Essentiels en cas de syndrome de détresse respiratoire, principale complication du Covid-19, les respirateurs (ou ventilateurs) artificiels manquaient cruellement au début de l'épidémie. Ils sont aujourd'hui produits en masse par les spécialistes du secteur, et de nombreuses autres entreprises, qui n'ont toutefois pas forcément bien ciblé les besoins des hôpitaux.

En quelques semaines seulement, le respirateur artificiel est devenu la machine la plus convoitée dans tous les hôpitaux du monde. Ces équipements, en particulier les respirateurs lourds de réanimation, qui permettent d'intuber les patients étaient largement insuffisants pour faire face à la vague de Covid-19. Hors Covid, les besoins ne sont pas si importants : en moyenne, une trentaine de patients sont sous intubation dans les services d'un CHU de province en France. 

Aux États-Unis, l’université Johns-Hopkins comptabilisait 160 000 respirateurs en 2018, dont plus de la moitié incomplets. Là où les besoins étaient évalués à 750 000 appareils. L'épidémie de H1N1 en 2009 avait pourtant déjà montré leur nécessité première en cas de crise sanitaire. Avant de voir réapparaître un peu partout certains stocks stratégiques cachés dans les hôpitaux militaires ou les réserves nationales, et rapidement mobilisés.

Une urgence et peu de moyens

Rapidement, les spécialistes du secteur, à commencer par le chinois Mindray, les américains GE Healthcare et Medtronic, le suédois Getinge, les allemands Draeger et Löwenstein ou le français Air Liquide ont été submergés de commandes. Sans avoir les capacités d'y répondre rapidement : dès janvier, leur stock était asséché par la demande chinoise. En mars, la Commission européenne a ainsi mis fin à tout espoir, en indiquant dans un rapport que les chaînes d’approvisionnement classiques en Europe ne pouvaient répondre qu’à 10 % environ de cette demande.

Car les respirateurs utilisés aujourd'hui dans les hôpitaux – dont le coût peut atteindre jusqu'à 30 000 dollars – sont des machines complexes, innovantes, trop peut-être pour la prise en charge des patients contaminés par le Covid, présentant des troubles souvent identiques : pneumonie et syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). C'est ce qu'ont rapidement compris de nombreux industriels de différents secteurs, notamment automobile, en voyant la possibilité de fabriquer eux-mêmes des machines plus simples, à bas coût et dans des délais records.

Les respirateurs utilisés aujourd'hui dans les hôpitaux – dont le coût peut atteindre jusqu'à 30 000 dollars – sont des machines complexes

La (dés)union sacrée des industriels

La (dés)union sacrée des industriels

Partout dans le monde, des entreprises se sont rapidement organisées pour relever le défi. Au Canada, le gouvernement a signé différents contrats avec le spécialiste en formation fondée sur la simulation CAE (Montréal), l'ingénieur Starfish Medical (Victoria) ou encore Thornhill Medical (Toronto) pour développer et produire 30 000 nouvelles machines au total. En France, Air Liquide a pris la tête d'un partenariat avec les groupes automobiles PSA et Valéo et Schneider Electric pour construire 10 000 respirateurs. Leur livraison dans les hôpitaux a commencé dès la mi-avril.

Mais les industriels n'auraient-ils pas abusé de l'effet d'annonce de ces commandes ? Selon une enquête de Radio France, pas moins de 8 500 machines commandées à Air Liquide sont en fait des ventilateurs légers, utilisés notamment dans les ambulances, mais qui n'ont habituellement pas leur place dans les services de réa. L'industriel français explique de son côté que le modèle a été validé notamment au Royaume-Uni pour la prise en charge des patients Covid. Et effectivement, certaines de ces machines produites par Air Liquide, malgré leur efficacité moindre, ont été utilisées dans les hôpitaux français au plus haut de l'épidémie pour pallier le manque d'équipements.

Ailleurs, des initiatives locales conduites par des ingénieurs ont également permis de répondre tant bien que mal à l'urgence. L'équipe de Formule 1 Mercedes qui a mis au point – avec l'aide de chercheurs et de médecins – un assistant respiratoire pour soulager les patients restera sans doute comme la plus emblématique.

Les émergents oubliés

Alors que l'épidémie engage désormais une trajectoire descendante dans le monde, la bataille des respirateurs semble bien gagnée. Du moins en Occident... Aucun des pays émergents, en Asie du Sud ou en Afrique, ne comptent de fabricants de ventilateurs. Et leur absence d'expérience dans ce domaine empêche toute initiative locale. D'où leur dépendance complète à l'égard des pays du Nord, bien décidés pourtant à les ignorer. Un choc imposé par les gouvernements d'Europe et surtout des États-Unis qui ont rapidement adopté des mesures pour interdire l'exportation de ces outils stratégiques. Tout en multipliant les coups bas pour s'arroger le maximum de fournitures : Washington allant jusqu'à invoquer son Defense Production Act pour récupérer la production d'entreprises américaines à l'étranger.

S'il reste aux économies émergentes la possibilité d'utiliser des plans de production mis en open source par des ingénieurs du monde entier pour s'équiper rapidement et à moindre coût, le risque de pénurie d'oxygène médical, indispensable pour les ventilateurs, limite de toute façon leur usage, nécessairement long. Les patients du Covid restant intubés plusieurs semaines en général. Une situation qui pourrait toutefois évoluer dans les prochaines semaines, alors que les besoins dans les pays occidentaux devraient diminuer et que les industriels vont enfin reprendre la main sur les commandes.

Fabien Nizon

Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"

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