Le cabinet indépendant Nomos est de ceux qui ont une vision d’avenir. Afin de préparer la transition vers la génération suivante, les fondateurs et l’ensemble des associés ont choisi de créer la fonction de managing partner, une première pour ce cabinet. Entretien avec Hélèna Delabarre, managing partner, et Christophe Pecnard, co-fondateur.
H. Delabarre (Nomos): «Nous devons assurer la transition»
Décideurs. Le cabinet vient de créer le poste de managing partner. Comment vous organisiez-vous par le passé ?
Christophe Pecnard. Depuis la création du cabinet et jusqu’à maintenant, l’ensemble des associés décidait collégialement de l’organisation et de la stratégie. Chacun d’eux avait en charge un volet de gestion et nous nous réunissions régulièrement pour trancher les questions essentielles. Aucun chef, aucune fonction de direction, ce qui induisait que chaque associé était toujours impliqué dans la bonne marche du cabinet.
Décideurs. Pourquoi avoir décidé d’évoluer ?
Héléna Delabarre. Notre organisation antérieure, très décentralisée, a bien fonctionné pendant plus de quinze ans. La crise actuelle et l’évolution de la relation client nous ont toutefois amené à revoir ce modèle afin de mieux gérer la situation présente et de préparer l’avenir. Les fondateurs sont toujours là mais nous devons assurer la transition vers les associés plus jeunes et cela doit être organisé suffisamment en amont.
C. P. Notre structure est très atypique puisque, parmi les dix associés actuels, tous sont soit fondateurs soit anciens collaborateurs de Nomos. C’est également le cas de Virginie Delestre, qui nous a rejoints dernièrement pour renforcer le pôle social. Avant de créer son propre cabinet, Virginie était collaboratrice chez nous. Nous sommes donc sereins quant à la transmission aux jeunes associés qui adhèrent à la culture et aux valeurs Nomos. Il n’y a pas de risque de rupture.
Décideurs. Comment voyez-vous le poste de managing partner ?
H. D. Nous ne créons pas une fonction de chef car cela ne nous ressemble pas. Le managing partner doit donner l’impulsion, prendre le temps de réfléchir aux sujets stratégiques, organiser, informer, faire le lien avec la collectivité des associés qui peut s’exprimer sur tous les sujets et en toute liberté lors de nos réunions ou groupes de travail. Il ou elle doit aussi permettre des actions plus rapides. Tout cela est également important pour attirer les meilleurs talents.
Décideurs. Vous faites donc évoluer votre stratégie de croissance et souhaitez accueillir des associés externes ?
H. D. C’est effectivement un moyen de développer que nous ne pouvons plus ignorer. Notre objectif immédiat est de renforcer le corporate-M&A par des recrutements ciblés.
Décideurs. Quels sont vos premiers chantiers ?
H. D. Tout d’abord, améliorer la rentabilité. La crise et l’évolution de la relation client ont vu se développer des modes de facturation alternatifs (abonnements, forfaits, détachements, budgets, etc.) qui rendent plus difficile le maintien de la rentabilité nécessaire au développement. Nous devons mettre en place des outils et process qui nous alertent, par exemple, lors d’un dépassement du forfait ou du budget. Car une fois la prestation fournie, nous savons tous que la renégociation n’est souvent plus possible.
C. P. Nous avons fait le constat qu’à périmètre de production constant et avec une expertise toujours haut de gamme, notre chiffre d’affaires a diminué. Nous ne ferons pas le choix de dégrader la qualité de nos services, qui correspond à l’attente de notre clientèle également haut de gamme, mais allons mieux nous organiser.
H. D. Nous allons par exemple assurer une meilleure adéquation entre les ressources et les attentes du client. Des recrutements d’avocats juniors permettent de ne pas charger les seniors avec des tâches simples. Mais nous devons également devoir apprendre à dire non lorsque les attentes du client sont déraisonnables concernant le prix.
