Pénurie de candidats et difficultés de recrutement pénalisent le marché de l’emploi. Certains secteurs ne trouvent pas de nouveaux talents, d’autres ne rencontrent pas les bons profils. N’est-il pas temps de revoir l’expérience candidat ?
Recruteurs / candidats : des visions divergentes
L’étude Indeed menée avec Opinion Way du 11 avril 2023 révèle que les recruteurs sont 82% à rencontrer des difficultés de recrutement. Par ailleurs, l’étude démontre une profonde divergence des points de vue entre recruteurs et candidats expliquant en partie cette pénurie.
Hard Skills/soft Skills
Si l’importance des soft skills ne fait plus de doute, les candidats restent cependant davantage attentifs à leurs hard skills. Du point de vue des candidats, les compétences faisant défaut à leur candidature sont principalement les compétences linguistiques (29%), le niveau de diplômes attendu (25%), les compétences managériales (21%), l’expérience professionnelle pertinente dans le poste à pourvoir (20%).
À l’inverse, l’attention des recruteurs ne se porte que rarement sur un déficit de hard skills mais sur le manque de certaines compétences comme la rigueur à 37% et la débrouillardise à 31%. Les recruteurs sont également 32% à céder sur les années d’études et le type d’école du candidat et 23% peuvent faire l’impasse sur les compétences métiers spécifiques.
Il est alors aisé de penser que les candidats ne feraient pas assez confiance aux recruteurs pour juger de leur profil au-delà du traditionnel curriculum vitæ. Toutefois, les candidats postulant à des offres d’emploi qu’ils pensent ne pas correspondre à leur profil, mettent en avant à 42% leur capacité à travailler en équipe, 41% leur rigueur et 38% leur débrouillardise. Compétences prisées par les chercheurs de talents qui pourtant estiment qu’elles font souvent défaut aux candidats. Il existe donc une réelle divergence des regards entre ce que les candidats mettent en avant et celle des des recruteurs.
Repenser les processus de recrutement
Cette divergence de points de vue se traduit par ailleurs par des recruteurs qui estiment parfois que les candidats ont trop d’attentes et des talents qui considèrent que les entreprises recherchent le mouton à cinq pattes. Sourcer différemment, revoir les processus de recrutement s’avèrent de nouveaux impératifs pour l’optimisation des recrutements. Alexandre Stourbe qui dirige le Lab RH explique qu’"il est temps de travailler la vélocité des process et de personnaliser les offres et processus de recrutement. L’expérience candidat se traite à présent comme l’expérience client. Il n’est plus possible de se passer d’un accompagnement personnalisé et suivi des postulants."
Gaëlle Provensal-Raoux, DRH d’XPO Logistics Europe, explique pour sa part s’être tournée vers des méthodes de recrutement innovantes comme le recrutement sans CV. "Cela nous permet de sourcer différemment nos talents, en se débarrassant des biais de discrimination dûs à la lecture d’un CV, nous avons accès à davantage de candidats. Nous développons également des initiatives telle les portes ouvertes ou des partenariats avec les écoles pour présenter les métiers."
Sourcer de façon innovante
La pénurie de talents invite à innover en matière de recrutement et ouvrir le champs des viviers possibles de candidats, à commencer par les collaborateurs en interne mais aussi passer outre ces bais de discrimination et recruter de façon plus inclusive. Les groupes AXA, Carrefour, Pernod Ricard, Publicis France et Rothschild & Co viennent d'annoncer le lancement de l'association Skills. Leila Grison, directrice Diversités, Équité et Inclusionet présidente de l’association déclare : "Les cinq entreprises allient leurs forces de frappe pour permettre à celles et ceux qui, bien qu’intéressés par la Tech, n’ont pas eu la chance d’intégrer des "grandes écoles" et se voient donc écartés des nombreuses opportunités d’emploi offertes par le secteur."
Nombreuses sont les innovations en matière de recrutement. La pénurie de talents révèle des perceptions bien différentes des compétences entre candidats et recruteurs. Dans ce contexte, l’inclusion ne serait-elle pas la démarche la plus vertueuse pour répondre à cette situation ?
Elsa Guérin