Axa Seed Factory, Total Energy Ventures, Aliad, Aster Capital, Orange Fab… Les initiatives des grands groupes français se multiplient pour capter l’innovation des start-up.
Dans le monde, le corporate venture représente plus de cinquante-et-un milliards d’euros, quelque 10 000 entreprises et 3 000 fonds. « Le corporate venture a non seulement un rôle de veille sur le marché, mais il doit aussi cultiver l’ambition d’être défricheur et visionnaire », martèle François Badoual, directeur général de Total Energy Ventures. En France, plus de dix ans après l'éclatement de la bulle spéculative sur les valeurs du net, la tendance semble à nouveau être au rapprochement entre les grands groupes français et des start-up devenues incontournables. Et pour cause, dans un contexte économique ultra-concurrentiel, capter l’innovation de ces structures est devenu un enjeu crucial. « Les start-up ont pour elles l’agilité, la souplesse de fonctionnement – et peut-être l’absence d’idées préconçues », constate Pierre Louette, directeur général adjoint et secrétaire général d’Orange, en charge de la stratégie d’investissement du groupe dans les start-up.

« Transformer l’innovation en réussite industrielle »

Mais alors pourquoi les vrais fonds de corporate ventures français se font-ils encore si rares ? « Malgré plus de 300 participations, nous croisons très rarement des fonds en corporate venture. Le peu de français que nous croisons sont très différents des anglo-saxons », s'étonne Jérémie Berrebi, cofondateur de Kima Ventures. Une partie des entreprises françaises a choisi pour le moment d’investir à travers des fonds indépendants comme ceux d’Idinvest, notamment Idinvest Digital Fund II. Mais c'est surtout la loi de finance de 2015 qui devrait permettre d’accélérer le développement des investissements en corporate venture. Cette dernière prévoit en effet de pouvoir amortir sur cinq ans jusqu’à quinze millions d’euros (ou 20 % du capital investi) dans des start-up.

En attendant, les entreprises françaises ont plusieurs cordes stratégiques à leur arc. La plus répandue reste l’acquisition comme dans les cas de Dailymotion en 2012 ou plus récemment celui de Wipolo, racheté par Accor en 2014. Selon le cofondateur de Kima Ventures, « le fait qu’un groupe investisse soit en échange du capital, soit en injectant des fonds pour aider au développement d’un produit, reste déterminant pour que la collaboration soit gagnante. »

D’autres groupes ont choisi une voie plus audacieuse en créant des incubateurs comme l’i-lab d’Air Liquide, le Village du Crédit agricole ou le Partech Shaker du fonds éponyme auquel se sont associés de grands groupes comme Alcatel-Lucent, BNP Paribas, Saint-Gobain ou Econocom. Ces pépinières fondées sur le principe d’open innovation répliquent bien souvent l’écosystème de la Silicon Valley avec en ligne de mire la mise à disposition de leurs expertises et moyens auprès des jeunes pousses.

Parmi les options privilégiées par les grandes entreprises figurent aussi les accélérateurs. Le groupe Orange a par exemple élaboré un programme baptisé Orange Fab sur douze semaines et sur les cinq continents. Ayant vocation à booster le potentiel des très jeunes pousses. « Grâce à nos collaborateurs et aux mentors externes comme Bram Cohen, inventeur de BitTorrent, nous ouvrons les portes de nos marchés aux start-up », explique Nathalie Boulanger, senior VP Orange start-up ecosystem. Véritables leviers de croissance, ces collaborations permettent bien souvent aux start-up de changer d’échelle. « C’est transformer l’innovation technologique en réussite industrielle, résume Pierre Louette, et cela nous a permis de faire éclore sur la scène internationale des joyaux français comme Dailymotion et Deezer ».

