Le secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration est particulièrement touché par la crise du Covid-19. Les entreprises et emplois qui lui sont liés en font les frais. C’est le cas de Gatti, le fabricant des meubles en rotin qui ornent les terrasses parisiennes. Son patron et propriétaire, Alexis Dyèvre, partage avec son nouveau quotidien.

Décideurs. Dans quelle mesure votre activité est-elle touchée par la pandémie ?

Alexis Dyèvre. Nous sommes dans l’épicentre de la crise économique car nous évoluons dans le secteur de la CHR (café, hôtel, restaurant), qui est l’un des plus secoués actuellement. Le choc a été extrêmement brutal dans la mesure où, du jour au lendemain, tous nos clients ont été fermés. En France, pays qui représente 55 % de notre chiffre d’affaires, l’activité bat son plein entre février et octobre. Les clients qui devaient s’équiper pour la saison ont remis leur projet à plus tard.

Quels sont vos atouts pour faire face à la tempête ?

Nous sommes rentrés dans l’œil du cyclone avec trois avantages. Les commandes sont livrées sous huit à dix semaines. Nous pouvons donc maintenir notre production, même si l’activité commerciale est quasi nulle depuis la mi-mars. Ensuite, notre société, centenaire, connaît depuis plusieurs années une forte croissance qui lui permet d’afficher une solidité financière rassurante et une réelle agilité opérationnelle. Enfin, 45 % de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger. Or les mesures de confinement et donc leurs impacts économiques n’ont pas été les mêmes dans tous les pays. Nos clients de Suède, de Norvège, du Danemark, d’Allemagne, de Suisse ou encore des Pays-Bas préparent actuellement la reprise de leur activité. Ce qui permettra de lisser le choc.

Quelles mesures avez-vous mises en place pour y faire face ?

D’une part, je me suis concentré sur la trésorerie en utilisant tout l’arsenal proposé par l’État afin de la préserver. Une partie de mes effectifs est notamment en chômage partiel pour lisser la production et j’organise des roulements, en accord avec les salariés, pour maintenir l’équité entre les personnes. D’autre part, je veille particulièrement à épauler mes salariés, en m’assurant régulièrement que chaque famille supporte au mieux ces semaines difficiles et en donnant à chacun de la visibilité à court terme. Il faut que la force et le calme d’en haut se diffusent en bas pour dépasser cette épreuve.

J’échange beaucoup avec d’autres dirigeants

Quel est le rôle du chef d’entreprise dans cette crise ?

Je m’attache à assurer la résilience de la société en organisant au mieux la gestion opérationnelle mais aussi en me projetant et en anticipant. L’exercice est difficile parce que personne ne peut prédire l’avenir, en particulier en ce qui concerne la réouverture des cafés, hôtels et restaurants ou encore le comportement des consommateurs. Je reste confiant à moyen terme parce que nos produits sont un investissement essentiel à l’activité de nos clients. Il est, en revanche, impossible d’anticiper l’échéance à laquelle ils seront reportés : trois mois, un an… ? Le pilotage se fait donc essentiellement à vue !

Vos produits seraient-ils adaptés à un monde demain porté davantage sur l’hygiène ?

Les tables que nous produisons sont fabriquées avec de l’inox, du laiton, de l’acier poli,  ou de la fonte, donc des matières que le virus n’aime pas. Mais il est difficile aujourd’hui de prendre des décisions – qui sont pourtant le propre d’un dirigeant – sans avoir de visibilité.

Comment garder le moral ?

Je me concentre d’abord sur la gestion quotidienne, pour qu’elle soit la plus fine possible et la plus adaptée aux données du moment, qui évoluent rapidement. Ensuite, j’échange beaucoup avec d’autres dirigeants. Avant d’acheter Gatti, j’ai fondé et dirigé Audacia, une société de gestion ayant investi au capital de plus de 350 PME. J’ai donc la chance de disposer d’un réseau dense qui me permet de nourrir ma réflexion. Enfin, je prends du recul : la moitié de l’humanité est assignée à résidence, l’incertitude est maximale, il est important de relativiser sa propre situation, d’accepter ce qui vient et de savoir que la vie reprend toujours ses droits. L’hôtellerie-restauration représente un million d’emplois et participe à l’âme de la France, à son patrimoine, à son art de vivre. Elle a énormément souffert depuis cinq ans, avec les attentats, les gilets jaunes et les grèves. Elle s’est toujours relevée.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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