Le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé ce mercredi en faveur de l’interdiction de fournir des conseils juridiques au gouvernement russe et aux entités établies en Russie. Il rejette les recours formés en décembre 2022 par le syndicat ACE-Avocats, Ensemble, l’Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles, l’Ordre des avocats à la cour de Paris et Julie Couturier.

Mercredi 2 octobre. Dans trois arrêts, les juges européens ont validé l’interdiction de fournir des services de conseil juridique au gouvernement russe ou à des personnes morales, des entités et des organismes établis en Russie énoncée dans les articles 1er des règlements du Conseil de l’Union européenne des 6 octobre et 16 décembre 2022 et du 25 février 2023. Le tribunal luxembourgeois refuse ainsi d’accéder aux demandes du syndicat français ACE-Avocats, Ensemble, de l’Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles, de l’Ordre des avocats à la cour de Paris et de Julie Couturier : les 23, 26 et 28 décembre 2022, ces derniers avaient introduit chacun devant le Tribunal de l’Union européenne (UE) un recours en annulation de ces articles adoptés après l’invasion russe de l’Ukraine. Le motif de ces recours ? Cette interdiction serait une violation de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et par là même du secret professionnel des avocats et du droit à se faire conseiller par eux. Le syndicat français évoque également la violation du “droit des avocats à prester des services de conseil juridiques sans restrictions particulières”.

En pratique, selon les requérants, les avocats souhaitant “conseiller une personne morale ou une entité établie en Russie’’ – conseil entrant dans le champ des dérogations prévues par le Conseil de l’Union européenne – seraient “contraints de solliciter l’autorisation préalable de l’autorité nationale compétente” et donc de lui révéler des informations strictement confidentielles, à la fois sur l’existence et le contenu de la consultation, mais aussi sur leur client. Quant au justiciable, il serait privé “de son droit à un conseil juridique prodigué par un avocat, [les dispositions contestées] l’empêch[ant] de se voir éclairé sur l’étendue de ses droits et d’être en mesure de décider de saisir une juridiction compétente”. Conclusion pour les avocats européens : ces dispositions ne sont “ni appropriée[s] pour atteindre l’objectif poursuivi, ni strictement nécessaire[s] à cet objectif”, à savoir faire pression sur la Russie pour qu’elle cesse son agression.

Pour le Tribunal, selon le communiqué de presse de la cour de justice de l’UE, le droit à une protection juridictionnelle effective “n’est pas remis en cause par l’interdiction litigieuse” quine concerne pas les services de conseil juridique fournis en lien avec une procédure judiciaire, administrative ou arbitrale” ni “les conseils juridiques fournis à des personnes physiques”. L’interdiction “n’entraîne donc aucune ingérence dans l’indépendance de l’avocat”. Par ailleurs, les dérogations à l’interdiction “n’entraînent pas, par elles-mêmes, d’ingérence dans la protection du secret professionnel de l’avocat”. Néanmoins, les États membres sont tenus de veiller au respect de la charte des droits fondamentaux lorsqu’ils mettent en œuvre les procédures d’exemption.

Et de conclure, “l’interdiction en cause poursuit bien des objectifs d’intérêt général, sans porter atteinte à la substance même de la mission fondamentale des avocats dans une société démocratique”, indique le communiqué. La mission fondamentale des avocats a des limites.

Chloé Lassel

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