Par Mirouna Verban et Franck Chaminade, avocats associés. Arsene Taxand
Opérations de LBO?: préserver le levier fiscal
La multiplication des règles limitant la déductibilité des intérêts financiers a abouti à un système complexe et peu lisible. Pour autant, et dès lors que le principe de la déductibilité a été maintenu, des solutions existent permettant de préserver le levier fiscal des opérations de LBO et les nouvelles contraintes qu’elles impliquent semblent acceptées par l’ensemble des acteurs de ce secteur.
Le levier fiscal des opérations de LBO repose sur le principe de la déductibilité des charges financières : les intérêts générés par la dette d’acquisition sont classiquement imputés sur les bénéfices opérationnels de la société cible. Cependant, au fil du temps, les règles limitant la déductibilité des charges financières se sont accumulées.
Empilement de mesures
Le cadre actuel comporte des règles relativement anciennes, auxquelles sont venus s’ajouter trois nouveaux dispositifs au cours des trois dernières années. Au-delà de l’accélération du rythme des nouvelles mesures, on déplore aujourd’hui un effet d’«?empilement?» et l’absence de ligne directrice dans la construction des règles visant à limiter la déductibilité des intérêts. Ainsi, les articles?39, 1, 3° et 212 du CGI plafonnent le taux des intérêts afférents à des sommes mises à la disposition de l’entreprise par ses associés. Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation limite, quant à lui, la déduction des intérêts d’emprunts contractés auprès d’entreprises liées lorsque trois seuils sont simultanément franchis, et en particulier un ratio dette sur fonds propres de 1.5 pour 1. Plus récemment, l’amendement Marini est venu élargir le champ d’application de cette mesure pour y inclure, sous certaines conditions, les prêts externes garantis par des sociétés liées. Dans la catégorie des dispositifs anti-abus on retrouve l’amendement Charasse qui vise à réduire le levier fiscal, au sein d’un groupe intégré, dans les situations de «?vente à soi-même?». Autre mesure anti-abus, l’amendement Carrez interdit depuis le 1er?janvier 2012 la déduction des charges financières liées à l’acquisition de titres de participation lorsque la société acquéreuse n’est pas en mesure de démontrer qu’elle assure la gestion effective de la société acquise. Enfin, pour les exercices ouverts en 2012, le dispositif du «?rabot?» réintègre de manière forfaitaire une quote-part des charges financières nettes (15?% pour?2012 et?2013, 25?% à compter de 2014), lorsque celles-ci excèdent 3?millions d’euros, et ce, quelle que soit la nature de la dette sous-jacente.
Dispositifs de portée diverse
Conçus au fil du temps avec des objectifs différents (mesure anti-abus, mesure de rendement budgétaire, convergence avec des systèmes comparables dans d’autres pays européens), les dispositifs ne s’appliquent pas de manière homogène au financement sous-tendant une opération de LBO, mais affectent différemment chaque type de dette. Ainsi, le dispositif du «?rabot?» ou l’amendement Charasse sont susceptibles d’impacter la déductibilité des intérêts sur la totalité de la dette souscrite par le groupe sous LBO (prêt d’actionnaire, dette mezzanine, dette senior et dette opérationnelle). A contrario, la limitation du taux d’intérêt sur les prêts d’actionnaires ne concerne que les prêts d’actionnaires directs et minoritaires (management et éventuellement mezzaners), les actionnaires majoritaires (investisseurs financiers) pouvant se prévaloir de la clause de sauvegarde s’ils démontrent que le taux d’intérêt rémunérant leurs avances est un taux de marché. Cependant, l’administration fiscale requiert désormais systématiquement comme justificatif une offre de financement d’un établissement financier présentant, pour la même opération, les mêmes caractéristiques. Structurer un montage LBO c’est donc analyser les conditions d’application de chacun de ces dispositifs pour en mesurer l’impact et l’articulation au cas par cas.
