Avec la crise du coronavirus, de nombreux commerces et boutiques ont baissé le rideau. Philibert Carminati, directeur financier d’Armor Lux, revient sur les conséquences du confinement pour la marque bretonne et les stratégies de reprise de l’activité.

Décideurs. Comment Armor Lux a-t-elle vécu les semaines de confinement ? Comment la DAF s’est-elle organisée ?

Philibert Carminati. Le 14 mars dernier, toutes nos boutiques ont fermé. Au-delà du choc de l’annonce, il a fallu s’organiser, dès le 15 mars, pour maintenir une activité industrielle et logistique, rassurer nos clients sur notre capacité à assurer la continuité de service et, enfin, solliciter l’aide de nos banquiers pour le Prêt garanti par l’État et le Comité social et économique (CSE) pour le recours à l’activité partielle.

Les lignes de production ont été transformées pour la confection de masques. Racontez-nous.

Si les personnels soignants ont été en première ligne pour lutter contre la pandémie de la Covid-19, de nombreux acteurs économiques se sont mobilisés. Nous sommes fiers de faire partie de ceux-là. En décidant, dès la mi-mars, de fournir des masques et des blouses aux établissements de santé, aux entreprises et aux collectivités, nous avons prouvé que notre usine quimpéroise et ses salariés étaient indispensables et que nos valeurs de solidarité et d’engagement avaient du sens en ces temps de crise. Il faut d’ailleurs saluer le courage des salariés qui ont accepté de continuer à travailler pour participer à l’effort de solidarité national. Nous avons produit plus de deux millions de masques, ce qui nous a permis de réduire un peu le choc financier lié à la fermeture de notre réseau de points de vente.

Quels leviers avez-vous actionnés pour pallier la perte de revenus ?

Nous avons obtenu de nos banques un Prêt garanti par l’État (PGE) pour nous aider à surmonter l’absence de chiffre d’affaires due à la fermeture du réseau de boutiques et nous accompagner dans la phase de reprise. Après consultation et avis favorable du CSE, l’entreprise a eu recours à l’activité partielle pour un grand nombre de salariés. Ce dispositif permet de soutenir l’emploi en cette période de baisse extrêmement importante de chiffre d’affaires. Enfin, nous avons pris d’autres mesures financières comme le report des loyers, le report des échéances à moyen terme, etc.

"Il est indispensable de garantir aux consommateurs et citoyens des filières d’approvisionnement transparentes et sécurisées"

Le secteur de la distribution a été fortement touché par le confinement. Quelles stratégies allez-vous mettre en place ?

Depuis le 11 mai, nos boutiques sont de nouveau ouvertes au public après huit semaines de fermeture qui ont entraîné une perte très importante de chiffre d’affaires. Cette réouverture a toutefois nécessité de mettre en place des mesures sanitaires extrêmement strictes. Nous comprenons ces consignes et nous les respectons, même si certaines, comme la mise en quarantaine systématique des articles essayés, rendent difficile la vente et empêchent un retour à une consommation normale. En revanche, le e-commerce fonctionne très bien. Au regard du contexte sanitaire, nous avons organisé une grande braderie exclusivement sur le net et avons réalisé un score exceptionnel. Mais nous n’oublions pas les soignants, puisque nous avons reversé 3 % des ventes à Innovéo, le fonds de dotation du CHRU de Brest pour financer la recherche en santé.

Les habitudes de consommation ont été bouleversées. Comment Armor Lux s’adapte-t-elle ?

On peut espérer, même si cela ne se décrète pas, que les consommateurs se tournent plutôt vers des marques et des entreprises qui portent des valeurs fortes et dont les produits ont du sens. Nous espérons également que les grands donneurs d’ordres publics ou privés sauront se souvenir, une fois que l’épidémie sera derrière nous, qu’il n’est pas obligatoire d’aller "sourcer" des produits au bout du monde quand on a, en France, des entreprises capables de fabriquer ces mêmes produits dans des conditions respectueuses des salariés, de la santé et de l’environnement.

Nous verrons si la crise renforcera les attentes et aspirations sociétales des consommateurs. Dans un secteur mondialisé et sensible sur le plan éthique et environnemental, nous avons intégré la RSE au cœur de notre stratégie et de notre système de management depuis déjà longtemps. Au vu du contexte actuel, il est indispensable de garantir aux consommateurs et citoyens des filières d’approvisionnement transparentes et sécurisées sur le plan de l’éthique et de l’environnement.

Quelles sont les prochains chantiers au sein de la direction financière ?

La priorité sera d’accompagner la direction dans les choix d’investissements, ainsi que dans l’adaptation du modèle économique de l’entreprise à la nouvelle donne imposée par la crise. Cette réflexion sera nécessairement financière, mais aussi bien plus profonde. À ce titre, il est déjà prévu d’améliorer les fonctionnalités de notre site web en avançant d’un grand pas vers la notion de "ship from store", qui permet l’accès à nos clients de tous les produits par tous nos canaux de distribution. Le second investissement significatif concerne notre outil logistique, dont nous allons moderniser le système de gestion (WMS). Les autres investissements jugés moins prioritaires sont reportés.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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