Paula Forteza (Députée) : "La tech peut sauver des vies"
Décideurs. Pour lutter contre le Covid-19, de nombreux moyens médicaux sont utilisés (tests, masques…). Des mesures sanitaires et sécuritaires telles que le confinement et le couvre-feu sont aussi mises en place. Qu’en est-il des nouvelles technologies ?
Paula Forteza. Elles ont bien évidemment un rôle à jouer, que ce soit dans la lutte contre la propagation du virus ou pour l’amélioration du quotidien des personnes confinées. En France, la Civic-Tech est mobilisée grâce à plusieurs initiatives concrètes. Je pense notamment aux plateformes enpremièreligne et jeveuxaider qui proposent des aides aux devoirs, aux courses, à la garde d’enfants ou encore à çaresteouvert qui permet de voir quels sont les commerces actifs à proximité… À l’étranger, je peux citer l’Argentine où un bot Whatsapp apporte des réponses sourcées et vérifiées afin de lutter contre les fake news.
"Taiwan parvient à équiper sa population de masques grâce à un site actualisé en temps réel qui indique les lieux où ils sont en surplus et ceux où il y a pénurie"
La tech peut aller au-delà de la simple aide en période de confinement, elle peut sauver des vies. Taiwan parvient à équiper massivement ses citoyens de masques grâce à une initiative simple : un site, actualisé en temps réel, indiquant les lieux où les masques sont en surplus, d’autres où ils sont en rupture afin de protéger tout le monde. La France pourrait s’en inspirer… Je tiens également à mentionner le projet MUR, un réseau de développeurs qui a commencé à fabriquer des respirateurs avec des imprimantes 3D. C’est une opportunité pour certains pays mal équipés, notamment en Afrique.
Globalement, ces solutions sont principalement liées à la mobilisation de la société civile…
Oui, elle est par définition plus agile, plus rapide que l’administration. Mais celle-ci peut agir, accompagner le mouvement. En France, le ministère des Armées a lancé un appel à la mobilisation. À Taiwan, Audrey Tang, ministre du numérique et ancienne hackeuse est l’exemple à suivre. Elle est parvenue à faire travailler de concert les spécialistes du numérique, les start-uper, et l’administration avec succès : le pays est plus épargné que d’autres par le Coronavirus.
Le recours au numérique est efficace… mais parfois liberticide. Dans une période de crise comme la nôtre, faut-il rogner sur nos droits pour être protégés ?
Certains pays l’ont décidé. Israël ou la Chine ont opté pour le traçage et la géolocalisation de leur population à partir des téléphones portables qui suivent les déplacements, alertent quand le confinement n’est pas respecté, lorsqu’une personne contaminée est à proximité.
Pour ma part, j’estime que la liberté doit primer et, sur ce point, je suis du même avis que l’immense majorité de la classe politique française. Lors de l’élaboration de la loi d’urgence, seule une petite poignée de sénateurs a développé un point de vue inverse. Soulignons toutefois qu’il est possible de partager des données de manière anonymisées et transparentes. Le commissaire européen Thierry Breton l’a demandé aux opérateurs télécoms. Les Gafa ont aussi un rôle à jouer, ils en savent beaucoup sur nous, plus que les États, et peuvent partager des données anonymisées avec ces derniers.
En France, quelles sont les menaces sur les données personnelles ?
Elles proviennent surtout des multitudes d’initiatives prises pour aider la population : remplir en ligne les attestations, partager des informations. Elles ne respectent pas toutes les obligations légales, récoltent des données personnelles pour remplir des bases d’e-mailing. L’application CoronApp qui propose de tracer les malades est également dangereuse et peu efficace. J’appelle donc à la vigilance
Propos recueillis par Lucas Jakubowicz