Réaction des praticiens
La pratique a su trouver les outils permettant de répondre à la plupart des contraintes posées par ces différentes règles, afin de préserver au mieux le levier fiscal propre aux opérations de LBO. Pour anticiper de manière efficace les effets des dispositifs, il est désormais primordial d’intégrer la dimension fiscale dans la revue de la documentation juridique négociée entre les différents acteurs d’une opération de LBO. À l’occasion, par exemple, de la négociation du security package entre l’investisseur financier et les banquiers, les éventuelles conséquences fiscales des garanties consenties doivent faire l’objet d’une analyse systématique. L’octroi de certaines garanties est, en effet, de nature à faire tomber les intérêts de la dette senior dans le champ d’application du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation. L’analyse fiscale d’un pacte d’actionnaire s’avérera également indispensable en cas de réinvestissement de l’actionnaire sortant aux côtés d’un investisseur financier. En effet, le pacte peut créer les conditions d’application de l’amendement Charasse, lorsque l’aménagement des droits des actionnaires aboutit à une situation de contrôle conjoint sur la holding d’acquisition de l’actionnaire sortant et de l’investisseur financier. Dans certains cas toutefois, l’adaptation des contrats ne permet pas à elle seule de résoudre l’ensemble des difficultés liées à l’application de tel ou tel dispositif limitant la déductibilité des intérêts financiers dans une opération de LBO. Dans ces situations, l’aménagement des structures s’avère parfois nécessaire afin de les rendre compatibles avec les exigences posées par ces dispositifs fiscaux. Ces contraintes peuvent par exemple amener les actionnaires minoritaires à loger leur investissement en capital dans un véhicule distinct de celui portant les obligations convertibles constituant la dette d’actionnaire. Il arrive également que les obligations fiscales en termes de ratios d’endettement conduisent à créer deux niveaux de holdings portant respectivement la dette bancaire et la dette d’actionnaire. La mise en œuvre de ces structures alternatives ne peut toutefois être envisagée sereinement que lorsqu’elles répondent également à des objectifs non fiscaux, ce qui est en général le cas (contraintes bancaires, garanties…). À la différence des autres dispositifs évoqués, (amendement Charasse, dispositif de lutte contre la sous-capitalisation, amendement Carrez) le dispositif du «?rabot?» n'a pour objet ni d’encadrer des pratiques réputées abusives, ni d'influencer le comportement des contribuables en matière d’endettement. Il s’agit d’un dispositif de rendement, susceptible de s’appliquer à tout type de dettes dans tout type de groupe, indépendamment des capacités d’endettement ou du niveau de capitalisation. Ce dispositif a un effet immédiat sur le levier fiscal dans une opération de LBO. Pour autant, compte tenu de son champ d’application très large et contrairement aux autres dispositifs, il sera en pratique très difficile d’en limiter les effets…
Le levier fiscal des opérations de LBO repose sur le principe de la déductibilité des charges financières : les intérêts générés par la dette d’acquisition sont classiquement imputés sur les bénéfices opérationnels de la société cible. Cependant, au fil du temps, les règles limitant la déductibilité des charges financières se sont accumulées.
Empilement de mesures
Le cadre actuel comporte des règles relativement anciennes, auxquelles sont venus s’ajouter trois nouveaux dispositifs au cours des trois dernières années. Au-delà de l’accélération du rythme des nouvelles mesures, on déplore aujourd’hui un effet d’«?empilement?» et l’absence de ligne directrice dans la construction des règles visant à limiter la déductibilité des intérêts. Ainsi, les articles?39, 1, 3° et 212 du CGI plafonnent le taux des intérêts afférents à des sommes mises à la disposition de l’entreprise par ses associés. Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation limite, quant à lui, la déduction des intérêts d’emprunts contractés auprès d’entreprises liées lorsque trois seuils sont simultanément franchis, et en particulier un ratio dette sur fonds propres de 1.5 pour 1. Plus récemment, l’amendement Marini est venu élargir le champ d’application de cette mesure pour y inclure, sous certaines conditions, les prêts externes garantis par des sociétés liées. Dans la catégorie des dispositifs anti-abus on retrouve l’amendement Charasse qui vise à réduire le levier fiscal, au sein d’un groupe intégré, dans les situations de «?vente à soi-même?». Autre mesure anti-abus, l’amendement Carrez interdit depuis le 1er?janvier 2012 la déduction des charges financières liées à l’acquisition de titres de participation lorsque la société acquéreuse n’est pas en mesure de démontrer qu’elle assure la gestion effective de la société acquise. Enfin, pour les exercices ouverts en 2012, le dispositif du «?rabot?» réintègre de manière forfaitaire une quote-part des charges financières nettes (15?% pour?2012 et?2013, 25?% à compter de 2014), lorsque celles-ci excèdent 3?millions d’euros, et ce, quelle que soit la nature de la dette sous-jacente.