Si pour certains professionnels investir apparaît comme le meilleur moyen de sécuriser les relations avec les start-up, il faut toutefois rester prudent dans le choix des investissements. La réussite de ces partenariats n’est pas garantie. Jérémie Berrebi met en garde : « Si l’on parle à des équipes internes qui font semblant de vous faire croire qu’ils vont pouvoir investir chez vous, réfléchissez-y à deux fois. » Les grands groupes sont aussi conscients du risque lié à ce type d’investissements qui ne sont pas nécessairement gage de succès. « Notre écosystème est par nature très incertain. Nous avons donc la liberté de nous tromper et surtout d’apprendre en expérimentant », admet François Badoual.

Dix start-up sur lesquelles parie le CAC 40


Voici une sélection de dix start-up les plus innovantes soutenues par les géants français.

Sigfox
Créée en 2011, cette start-up toulousaine vient de réaliser une levée de fonds record. Cent millions d'euros pour développer une connectivité mondiale à bas coût et faible consommation d’énergie pour les objets. GDF Suez et Air Liquide sont entrés au capital, et d’autres entreprises comme Orange et Airbus ont déjà noué des partenariats avec elle.

Solar Impulse
Fabriquer un avion autonome capable de voler de jour comme de nuit à partir de l’énergie solaire : tel est le pari de Bertrand Piccard et André Borschberg qui a séduit le chimiste Solvay. Le groupe a choisi de contribuer au projet en apportant son expertise sur les matériaux permettant d’alléger l’appareil et d’améliorer le confort des pilotes, deux conditions indispensables pour réussir le prochain défi : réaliser un tour du monde.

Wipolo
Rachetée à 100 % par Accor en 2014, la jeune pousse française fondée par d'anciens d’Air France et de Dell a développé une application permettant aux clients de regrouper toutes leurs réservations et leurs bons plans voyages. Une pierre indispensable pour accompagner la digitalisation du géant de l’hôtellerie.

Avantium
Spin off de Royal Dutch Shell, cette société néerlandaise a développé un composant chimique vert substituable aux matériaux dérivés d’hydrocarbures dans les emballages notamment. Une prouesse scientifique qui a attiré l'attention d’Aster Capital, le fonds de corporate venture de Schneider Electric, Solvay et Alstom, présents au capital depuis 2011. Danone est entré lors du dernier tour de table en juin 2014 aux côtés de Coca-Cola.

Lightsail Energy
Cette start-up californienne, dans laquelle a investi Total Energy Ventures, conçoit un système à air comprimé de stockage de l’énergie. Son ambition : révolutionner la consommation d’électricité avec une technologie renouvelable et bon marché soutenue par Bill Gates et Peter Thiel, présents au capital.

Flyr
L’alliance du Big data et du voyage, c’est ce que propose Flyr en prédisant le moment idéal pour acheter ses billets d’avion. Comme sur un marché financier à terme, il est même possible de bloquer un prix pour un achat ultérieur. L’assureur français Axa est entré au capital en janvier à travers son fonds d’amorçage spécialisé Axa Seed Factory.

Team8
C’est en Israël qu’Alcatel-Lucent est allé en février 2015 pour investir dix-huit millions de dollars aux côtés notamment de Cisco et d’Eric Schmidt, chairman de Google, dans cet ovni à mi-chemin entre la start-up et l’incubateur. Fondée par des vétérans de l’armée israélienne, l’entreprise Team8 se présente comme un think tank dédié à la création de sociétés spécialistes de la cyber-sécurité.

Ijenko
Incubée chez Bouygues Telecom Initiatives, également présent au capital, la start-up développe des technologies autour de la « smart home ». Concrètement, elle propose une plate-forme dédiée à la gestion de la consommation d’énergie afin de faciliter le partage d’informations entre les consommateurs et leurs fournisseurs d’électricité ou de gaz.

Afrimarket
La jeune pousse a élaboré un système de paiement sécurisé permettant à un résident en France de régler directement depuis chez lui toutes les dépenses de santé, de scolarité et de nourriture de ses proches en Afrique. Passée par l'accélérateur Orange Fab, Afrimarket a récemment convaincu l’opérateur d'entrer à son capital.

JHF

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