Les associés du cabinet de recrutement spécialisé dans les sciences de la vie L3S, Virginie Lleu et Hugues Petit, reviennent sur les belles opportunités qu’offre la France, malgré des freins qui subsistent.

Entretien avec Virginie Lleu et Hugues Petit, associés, L3S

 

Décideurs. Quel panorama dressez-vous de votre marché ?

 

Virginie Lleu. Notre métier de recruteur spécialisé est en train d’évoluer pour deux raisons : l’apport des nouvelles technologies avec les réseaux sociaux et l’émergence des équipes de talent acquisition dans les entreprises. Composées en général de profils plutôt juniors qui font peu de suivi candidats, elles peuvent venir en concurrence directe avec les cabinets de middle management. C’est moins le cas pour les postes seniors dont nous sommes les spécialistes ; ils réclament plus que jamais une connaissance pointue de l’environnement et une qualification fine du parcours des managers. Notre rôle de conseil est majeur : il ne s’agit plus seulement d’identifier les bons candidats mais d’accompagner le processus de décision.

Hugues Petit. En santé, à l’instar d’autres secteurs, il y a eu d’importantes fusions-acquisitions ces dernières années, et comme nous avons la chance de travailler aussi bien avec les grands groupes qu’avec les start-up, noyaux de l’innovation, nous créons des passerelles entre les deux mondes. En outre, de nouveaux métiers ont vu le jour - les partenariats public-privé ou les relations institutionnelles par exemple. Nous sommes très impliqués sur ces recrutements clés qui prennent de plus en plus d’importance chez nos clients ; c’est un champ d’opportunités pour nous qui continue de s’étendre.

 

Décideurs. Si le secteur ne semble pas connaître la crise, comment la France se positionne-t-elle ?

 

Hugues Petit. La France est un formidable terreau de leaders, d’initiatives d’open innovation et de projets passionnants. Cependant, en partie à cause des difficultés de financement - beaucoup de start-up innovantes préfèrent traverser l’Atlantique pour être cotées aux États-Unis et lever davantage de fonds qu’en Europe -, nous souffrons d’une image pas toujours attractive. À mon avis nous ne valorisons pas assez nos atouts : l’environnement médical et scientifique exceptionnel dont nous bénéficions, l’installation de centres de R&D, le poids économique de notre marché intérieur (pour la plupart des groupes internationaux la France est l’une des principales filiales), etc. Il me semble essentiel de communiquer avec plus de force sur nos réussites industrielles et scientifiques.  

V. L. L’engouement est toutefois plus modéré lorsqu’il s’agit de parler de salaires. Des écarts importants existent encore avec certains pays comme la Suisse. Certes, des mesures d’impatriation permettent à des profils n’ayant pas travaillé en France depuis cinq ans de bénéficier d’un régime fiscal attractif, mais les firmes ont parfois pris le parti de payer leurs collaborateurs jusqu’à 20 % au-dessus du marché pour ne pas voir partir leurs talents. Sur les très hauts postes, tout ce qu’une entreprise peut offrir à ses dirigeants – systèmes de rémunération décalés, avantages en nature… -  constitue des éléments de rétention forts.

 

Décideurs. Les candidats sont-ils plus ou moins mobiles ?

 

V. L. Quelque chose se passe chez les grands internationaux. Ils sont de plus en plus nombreux à adapter voire supprimer leur politique d’expatriation. Pour les firmes américaines qui veulent envoyer des collaborateurs dans leurs filiales étrangères, ces dernières ont du mal à trouver un terrain d’entente. Les packages étant moins intéressants, beaucoup ne prennent plus le risque de partir.

H. P. La mobilité est également un problème dans l’Hexagone : les cadres sont peu mobiles et, bien que de très beaux postes se libèrent, il est difficile de délocaliser les candidats d’une ville à l’autre – sans parler de l’écart Paris-province. La France est un pays extrêmement centralisé, ce qui n’aide pas à fluidifier le marché. Et il en est de même culturellement à l’échelle de l’entreprise. Tout est concentré autour du siège social et le home office n’est pas suffisamment plébiscité, à l’avantage d’autres pays qui développent ces modes d’organisation depuis longtemps. Il faut que les organisations apprennent à être plus flexibles.

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