Le gouvernement vient de dévoiler les 60 nouveaux lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt "Fabriques de territoires". Cet AMI avait été lancé en juillet 2019 à la Cité Fertile de Pantin (93) à la suite du rapport de la "mission coworking" pilotée par Patrick Levy-Waitz. Ce dernier, actuel président de l’association France Tiers-Lieux, fait le point sur le développement de la filière.

Décideurs. Quel bilan tirez-vous de l’action de France Tiers-Lieux à ce jour ?

Patrick Levy-Waitz. À l’issue du rapport de la mission coworking « Faire ensemble pour mieux vivre ensemble » en 2018, un plan gouvernemental a été mis en place pour appuyer l’émergence de 300 fabriques des territoires partout en France. Outre le déblocage des fonds nécessaires pour mener à bien cette mission, une structure associative a été créée pour mettre en place une filière professionnelle. Elle a a pour rôle de développer les outils nécessaires à la structuration de la filière, de faire émerger des réseaux territoriaux, d’aider à résoudre les différentes problématiques qui peuvent se présenter, et d’encourager et appuyer les actions des collectivités territoriales et de l’État en direction des tiers-lieux. Notre association est opérationnelle depuis novembre 2019. Elle a contribué depuis à installer les tiers-lieux comme des acteurs clés dans le redéveloppement des territoires. Ces espaces s’imposent naturellement, soutenus par les citoyens qui s’en emparent. Leur émergence est donc en bonne voie mais n’est pas encore terminée. Concernant la construction de la filière professionnelle, nous travaillons sur la gouvernance de l’association. Je la préside en attendant que les acteurs privés ou associatifs se mettent d’accord sur la meilleure des gouvernances. Enfin, la crise sanitaire a démontré la pertinence et l’utilité de ces tiers-lieux : plus de 4 millions de pièces y ont été réalisées pendant le confinement, notamment pour le secteur de la santé. Ces espaces sont devenus les fers de lance de la société de faire et d’engagement qui émerge.

"Nous sommes à mi-chemin dans l’exécution du plan gouvernemental"

Quelles sont les étapes qui restent à franchir pour atteindre les objectifs du plan gouvernemental d’appui et d’accélération des tiers-lieux ?

Nous sommes à mi-chemin dans l’exécution du plan gouvernemental. Le grand enjeu réside dans la transversalité de l’action publique. L’État doit en effet apprendre à travailler avec des espaces uniques et nouveaux qui sont le fruit de la volonté des citoyens. Les cultures se confrontent et nous apprenons en marchant. Il reste encore beaucoup à faire, d’autant que le plan gouvernemental d’appui et d’accélération des tiers-lieux sera probablement amplifié.

Quelle sera la place des tiers-lieux dans le « monde d’après » selon vous ?

Ce sont les premiers chaînons visibles du monde de demain car ils constituent la première expression citoyenne qui s’impose dans le champ collectif depuis très longtemps. La société des loisirs née dans les années 1970 a conduit à l’émergence d’une réponse collective portée par l’État : les maisons des jeunes et de la culture. Au fil du temps, les MJC sont tombées en désuétude, ne répondant plus aux besoins des citoyens et aux transformations de notre société. À l'instar de ce qu'ont été les MJC, les tiers-lieux font écho aujourd’hui à l'évolution de la société, au croisement de la révolution numérique, de la transition écologique et d'un retour du « faire ». Les citoyens sont les premiers acteurs de ces transformations et se mobilisent de façon spectaculaire. C’est dans ces conditions que les élus nationaux ou locaux sont conduits à les impliquer pour bâtir un système qui fasse à nouveau sens pour refaire société ensemble.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

Cette interview est extraite du guide Acteurs Publics qui paraitra prochainement

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