La conception du coeur artificiel par Alain Carpentier donne lieu à la création de Carmat en 2008. À la croisée des mondes médical et industriel, le coeur artificiel est une véritable innovation qui passionne Stéphane Piat, Directeur Général de l’entreprise.

Décideurs. Carmat vient de se lancer dans le processus industriel. Vous avez notamment ouvert une usine à Bois d’Arcy dans les Yvelines. Pour l’instant cinq cœurs artificiels sont fabriqués par mois. À termes, quels sont les objectifs de production de Carmat ?

Alain Carpentier. Parvenir à créer un produit durable dans une usine dédiée à Carmat est déjà une belle victoire, mais il s’agit en effet d’un quota à court terme. Le prochain challenge est d’augmenter la production tout en renforçant la qualité du produit. Mais il ne faut pas se précipiter. Comme pour toute société, le rendement est important, mais nous gardons à l’esprit que le cœur artificiel est un objet qui a une très grande interaction physique avec le patient. Nous souhaitons produire un cœur artificiel d’une qualité de haut niveau, ce qui explique que le processus de fabrication soit long. D’ici quatre ans, nous espérons fabriquer entre 600 et 800 cœurs artificiels par an.

Après plusieurs échecs, Camart a connu des succès l’année dernière. Deux patients ont reçu une greffe de cœur après avoir été traité pendant plusieurs mois avec le cœur artificiel Carmat. Cette première mondiale donne-t-elle de nouvelles perspectives à Carmat ?

« Si le cœur artificiel peut permettre de faire le pont jusqu’à la transplantation, c’est déjà un succès ! »

Bien sûr ! Ces patients ont pu obtenir une greffe alors qu’ils n’ont jamais pu être mis sur la liste d’attente. Si le cœur artificiel peut permettre de faire le pont jusqu’à la transplantation, c’est déjà un succès ! Néanmoins, nous ne changeons pas de point de vu pour autant. Carmat continue de penser qu’un jour le cœur artificiel pourra réellement pallier au manque d’organe. Les progrès technologiques, surtout dans le domaine de la santé demandent des années d’essai et d’amélioration. Les pacemakers d’aujourd’hui sont beaucoup plus petits et modernes que ceux d’il y a dix ans. Nous espérons qu’un jour, le cœur artificiel soit aussi petit et léger pour qu’à terme la transplantation soit définitive.

La République Tchèque et le Danemark sont déjà très engagés dans la conduite de votre étude Pivot. Vous souhaitez étendre votre activité dans plusieurs centres cliniques européens. Quels sont les obstacles réglementaires et administratifs auxquels vous faites face ?

Le Kazakhstan, bien qu’il ne soit pas dans l'Union européenne est également engagé dans cette étude, mais il est difficile de trouver des candidats. Le réel problème vient du fait qu’il y a un manque de standard dans le domaine de la santé. Chaque pays fonctionne vraiment différemment. Certains sont prêts à se lancer dans l’aventure et à prendre le risque que l’étude ne soit pas concluante. D’autres, à l’inverse refusent, car ils ont du mal à appréhender l’innovation simplement en consultant les statistiques de l’étude. Les autorités compétentes, à l’image des Ministères de la santé refusent de dépenser de l’argent ou de prendre cette responsabilité vis-à-vis des patients. Parfois, il y a aussi la question de l’éthique ou la culture qui entre en jeu.

 « L’innovation est par définition, l’incertitude même »

En 2017 vous expliquiez lors d’une interview qu’il y avait beaucoup de lourdeurs administratives qui pesaient sur l’innovation en France. Quelles sont-elles et est-ce toujours le cas ?

Il ne s’agit pas vraiment de « lourdeurs », mais disons que proportionnellement aux nombres de médecins et de laboratoires qu’il y a en France, le pays ne fait pas beaucoup d’études. La France est parmi les pays qui conduisent le moins d’études médicales dans l'Union européenne. Cette distance française vis-à-vis de l’innovation est, à mon sens vraiment dommage. L’innovation est par définition, l’incertitude même. Pour s’améliorer, faire des progrès et révolutionner les choses, surtout en médecine, il faut essayer.

Propos recueillis par Laura Breut (@LauraBreut)

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