeurs juridiques des grandes entreprises ont pris du poids au niveau économique, ils connaissent de mieux en mieux le marché et veulent s’associer à des signatures. Il nous fallait faire valoir cette griffe Jeantet ».

 

Objectif : réaffirmer la signature Jeantet

Dès 2000, le conseil de gérance lance donc une nouvelle stratégie, largement empreinte d’une culture d’entreprise. La taille du cabinet est rationalisée - le socle Jeantet repose alors sur 70 avocats - et un nouveau ratio collaborateurs/associé est développé. Chaque associé est désormais responsable d’une équipe de 2 à 3 collaborateurs et intervient dans un ou plusieurs domaines d’activité. La transversalité est de mise. Mais surtout, le rôle des associés est revu : le senior partner devient aujourd’hui un véritable stratège au sein de la firme, voué au développement et à l’encadrement des équipes. Le flambeau passe aux collaborateurs qui voient leurs responsabilités s’accroître rapidement, travaillant sur des dossiers intéressants.
En parallèle, le bureau de New York est fermé, après ceux d’Europe de l’Est, à la fin des années 1990.
Si les efforts sont payants - Jeantet voit son chiffre d’affaires augmenter de manière constante - le cabinet fait face à de nouveaux départs.
La première vague a lieu en 2007 et c’est l’un des associés historiques du cabinet, George Terrier, qui quitte le navire pour rejoindre le bureau parisien de l’américain Davis Polk. L’associé star du contentieux est accompagné de Christophe Perchet, alors jeune associé montant en M&A. Un an plus tard, une douzaine d’avocats, parmi lesquels six associés (Dominique Godet, Jean-Maurice Gaillard, Bruno Solle, Fabrice Maraux, Chloé Thiéblemont et Eric Labro), partent créer ensemble une nouvelle structure de droit des affaires.
Malgré ces départs, généralement causés par des divergences quant à la stratégie de croissance souhaitée par le cabinet, et malgré un contexte plus général de crise, JeantetAssociés poursuit donc son développement avec un seul mot d’ordre : la croissance maîtrisée.

 

2008-2009 : des recrutements de poids

En termes de pôles de compétence, JeantetAssociés continue de centrer sa stratégie sur des opérations à haute valeur ajoutée. Philippe Portier développe : « les cabinets français ont une véritable carte à jouer face aux concurrents anglo-saxons. Celle de la créativité et de la technicité ».
L’activité reste principalement orientée vers le transactionnel et le contentieux d’affaires, mais aussi, tradition oblige, sur le droit de la concurrence (un pôle très actif dirigé par Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié) et le droit communautaire, désormais sous l’impulsion de Noëlle Lenoir, arrivée en 2009.
En 2009 également, le pôle est renforcé par l’arrivée d’un jeune associé, Florent Prunet, précédemment chez Brandford-Griffith & Associés. « Un retour aux sources, précise Philippe Portier, car Florent a commencé sa carrière chez Jeantet dans les années 1990 ».
Jeantet, soucieux de capitaliser sur son expertise historique en M&A et Banque et finance, a par ailleurs renforcé cette compétence avec les arrivées, ces deux dernières années, des associés Frank Martin Laprade, Philippe Matignon, Valérie Tandeau de Marsac et Alexandre Tron.
Autre renforcement important : l’arrivée de sept collaborateurs experts en droit social menés par l’associé Patrick Thiébart, ex-Franklin. L’équipe sociale est désormais complète, autour de Jean Néret - qui intervient surtout dans le cadre de contentieux complexes - et de Patrick Thiébart, spécialiste des plans sociaux. 

En parallèle, le cabinet complète son approche sectorielle et métiers. Cela commence avec l’arrivée, en janvier 2010, des associés Martine Samuelian et Guillaume Berruyer. Précédemment chez FTPA, le duo est venu créer un nouveau département dédié aux institutions et aux services financiers, épaulé par Dominique Léger, senior of counsel, ancien directeur général d’HSBC France. Philippe Portier explique : « La crise a apporté son lot de nouvelles réglementations, tout particulièrement dans le milieu bancaire. Ce nouveau pôle vient compléter les compétences du cabinet à la fois en conseil et en contentieux réglementaires pour la banque et la finance, en réponse à une demande croissante de nos clients dans ce domaine, après un ralentissement dans les années 2000 ».

La firme française renoue donc avec la croissance, mais également avec la tradition en accueillant l’ancien bâtonnier Yves Repiquet, venu muscler les compétences du cabinet en droit pénal des affaires et Gérard Fohlen-Weill, ancien magistrat au commerce et ex-Natixis, récemment arrivé en qualité de senior of counsel.

Si les arrivées se suivent, elles ne se ressemblent pas : tous les secteurs d’activités sont concernés. En tout cas, le développement se fait sur la base d’une approche en cherry-picking. Philippe Portier résume : « pour certains, Jeantet ne croît pas assez rapidement. Nous, nous préférons privilégier l’accueil d’avocats qui adhèrent à notre vision du métier d’avocat, à la culture du cabinet et à ses projets ». Notamment à ses projets internationaux.

 

Une ambition internationale accrue

Depuis la décision du retrait de l’Alliance en 1998, JeantetAssociés a dû reconstituer son tissu de relations internationales. Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié, Philippe Portier et Yvon Dréano, avec l’aide des associés Thierry Brun (Europe/Amériques), Jean-François Adelle (Extrême-Orient) ou Thierry Auriol (Afrique et Moyen-Orient), ont su renouer de fortes relations avec des cabinets de prestige. En 2008, Jeantet a par ailleurs intégré le non moins prestigieux Club des Abogados, regroupant notamment les plus grandes firmes d’Amérique du Sud, comme le brésilien Pinheiro Neto.
Le rayonnement francophone reste toutefois la priorité du cabinet. Depuis plus de dix ans déjà, le bassin méditerranéen intéresse tout particulièrement le cabinet dans sa stratégie de développement de compétences.
Plus loin, l’Afrique et le Moyen-Orient permettent à Jeantet de se positionner sur le marché de l’énergie et des ressources naturelles, une activité historique du cabinet, menée par l’associé Thierry Lauriol.

Les domaines de l’immobilier et des télécoms sont également porteurs sur ces nouveaux marchés. Le cabinet devrait donc développer de nouveaux objectifs métiers dans un avenir proche avec, éventuellement, l’arrivée prochaine d’un associé expert en immobilier afin de mieux structurer l’offre du cabinet dans ce domaine.
De même, en interne, plusieurs « desks » dédiés à des marchés étrangers et émergents ont vu le jour.
Entre départs et arrivées, le conseil de gérance de Jeantet a su trouver un équilibre entre tradition et modernité, entre croissance et prudence. Pendant près de dix ans, le cabinet a affiché un effectif stable de 70 avocats.
 

Aujourd’hui, l’équipe en regroupe 80. « Cela n’était pas arrivé depuis dix ans », souligne Philippe Portier, « notre prochain objectif est de dépasser le cap symbolique des 100 avocats ». Désormais, grâce à des ressources maîtrisées, la structure française peut afficher l’ambition de se développer, en taille d’abord, et à l’international ensuite. « Toujours de façon prudente et cohérente », tempère Philippe Portier. Les leçons du passé ont été assimilées.
Prochain défi pour JeantetAssociés : anticiper l’évolution des conditions de concurrence avec les firmes internationales, en pleine restructuration après la crise, développer un véritable « esprit français » et continuer de se rapprocher des grands groupes français et des institutions étatiques. 

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