2019 fut une année historique pour les équipes du groupe d’expertise comptable In Extenso. Celles-ci ont en effet pris leur indépendance vis à vis du groupe Deloitte après 27 ans d’association. Antoine de Riedmatten, Président du Directoire, s’exprime sur cette opération de LBO, unique dans la profession.

Décideurs. Le réseau d'experts-comptables In Extenso a pris son indépendance vis-à-vis du groupe Deloitte France par le biais d’un LBO. Ce type d’opération n’est pas monnaie courante dans le monde des experts comptables. Pourquoi avoir voulu quitter Deloitte ?

Antoine de Riedmatten. Crée en 1991 par Deloitte, In Extenso traduit la volonté d’un certain nombre d’associés de travailler spécifiquement auprès des TPE et PME. Un positionnement qui avait cependant du mal à trouver sa place sous le nom de Deloitte, dont l’activité était plutôt orientée vers les grands comptes. Ce marché étant différent, nous avons donc opéré sous une marque différente. Le succès a rapidement été au rendez-vous. Nous sommes ainsi passés de 10 M€ de chiffre d’affaires en 1991 à 425 M€ en 2019. Notre modèle a séduit, cent-vingt cabinets nous ont ainsi rejoint au cours de cette période. En fin d’année 2018, des questions se sont posées, concernant principalement les investissements à réaliser au niveau informatique et en termes de recrutement. L’éventualité d’une indépendance a alors été mise sur la table. Deloitte avait d’autres priorités. Les associés détiennent désormais 70 % du capital d’In Extenso (contre 34 % précédemment) tandis que les 30 % restant sont détenus par différentes entités du groupe Crédit Agricole.

Pourquoi n’avez-vous pas fait appel à un fonds d’investissement ?

C’est avant tout une question de durée d’investissement. Avec le Crédit Agricole, nous avons conclu un LBO à huit ans, une période qui est donc supérieure à celle proposée habituellement par les fonds. Nous voulions également être largement majoritaire. Or, les fonds d’investissements souhaitaient avoir des moyens de contrôle plus importants. Avec le Crédit Agricole, nous avons par ailleurs des synergies à développer, là où un investisseur financier aurait été dans une logique différente. Le Crédit Agricole est comme nous très présent sur le marché des TPE/PME. Les accès au financement pour la dette senior étaient également plus simples. Ceux proposés par des fonds se faisaient à des conditions financières moins favorables. Enfin, culturellement, nous sommes un partnership. Nos associés ont besoin d’une grande autonomie. Un mode de travail qui parle davantage au Crédit Agricole.

"Avec le Crédit Agricole, nous avons conclu un LBO à huit ans, une période qui est donc supérieure à celle proposée habituellement par les fonds"

L’idée de cette opération est-elle de financer plusieurs acquisitions, comme vous l’avez déjà fait en intégrant les équipes venues de Deloitte Développement durable puis celles du cabinet Efficient Innovation ?

Dans le cadre du LBO, nous avons négocié une enveloppe financière pour réaliser de nouvelles opérations de croissance externe. Nous disposons à cette fin d’une somme comprise entre 150 M€ à 200 M€. Nous ciblons notamment les cabinets d’expertise comptable traditionnels qui nous permettraient de renforcer notre maillage géographique. Nous aimerions ainsi être plus présents à Clermont-Ferrand ou à Reims par exemple. Par ailleurs, 80 % de notre activité est aujourd’hui dédiée aux TPE. Nous souhaitons accélérer notre développement sur le marché des PME. Enfin, nous désirons lancer de nouvelles expertises. L’idée étant d’offrir un service global aux entreprises et de continuer à travailler sur des niches sectorielles.

Vous avez été élu pour un mandat de cinq ans. Quels seraient pour vous les concours d’un mandat réussi ?

Dans l’idéal, nous aurions remboursé une bonne partie de notre dette senior. Je souhaite qu’au terme du LBO, nous ayons le choix le plus ouvert possible : soit repartir sur un LBO, soit détenir le capital à 100 %. Cette étape passe par une bonne gestion de la dette. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un partnership uni, avec des associés qui veulent tous aller dans la même direction. Dans le cadre du LBO, un seul des deux-cent seize associés n’a pas participé à l’opération. Nous avons chacun investi 100 000 €. Enfin, je souhaite que nous atteignions nos objectifs en termes d’Ebitda, cela permettra de récompenser les talents et de continuer à investir.

"Nous allons lancer dans les prochains mois une offre en gestion patrimoniale"

Quelles sont vos actions concernant l'accompagnement patrimonial des entrepreneurs ?

Nous allons lancer dans les prochains mois une offre en gestion patrimoniale. Les sujets les plus importants touchant les entrepreneurs concernent le système de protection sociale et de prévoyance au sein de l’entreprise ainsi que la préparation de la retraite. Il est essentiel d’accompagner les dirigeants sur ces questions. Nous allons donc développer dans chacune de nos régions des entités spécifiques qui feront des diagnostics et qui les accompagneront vers les choix de produits. Notre ADN repose sur le conseil. Les conseillers en gestion de patrimoine vont être amenés à intégrer un réseau d’experts-comptables. Notre logique n’est cependant pas celle de les intégrer en tant que salariés. Notre modèle est de regrouper des personnes indépendantes par nature et de mettre à leur disposition des outils pour travailler le plus efficacement possible. La première opération est en cours de finalisation, elle nous permettra de ne pas partir d’une feuille blanche mais d’une équipe déjà constituée. Cela se fera surtout par un choix d’hommes plutôt que de cabinets.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail