Membre du comité d’investissement de Carmignac, Didier Saint-Georges est une figure du monde de la gestion d’actifs. Il revient pour Décideurs sur une année riche en émotions.

Décideurs. Quelle est l'actualité des équipes de gestion de Carmignac ? 

Didier Saint-Georges. Actualité importante. D’abord, en septembre David Older, déjà responsable du département Actions (head of equity) chez Carmignac, a repris la responsabilité de la gestion de notre fonds Actions Internationales Carmignac Investissement, ainsi que celle du portefeuille Actions de notre fonds diversifié Carmignac Patrimoine. Cette évolution rend compte de l’excellente performance réalisée par David Older sur les portefeuilles dont il avait la responsabilité jusqu’à présent. Cela permettra également à Édouard Carmignac de se concentrer sur la réflexion stratégique en tant que directeur des investissements, et sur la gestion des risques au sein du fonds Carmignac Patrimoine. Autre évolution importante, la création d’une « équipe CIO », c’est-à-dire une sorte de « comité des sages », autour d’Édouard Carmignac dont le rôle sera d’extraire des multiples réflexions de l’ensemble de nos analystes, gérants et économiste les principaux éléments constitutifs de réelles convictions de marché, permettant renforcer les performances de long terme. Le recrutement récent d’un nouvel économiste senior, Raphael Gallardo, s’inscrit également dans cette volonté de renforcer la pertinence de notre lecture des marchés à la lumière de l’analyse macro-économique.

Comment avez-vous perçu les marchés au cours de l'année 2018 ?

L’année 2018 a signalé la fin d’une longue ère de performance des marchés actions portés par l’intervention hors norme des banques centrales. Ce durcissement général, mené par la Fed américaine, est rentré en collision avec le cycle économique. Aux États-Unis, la résilience de l’économie, portée par la réforme fiscale Trump a soutenu jusqu’au mois d’octobre le marché américain, mais, conjugué au resserrement monétaire a siphonné les dollars détenus dans le monde émergent, faisant s’effondrer littéralement ces derniers. L’Europe en ralentissement cyclique, en a été également victime. S’est greffée à ce phénomène une politique commerciale américaine prête à la confrontation, qui a fini, à partir d’octobre, par faire peser des risques supplémentaires pour la croissance y compris aux États-Unis. La hausse des taux d’intérêts liée à la nouvelle politique monétaire et au déficit budgétaire américain a été partiellement endiguée par cette anticipation de ralentissement et par une montée de l’aversion au risque, ramenant des capitaux vers les Emprunts d’État américains et allemands. Il s’agit donc d’une tripe collision entre le cycle économique, désormais en ralentissement global, le cycle monétaire en phase de normalisation, et le cycle politique de rébellion contre la doxa de la vertu budgétaire des dix dernières années, et d’affirmation d’une nouvelle forme de nationalisme économique.  

Quelles sont les tendances fortes que vous voyez émerger pour 2019 ?

Les cycles politiques et économiques sont des mouvements longs, qui ne devraient guère s’infléchir dans l’immédiat. Le cycle monétaire, lui, pourrait s’infléchir, si les deux premiers font craindre trop de risques pour la stabilité financière. Les banques centrales pourraient alors à un moment renoncer à leur ambition de normalisation, pour réduire les effets de la collision. C’est cette fonction de réaction des banques centrales aux données économiques mais aussi aux indicateurs de marchés qu’il faudra surveiller en 2019.

Quelles thématiques vous ont offert des surprises cette année ?

Clairement le siphonage des dollars offshore hors du monde émergent nous a surpris par sa violence, et a largement pénalisé nos actifs émergents, tant en actions qu’en obligations, qui étaient présents dans nos fonds spécialisés et globaux.

Que pensez-vous de la consolidation du secteur de l'asset management ? 

La contrainte des coûts et la difficulté pour la gestion active cette année encore de générer de la performance expliquent en grande partie un mouvement de consolidation pour résister à l’assaut de la gestion passive. L’avenir de la gestion active passera néanmoins plus que jamais par des acteurs indépendants mais solides, ambitieux mais très attentifs à la gestion des risques, suffisamment grands pour engager les ressources nécessaires à une analyse pertinente, mais suffisamment agiles pour gérer de façon vraiment active. C’est sur cette trajectoire que se situe l’ambition de Carmignac.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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