Un autre sujet de travail est le statut des collaborateurs seniors. Tous nos collaborateurs bénéficient déjà de primes pour les clients qu’ils apportent au cabinet. Mais le statut des seniors, dont certains ne souhaitent pas ou ne peuvent pas devenir associés, nous amène à réfléchir à d’autres types d’intéressement. Nous réfléchissons aussi à la structure de la gouvernance avec l’idée de créer un comité de gérance et un comité des rémunérations. Ce dernier point est lui-même en chantier avec l’instauration d’une meilleure clarté et plus d’intéressement à la performance pour éviter les frustrations.
Décideurs. Comment concilier managing partner et associée ?
H. D. En essayant de prioriser les tâches et en acceptant de se faire aider par d’autres, collaborateurs seniors et/ou associés de l’équipe. A priori, la fonction de managing partner m’occupe beaucoup actuellement parce qu’il s’agit d’une création et qu’il y a beaucoup de sujets importants à traiter cette année. Ce sera peut-être moins dans quelques mois lorsque l’organisation sera totalement mise en place.
Décideurs. Avez-vous envisagé de confier cette tâche à un professionnel de la direction d’entreprise ?
C. P. Nous avons réfléchi à cette question puisque par le passé, certains d’entre nous ont exercé dans des structures dirigées par des non-avocats. Ce n’est pas une idée que nous rejetons en soi puisqu’elle permet de concilier une bonne gestion du cabinet avec des avocats entièrement consacrés à leur métier. Cependant, il nous a semblé que pour la création de cette fonction, c’était trop tôt. Pour la mise en place de cette nouvelle organisation, il est préférable que ce soit un associé. C’est déjà une petite révolution !
Décideurs. Être une femme est-il un atout ?
H. D. Contrairement au discours ambiant, je ne crois pas qu’une femme soit par nature mieux à même d’exercer des fonctions de direction qu’un homme. Je serai peut-être plus sensible à certaines questions comme le statut des collaboratrices seniors (encore que c’est une préoccupation que mes associés partagent chez Nomos). Dans un cabinet où la moitié des associés sont des femmes, la parité n’est pas un sujet, c’est naturel. Nous avons bien sûr conscience de l’effet marketing de cette situation mais cela ne résulte d’aucune décision de notre part.
Propos recueillis par Pascale D'Amore
Christophe Pecnard. Depuis la création du cabinet et jusqu’à maintenant, l’ensemble des associés décidait collégialement de l’organisation et de la stratégie. Chacun d’eux avait en charge un volet de gestion et nous nous réunissions régulièrement pour trancher les questions essentielles. Aucun chef, aucune fonction de direction, ce qui induisait que chaque associé était toujours impliqué dans la bonne marche du cabinet.
Décideurs. Pourquoi avoir décidé d’évoluer ?
Héléna Delabarre. Notre organisation antérieure, très décentralisée, a bien fonctionné pendant plus de quinze ans. La crise actuelle et l’évolution de la relation client nous ont toutefois amené à revoir ce modèle afin de mieux gérer la situation présente et de préparer l’avenir. Les fondateurs sont toujours là mais nous devons assurer la transition vers les associés plus jeunes et cela doit être organisé suffisamment en amont.
C. P. Notre structure est très atypique puisque, parmi les dix associés actuels, tous sont soit fondateurs soit anciens collaborateurs de Nomos. C’est également le cas de Virginie Delestre, qui nous a rejoints dernièrement pour renforcer le pôle social. Avant de créer son propre cabinet, Virginie était collaboratrice chez nous. Nous sommes donc sereins quant à la transmission aux jeunes associés qui adhèrent à la culture et aux valeurs Nomos. Il n’y a pas de risque de rupture.
Décideurs. Comment voyez-vous le poste de managing partner ?
H. D. Nous ne créons pas une fonction de chef car cela ne nous ressemble pas. Le managing partner doit donner l’impulsion, prendre le temps de réfléchir aux sujets stratégiques, organiser, informer, faire le lien avec la collectivité des associés qui peut s’exprimer sur tous les sujets et en toute liberté lors de nos réunions ou groupes de travail. Il ou elle doit aussi permettre des actions plus rapides. Tout cela est également important pour attirer les meilleurs talents.
Décideurs. Vous faites donc évoluer votre stratégie de croissance et souhaitez accueillir des associés externes ?
H. D. C’est effectivement un moyen de développer que nous ne pouvons plus ignorer. Notre objectif immédiat est de renforcer le corporate-M&A par des recrutements ciblés.
Décideurs. Quels sont vos premiers chantiers ?
H. D. Tout d’abord, améliorer la rentabilité. La crise et l’évolution de la relation client ont vu se développer des modes de facturation alternatifs (abonnements, forfaits, détachements, budgets, etc.) qui rendent plus difficile le maintien de la rentabilité nécessaire au développement. Nous devons mettre en place des outils et process qui nous alertent, par exemple, lors d’un dépassement du forfait ou du budget. Car une fois la prestation fournie, nous savons tous que la renégociation n’est souvent plus possible.
C. P. Nous avons fait le constat qu’à périmètre de production constant et avec une expertise toujours haut de gamme, notre chiffre d’affaires a diminué. Nous ne ferons pas le choix de dégrader la qualité de nos services, qui correspond à l’attente de notre clientèle également haut de gamme, mais allons mieux nous organiser.
H. D. Nous allons par exemple assurer une meilleure adéquation entre les ressources et les attentes du client. Des recrutements d’avocats juniors permettent de ne pas charger les seniors avec des tâches simples. Mais nous devons également devoir apprendre à dire non lorsque les attentes du client sont déraisonnables concernant le prix.
Un autre sujet de travail est le statut des collaborateurs seniors. Tous nos collaborateurs bénéficient déjà de primes pour les clients qu’ils apportent au cabinet. Mais le statut des seniors, dont certains ne souhaitent pas ou ne peuvent pas devenir associés, nous amène à réfléchir à d’autres types d’intéressement. Nous réfléchissons aussi à la structure de la gouvernance avec l’idée de créer un comité de gérance et un comité des rémunérations. Ce dernier point est lui-même en chantier avec l’instauration d’une meilleure clarté et plus d’intéressement à la performance pour éviter les frustrations.
Décideurs. Comment concilier managing partner et associée ?
H. D. En essayant de prioriser les tâches et en acceptant de se faire aider par d’autres, collaborateurs seniors et/ou associés de l’équipe. A priori, la fonction de managing partner m’occupe beaucoup actuellement parce qu’il s’agit d’une création et qu’il y a beaucoup de sujets importants à traiter cette année. Ce sera peut-être moins dans quelques mois lorsque l’organisation sera totalement mise en place.
Décideurs. Avez-vous envisagé de confier cette tâche à un professionnel de la direction d’entreprise ?
C. P. Nous avons réfléchi à cette question puisque par le passé, certains d’entre nous ont exercé dans des structures dirigées par des non-avocats. Ce n’est pas une idée que nous rejetons en soi puisqu’elle permet de concilier une bonne gestion du cabinet avec des avocats entièrement consacrés à leur métier. Cependant, il nous a semblé que pour la création de cette fonction, c’était trop tôt. Pour la mise en place de cette nouvelle organisation, il est préférable que ce soit un associé. C’est déjà une petite révolution !
Décideurs. Être une femme est-il un atout ?
H. D. Contrairement au discours ambiant, je ne crois pas qu’une femme soit par nature mieux à même d’exercer des fonctions de direction qu’un homme. Je serai peut-être plus sensible à certaines questions comme le statut des collaboratrices seniors (encore que c’est une préoccupation que mes associés partagent chez Nomos). Dans un cabinet où la moitié des associés sont des femmes, la parité n’est pas un sujet, c’est naturel. Nous avons bien sûr conscience de l’effet marketing de cette situation mais cela ne résulte d’aucune décision de notre part.
Propos recueillis par Pascale D'Amore