La négociation pour les nuls
Connaissez-vous le point commun entre un syndicaliste en colère, un patient qui refuse de prendre son traitement, un dirigeant aux prises avec un plan social et un preneur d’otage ? Sans doute pas. Laurent Combalbert, si : avec tous on peut être amené à négocier. Et la négociation ̶ celle de terrain, de crise, d’urgence ̶ , il connaît. Ancien officier du Raid et spécialiste des interventions de crise, il cofonde il y a cinq ans avec Marwan Mery, lui aussi expert en résolution de situations critiques, ADN Group, une agence de négociateurs professionnels. Objectif : mettre à profit l’expertise acquise sur le terrain au cours de prises d’otage, de kidnappings et de grèves de la faim pour former dirigeants d’entreprise et acteurs économiques de tous horizons à la négociation. Un art subtil et méconnu qui, quel que soit le scénario, comprend toujours les mêmes composantes à hauts risques – déni, mensonge, agressivité… – auxquelles s’ajoute une dose d’égo en quantité suffisamment écrasante pour que l’ensemble soit à manipuler avec précaution.
L’enjeu de « l’objectif commun partagé »
D’où la volonté d’ADN Group et de ses fondateurs de doter tout aspirant à la négociation – que celle-ci soit commerciale, syndicale ou sociale – d’une méthodologie éprouvée ; apte non pas à fournir des réponses mais à orienter les postures de communication de manière à rompre avec certains schémas contre-productifs. À commencer par celui, largement dominant, voulant que toute négociation se solde invariablement par un perdant et un gagnant. « 90 % des négociations sont perçues comme des compétitions, l’objectif est de sortir de cette perception en faisant émerger l’OCP, cet "objectif commun partagé" qui permet à chacun d’obtenir ce qu’il estime juste. Pas d’écraser l’autre », explique Laurent Combalbert qui constate, sur les derniers mois, un afflux de demandes d’entreprises soucieuses de former leur DRH mais aussi leurs représentants du personnel aux ressorts de la négociation et à qui ADN propose désormais des formations communes.
Vers une éthique du conflit
Pour favoriser l’émergence d’une approche « éthique » de la négociation, l’entreprise a développé un ensemble de best practices destinées à permettre à chacun de rompre avec la logique d’affrontement pur et dur pour lui substituer la recherche du compromis. Un cheminement qui passe par le développement de l’empathie et, mieux encore de l’assertivité, cette compétence comportementale consistant à accepter et gérer le désaccord.
Pour Laurent Combalbert, l’enjeu est majeur, l’aptitude à comprendre les émotions de l’autre sans pour autant les partager permettant d’envisager le conflit non plus comme un espace de blocage mais comme un possible levier de création de valeur. « En France, la notion de conflit reste très péjorative, rappelle-t-il. Mais si l’on passe de l’agressivité à l’assertivité, l’opposition de points de vue débouche sur de réelles avancées. »
Le risque d’ « inflation narcissique »
À condition de juguler la part d’égo omniprésente dans toute négociation et qui, insiste l’expert, doit être contrôlée pour devenir un vecteur d’efficacité et non un élément susceptible d’engendrer, chez la partie adverse, une « inflation narcissique », elle-même de nature à déboucher sur des écueils du type ultimatums, menaces, chantages… « Négocier, c’est maîtriser les rapports de force », résume Laurent Combalbert dont la méthode, aujourd’hui considérée comme la référence dans le monde des négociateurs professionnels, permet à ADN d’afficher, année après année, les mêmes taux élevés de réussite : entre 95 % et 98 % de négociations fructueuses contre une moyenne nationale située aux alentours de 85 %.
Caroline Castets