La quatrième édition des French-American Business Awards (Faba) s’est déroulée le 25 mai dernier, à San Francisco, devant plus de 300 membres de la communauté entrepreneuriale franco-américaine. Si les relations politiques entre les deux pays connaissent un niveau de tension inédit, les partenariats économiques fleurissent et offrent de belles promesses aux ambitieux des deux rives de l’Atlantique.

L’ambivalence est aujourd’hui au cœur des relations franco-américaines. Alors que tout semble opposer le libéral Emmanuel Macron au protectionniste Donald Trump, l’angle politique ne doit pas éclipser les autres formes de partenariats entre les deux pays. La sphère économique, notamment, va à rebours de ce climat de défiance. La quatrième édition des French-American Business Awards (Faba) soulignait ainsi le renouveau des liens entre la Silicon Valley, poumon créatif et entrepreneurial des États-Unis, et l’Hexagone.

 

Adieu le French Bashing, place à la French Tech

 

Cette cérémonie faisait la part belle aux sucess stories et se déroulait le 25 mai 2017 dans un cadre connu des start-up : San Francisco, en Californie. L’emplacement des festivités n’était en rien le fait du hasard puisque cet État (le plus riche des États-Unis) et la France possèdent un PIB, pour ainsi dire, équivalent. Ce parallèle surprend d’abord mais il s’entend bien lorsque l’on observe les principaux groupes présents dans ce territoire du sud-ouest américain : Google, Facebook, Apple, Tesla, Salesforce, etc. Toutes ces multinationales valorisées plusieurs milliards de dollars ont installé leur siège social dans la région et plus précisément dans la célèbre Silicon Valley. Avec ses importantes capacités de financement et son cadre du travail allégé, l’endroit attire les meilleurs talents du monde entier.

 

Parmi ces excellents profils, les chefs d’entreprise et les innovateurs français figurent en bonne place. Si le tropisme américain continue d’influencer les relations entre les deux nations, les entrepreneurs tricolores ne rougissent plus au moment d’évoquer la réussite de leurs projets. Mieux, ils parviennent dorénavant à convaincre les investisseurs outre-Atlantique de les soutenir dans leur développement dès les phases d’amorçage en France. En 2015-2016, les fonds américains constituaient ainsi selon Chausson Finance le deuxième contingent d’investisseurs étrangers dans les start-up françaises, juste derrière les Anglais. Les multinationales ne sont pas en reste et parient aussi sur la France pour développer d’ambitieux projets. John Chambers, président exécutif de Cisco, semblait résumer en une phrase un sentiment largement partagé chez les patrons outre-Atlantique lors de sa visite à Paris en février 2017 : « France is the next big thing ! »

 

Souligner les succès et inspirer des vocations

 

Les Faba sont organisés par la Chambre de commerce franco-américaine de San Francisco (FACCSF) en partenariat avec le groupe Leaders League et s’inscrivent dans cette dynamique d’un optimisme retrouvé. À l’heure où le "french bashing" disparait au profit d’un enthousiasme naissant autour de la French Tech, les cercles vertueux se dessinent là où les points de discorde tenaient, il y a peu encore, le haut du pavé. Ève Chaurand, présidente de la FACCSF, souligne cette nouvelle tendance : « Plus on met en avant les réussites des "Frenchies" qui montrent le niveau d'excellence et de créativité des entreprises françaises, plus on rend la France attractive en matière d'investissements. L’année dernière, les investissements étrangers en France ont augmenté de 30 %. »

 

Soixante-quatre nominés répartis en onze catégories ont ainsi été distingués pour leur leadership et leurs résultats annuels mais également leurs performances en matière de management lors de la cérémonie des Faba. Les jurys, composés de 120 experts de ces univers, ont sélectionné puis départagé les entreprises françaises installées dans la Silicon Valley les plus méritantes de chaque catégorie. Outre les nouvelles technologies (Talend et Algolia), le food business (Piperade/Bocadillos), les biotechnologies (Arterys), l’agribusiness (ITK) et la viticulture (Azur Wines) étaient les secteurs mis en avant. D’autres prix spéciaux venaient compléter ce tableau de réussites : la start-up de l’année (Ava), l’investisseur américain de l’année en France (GE Digital Europe), le prix décerné à Jean-Louis Gassée pour l’ensemble de sa carrière dans la Silicon Valley, la société avec le plus grand impact social (42 Silicon Valley) ainsi que la femme entrepreneur modèle (Virginie Simon et Karine Allouche).

 

Des parcours critiqués hier et célébrés aujourd’hui

 

Cette soirée de récompenses symbolise à elle seule le nouveau jeu de séduction auquel se livrent les deux régions. D’une part les investisseurs américains et les grands groupes de nouvelles technologies redécouvrent les charmes de la France et misent sur les jeunes pousses du pays. L’arrivée au pouvoir du président Macron, présenté comme business friendly, et l’ouverture à Paris de Station F, le plus grand incubateur de start-up au monde, devraient permettre à ce mouvement de se poursuivre. D’autre part les entrepreneurs hexagonaux ne sont plus au centre des critiques lorsqu’ils décident de développer leurs affaires dans la Silicon Valley, bien au contraire. S’installer dans la Bay est devenu synonyme d’ambition à l’international et de réussite, deux traits qui semblaient fuir les start-up et PME tricolores ces dernières années. Les représentants politiques de la France ne crient plus à la trahison patriotique lorsqu’ils constatent ces vagues d’installation, ils préfèrent à présent les célébrer afin de faire émerger des vocations et d’encourager les ambitieux. « Les succès des uns inspirent les autres. Pour prendre des risques et aller de l'avant, c'est utile d'avoir des modèles », comme l’affirme Ève Chaurand.

 

Pour comprendre ce revirement, il faut avoir à l’esprit que les entrepreneurs français ne rompent jamais tout à fait avec leur pays d’origine. Certaines entités de R&D par exemple peuvent se fixer en France pour profiter des crédits d’impôts recherche ou de la qualité des ingénieurs locaux. Ce sont alors autant d’emplois qualifiés directement disponibles pour désengorger le marché du travail tricolore. Par ailleurs, les vocations de business angels nées de réussites aux États-Unis peuvent bénéficier aux jeunes sociétés tricolores, tout comme les partages d’expériences organisés par le tissu associatif dans l'Hexagone. Les relations entre les deux écosystèmes ne cessent donc de se consolider et offrent de nouvelles perspectives de développement aux projets de Français décomplexés. Espérons que M. Trump et M. Macron s'inspirent de ces échanges réguliers pour ne plus se tourner le dos l'un à l'autre.

 

Thomas Bastin
@ThomasBastin

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