Femme de terrain et de conviction, tournée vers l’action et douée d’un solide sens du compromis, Nicole Notat a fait de son souci du collectif et de son sens de la concertation le fil conducteur de sa carrière et de ses engagements. Tour à tour patronne de syndicat et chef d’entreprise, spécialiste de RSE, artisan clé de la loi Pacte et coordinatrice en chef du "Ségur de la santé", celle qui dit préférer, au confort de l’antagonisme de principe, l’efficacité du "cheminement vers une solution commune" s’est fixé il y a des années pour objectif d’"agir pour transformer". Et elle s’y tient.

L’envie "d’être utile". Si Nicole Notat reconnaît un fil conducteur à son parcours, une constance qui la fera passer d’institutrice auprès d’enfants en difficulté dans les années 1960 à coordinatrice en chef du "Ségur de la santé" ces derniers jours en passant par dirigeante de syndicat et fondatrice d’une agence de notation en RSE, c’est celui-ci : un goût prononcé pour le collectif, un sens aigu de l’engagement et, histoire de convertir l’un et l’autre en action concrète, une volonté farouche "d’agir pour transformer". Et cela, qu’importe le domaine, du moment que celui-ci présente des déséquilibres à réparer. "Depuis toujours j’ai une attirance pour les choses qui, selon moi, méritent d’être changées", concède-t-elle. Une propension à l’action et au militantisme à qui les événements de mai 1968 vont offrir un terrain d’expression tout trouvé. Non pas sur les barricades du quartier latin – son mai 68, Nicole Notat le vivra "dans la Meuse"… – mais en l’amenant à rejoindre les rangs de la CFDT, le syndicat dans lequel elle va passer plus de trente ans, bousculant les habitudes, modernisant les pratiques et, au passage, gravissant les échelons en passant outre les délais requis ; jusqu’à devenir, à quarante-cinq ans, la première femme à diriger une confédération syndicale. 

Le goût de la concertation

Elle qui, pour avoir toujours travaillé  "avec des hommes qui avaient un temps d’avance", n’a jamais eu à souffrir de discrimination, va prendre la pleine mesure du sujet. Au travers de l’action syndicale, elle "touche du doigt les questions d’inégalités de salaires et de non-mixité de l’emploi…". À cette prise de conscience globale s’ajoute l’expérience, personnelle celle-là, des froncements de sourcils suscités, en interne, par une ascension jugée trop rapide et peu orthodoxe, pas de francs témoignages d’hostilité, non, mais une attente manifeste face à sa "capacité à faire", à laquelle s’ajoute, élément aggravant, une philosophie syndicale perçue comme trop accommodante avec le patronat ; trop tournée vers le dialogue et portée sur la concertation.

"Depuis toujours, j'ai une attirance pour les choses qui, selon moi, méritent d'être changées"

"La CFDT ne m’avait pas attendu pour faire le choix de la négociation comme du meilleur moyen de faire avancer nos revendications", nuance-t-elle avant de le reconnaître : avec elle, exit le vieux réflexe de l’opposition de principe sur fond de lutte des classes. "Désormais, on ne dit plus non à tout. Même face à un gouvernement de droite." On privilégie le dialogue et les avancées concrètes qui, bien souvent, en découlent. Et tant pis pour ceux que cela hérisse. 

Le sens de l’action

Il en faut plus pour décourager cette fille d’agriculteurs, aînée de quatre enfants dont les parents ont toujours respecté "les itinéraires et les choix", leur inculquant le goût de la liberté et la conviction que c’était à eux "de créer les conditions de (leurs) ambitions". De quoi expliquer, en partie au moins, qu’aux postures dogmatiques, Nicole Notat ait toujours préféré un pragmatisme de terrain et adhéré à l’idée que, "pour cheminer vers un compromis, il est nécessaire de comprendre les positions de l’autre, sans pour autant y adhérer obligatoirement". Plus qu’une stratégie, l’ancienne patronne syndicale voit là "un état d’esprit". Une détermination à infléchir le réel qui, lorsqu’elle quitte la CFDT au début des années 2000, va se déporter vers un nouveau terrain d’expression : celui, alors émergent, du développement durable. "À cette époque le sujet est nouveau. Pour la première fois, les entreprises doivent rendre des comptes lorsque leur activité fait d’elles, vis-à-vis de la planète, des prédatrices plus que des créatrices de valeur", explique celle qui dit avoir perçu une opportunité dans cette sensibilité naissante. "L’occasion de les accompagner dans cette nouvelle responsabilité". Pour cela, elle crée, avec plusieurs figures du monde syndical, Vigeo, une agence de notation inédite qui vise à mesurer l’impact des actions et décisions des entreprises sur leur écosystème. Un engagement d’un nouveau genre dans lequel, comme lors des trois décennies passées à la CFDT, Nicole Notat va voir l’occasion de faire bouger les lignes.

"Dans ma mission entrepreneuriale, j'ai vu le prolongement de mon engagement auprès des entreprises"

Équilibriste

Peut-être pas de révolutionner les comportements mais, une fois encore, "d’avancer vers une solution commune". Pour y parvenir, l’ancienne figure de proue syndicale va activer les mêmes leviers que ceux qui avaient marqué ses années au sein de la CFDT, privilégiant la concertation sur les antagonismes de principe dans un exercice d’équilibriste qui, résume-t-elle, consiste à "rester ferme sur ses positions mais à l’écoute de l’autre et dans la reconnaissance de son utilité".

 "Dans la mission de Vigeo, j’ai vu le prolongement de mon engagement auprès des entreprises", confie-t-elle avant d’évoquer celui qui, quelques années plus tard, suivra, lorsqu’avec Jean-Dominique Senard, alors patron de Michelin, elle cosignera le rapport à l’origine de la loi Pacte sur la raison d’être de l’entreprise et sa dimension "d’objet d’intérêt collectif". Ajoutez à cela un passage par la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, un soutien sans ambiguïté apporté, dès le premier tour des élections, à Emmanuel Macron et, aujourd’hui, un rôle de coordinatrice en chef du Ségur de la santé  organisé par le gouvernement et l’on se prend à s’interroger : Nicole Notat n’aurait-elle pas toutes les qualités requises pour aller, un jour, exercer son sens de l’engagement et son goût du collectif dans un ministère ? Du côté de l’intéressée, on dit s’y refuser. Ailleurs, on continue à s’interroger.

Caroline Castets

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