Dispositifs de portée diverse
Conçus au fil du temps avec des objectifs différents (mesure anti-abus, mesure de rendement budgétaire, convergence avec des systèmes comparables dans d’autres pays européens), les dispositifs ne s’appliquent pas de manière homogène au financement sous-tendant une opération de LBO, mais affectent différemment chaque type de dette. Ainsi, le dispositif du «?rabot?» ou l’amendement Charasse sont susceptibles d’impacter la déductibilité des intérêts sur la totalité de la dette souscrite par le groupe sous LBO (prêt d’actionnaire, dette mezzanine, dette senior et dette opérationnelle). A contrario, la limitation du taux d’intérêt sur les prêts d’actionnaires ne concerne que les prêts d’actionnaires directs et minoritaires (management et éventuellement mezzaners), les actionnaires majoritaires (investisseurs financiers) pouvant se prévaloir de la clause de sauvegarde s’ils démontrent que le taux d’intérêt rémunérant leurs avances est un taux de marché. Cependant, l’administration fiscale requiert désormais systématiquement comme justificatif une offre de financement d’un établissement financier présentant, pour la même opération, les mêmes caractéristiques. Structurer un montage LBO c’est donc analyser les conditions d’application de chacun de ces dispositifs pour en mesurer l’impact et l’articulation au cas par cas.
Réaction des praticiens
La pratique a su trouver les outils permettant de répondre à la plupart des contraintes posées par ces différentes règles, afin de préserver au mieux le levier fiscal propre aux opérations de LBO. Pour anticiper de manière efficace les effets des dispositifs, il est désormais primordial d’intégrer la dimension fiscale dans la revue de la documentation juridique négociée entre les différents acteurs d’une opération de LBO. À l’occasion, par exemple, de la négociation du security package entre l’investisseur financier et les banquiers, les éventuelles conséquences fiscales des garanties consenties doivent faire l’objet d’une analyse systématique. L’octroi de certaines garanties est, en effet, de nature à faire tomber les intérêts de la dette senior dans le champ d’application du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation. L’analyse fiscale d’un pacte d’actionnaire s’avérera également indispensable en cas de réinvestissement de l’actionnaire sortant aux côtés d’un investisseur financier. En effet, le pacte peut créer les conditions d’application de l’amendement Charasse, lorsque l’aménagement des droits des actionnaires aboutit à une situation de contrôle conjoint sur la holding d’acquisition de l’actionnaire sortant et de l’investisseur financier. Dans certains cas toutefois, l’adaptation des contrats ne permet pas à elle seule de résoudre l’ensemble des difficultés liées à l’application de tel ou tel dispositif limitant la déductibilité des intérêts financiers dans une opération de LBO. Dans ces situations, l’aménagement des structures s’avère parfois nécessaire afin de les rendre compatibles avec les exigences posées par ces dispositifs fiscaux. Ces contraintes peuvent par exemple amener les actionnaires minoritaires à loger leur investissement en capital dans un véhicule distinct de celui portant les obligations convertibles constituant la dette d’actionnaire. Il arrive également que les obligations fiscales en termes de ratios d’endettement conduisent à créer deux niveaux de holdings portant respectivement la dette bancaire et la dette d’actionnaire. La mise en œuvre de ces structures alternatives ne peut toutefois être envisagée sereinement que lorsqu’elles répondent également à des objectifs non fiscaux, ce qui est en général le cas (contraintes bancaires, garanties…). À la différence des autres dispositifs évoqués, (amendement Charasse, dispositif de lutte contre la sous-capitalisation, amendement Carrez) le dispositif du «?rabot?» n'a pour objet ni d’encadrer des pratiques réputées abusives, ni d'influencer le comportement des contribuables en matière d’endettement. Il s’agit d’un dispositif de rendement, susceptible de s’appliquer à tout type de dettes dans tout type de groupe, indépendamment des capacités d’endettement ou du niveau de capitalisation. Ce dispositif a un effet immédiat sur le levier fiscal dans une opération de LBO. Pour autant, compte tenu de son champ d’application très large et contrairement aux autres dispositifs, il sera en pratique très difficile d’en limiter les effets…